ia sae | 4 Le vendredi 4 juillet 1997 de voir un jou produi I unauté francophone. chiméres, on passe a cdté de Punique but de départ : aider notre : Billet @Thumeur n beau samedi, a la brunante. Je trainais par les rues propres du West End les restes d’un réve commencé depuis des lunes : me promener tranquille avec dans une main celle d’une femme et dans l’autre celle d’un enfant. Je marchais presque sans faire de bruit afin d’écouter ceux de la ville. A travers les gargouillements de ma digestion, j entendais le carillon fatigué d’une église vieillie. Je me suis approché pour écornifler ce qui s’y passait. Il y avait quelques grappes de gens, silencieux, la téte basse, endimanchés de beaux habits, les souliers vernis, qui chuchotaient autour de grosses voitures noires garées en rang & quelques pieds du parvis. Et n’eussent été des rubans glacés qui ornaient les voitures, je n’aurais jamais pu croire qu’on y avait célébré la un mariage, la féte de l’amour, tellement l’enthousiasme était mou. Je me disais, de toute fagon, que l’amour a ses rai$ons et que tous les mariages ne sont pas heureux. Au bout de quelques minutes, les gens se sont massés dans les grosses voitures aux vitres teintées et dirigés vers l’English Bay ; j’ai suivi ce cortége qui ressemblait davantage a un cortége funebre qu’a celui dont l’amour on célébre. Rendus la-bas, je ne sais quelle mouche les avait piqués, mais devant le photographe les gens se sont tous mis a sourire. Je me disais : étrange comme les humains sont changeants, ils changent de sourire comme on change de sous-vétements ou de déguisement. Qui sait, peut-€tre voulaient-ils léguer a ’éternité l'image de gens heureux ? Et peut-tre que c’est important de paraitre heureux, méme Si on est triste comme la pluie, qu’on s’ennuie pour mourir. Qui le sait ? Vous ? Enfin... J’ai laché une dizaine de gros soupirs en ligne discontinue comme pour manifester mon propre écoeurement de la nature humaine, son cété mesquin, ses p’tites manies récurrentes de se faire accroire au benheur et de souvent laisser tomber finalement pour d’autres sortes d’intéréts plus pressants. Je me suis poussé plus loin sur la plage et ai continué de réfléchir & d’autres mariages qui ne sont pas heureux, ici A Vancouver et ailleurs. Je faisais le cruel constat du divorce qu’il y a entre la nature majestueuse et simple du sol et celle, artificielle et éphémére, des gens qui habitent maladroitement dessus : le mariage historique et malheureux entre |’Etre et le Paraitre, entre une nature luxuriante et des gens pressés qui brisent tout ; avec pour toutes alliances des anneaux de fumeées ici et la qui polluent le ciel et quelques roues de fortune en or plaqué aux doigts de quelques puissants. Je pensais également au cruel divorce - ici plus qu’ailleurs - qui existe entre les riches et les pauvres ; les pauvres ici ne sont pas seulement pauvres, ils sont misérables, exclus comme des parcométres sur une rue passante un samedi aprés-midi. Je regardais partout autour, je prenais par dizaine des photos de mariages malheureux, de quoi devenir encore plus fou. Aprés avoir épuisé le film de ma pensée, la téte voulait me quitter le cou, mais je l’en ai vite dissuadée et l’ai invitée & venir avec moi plus prés de l’eau. On s’est assis sur une grosse pitoune de pin morte et échouée sur la berge, afin de célébrer des yeux la beauté des paysages. Au loin, entre les bras des montagnes a téte blanche qui embrassent la ville, des voiliers, poussés a le faire par le vent, cisaillaient le ciel en lambeaux violacés et ¢a gaspillait le beau bleu du jour que le soleil était sur le point d’abandonner, en se laissant choire et glisser jusqu’en Chine, éteignant du méme dernier souffle la lumiére aux bateaux, dont j’entendais les derniers ronronnements avant qu’ils aillent eux aussi se coucher. Et d’un seul coup, comme ga, il a fait étrangement noir. J’ai eu l’idée trés naturelle de me [aire un feu pour m’éclairer et me réchauffer, mais ici on n’en a pas le droit, comme bien d’autres choses trés naturelles, d’ailleurs. J’ai senti alors le besoin de voir la lune, en chaire et en lumiére, mais ne l’ai pas trouvée. Je l’ai cherchée dans tous ses quartiers ; introuvable. F inalement, j’ai fermé mes yeux et m’en suis dessinée une dans ma téte, toute blanche et ronde, belle comme une femme dans une robe de mariée. Denis GILBERT PRESTON NENW, CEDE ALA TENTATION POUR QUE LE MONDE TOURNE PLUS JUSTE. (514) 257-8711 5633, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H1N 1A3 AG