CAHIER SPECIAL PUBLIE PAR L’APFHQ— 9 Le bilinguisme en arrache au Nouveau-Brunswick Seule province canadienne officielle- ment bilingue, le Nouveau-Brunswick Vit au rythme de la Loi sur les Langues Officielles du Nouveau-Brunswick de- puis le ler septembre 1969. Ce sera donc un vingtiéme anniversaire a la fin de 1’été. Dans le contexte actuel, il est difficile de prédire s’il y aura des célé- brations ou des prestations. Tant chez les acadien(ne)s que chez les anglo- phones, une certaine insatisfaction voire méme une impatience se mani- feste tres ouvertement. Précisons tout de suite, pas nécessairement pour les mémes raisons ou objectifs. Par: JEAN L. PEDNEAULT Le débat linguistique mis en veil- leuse par le nouveau gouvernement provincial élu sans aucune opposition, a l’automne 1987, n’a pas changé grand-chose au domaine des langues. En mars 1982, le rapport du groupe d’étude sur les langues officielles (Poi- rier-Bastarache) est publié aprés pres- que trois années de consultations et d’étude. Le premier ministre du temps, M, Richard B. Hatfield confie au Co- mité Guérette-Smith le soin de consul- teretd’étudier les recommandations de l’épaisse «brique» Vers 1’ égalité des langues officielles au Nouveau-Bruns- wick. L’une des principales recom- mandations de ce comité est la refonte de la Loi sur les langues officielles. L’ Etat vient de se donner un autre délai et les résultats tardent 4 se manifester. Les récentes audiences publiques du Comité spécial de l’ Assemblée Lézis- lative sur l’Accord du Lac Meech re- lance de plus belle le débat qui, au plan politique, séme une peur voilée avec l’arrivée du Confédération of Regions Party (COR). Méme le premier minis- tre Frank McKenna qui a appris a par- ler francais dit s’inquiéter que 16 000 personnes aient accordé dans sa pro- vince leurs votes au COR durant la derniére campagne électorale fédérale. Ce parti méne une lutte acharnée anti- bilinguisme et anti-francophone trés ouverte. Le seul francophone de 1’ex- térieur du Québec a faire partie du ca- binet fédéral, Bernard Valcourt, d’Edmundston, au Nouveau-Bruns- wick effectue une sortie contre ce groupe marginal qui selon lui divise anglophones et francophones. «Ce groupe n’a pas d’avenir comme parti politique parce qu’il est aveugle devant la réalité néo-brunswickoise et cana- dienne» déclare le ministre. Pour sa part, la vice-premiére ministre de la province Mme Aldéa Landry soutient que le bilinguisme, au Nouveau- Brunswick, est un processus irréversi- ble. Selon elle «le COR ne représente pas l’opinion de la majorité des anglo- phones du Nouveau-Brunswick». Lors d’une tribune téléphonique 4 la radio de Radio-Canada, en Atlantique, le premier ministre Frank McKenna abonde dans le méme sens. Pour sa part, Me. Michel Doucet, président de la Société des Acadiens et des Aca- diennes du Nouveau-Brunswick est d’opinion que le gouvernement pro- vincial est trop timide dans ses réac- tions a l’endroit du COR. II dit: «S’il s’agissait de commentaires anti-sé- thites ou anti-noirs, le gouvernement les auraient vivement dénoncés». Mi- chel Doucet admet qu’il est inquiétant de constater que le COR attire des foules nombreuses 4 ses assemblées publiques. Un ancien ministre conser- vateur M. Ed Allen et le député libéral Doug Harrison ont manifesté une cer- taine sympathie 4 l’endroit du COR. L’absence d’une opposition officielle au Nouveau-Brunswick fournit 4 des groupes radicaux l’occasion de se dé- fouler. Un éducateur de carriére, M. Alcide Leblanc, directeur général du district scolaire 39 (Richibouctou) s’est fait dire récemment 4 une réunion du COR de «déménager au Québec s’il veut vivre en francais». Le probléme n’est pas difficile a cerner. La Loi des Langues Officielles du Nouveau-Brunswick est trés large- ment inadéquate a cause de ses généra- lités, de la latitude qu’elle fournit aux municipalités, des retards dans les ser- vices. Les mécanismes pour sa mise en vigueur sont a toute fins pratiques ino- pérants. L’Etat mise sur la bonne vo- lonté, la tolérance et la bonne foi des gens. La Loiest telle quel’ agent chargé de son exécution peut facilement se débarasser de toute contrainte légale. Exemple: il n’y a pas de poste de com- missaire aux langues officielles. L’om- budsman re¢oit bien des plaintes, mais son pouvoir en est un d’enquéte et de recommandation et il doit entendre bien d’autres causes non-reliées au bi- linguisme. La Loi 88 reconnaissant 1’égalité des deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick est mal comprise par plusieurs conci- toyens de langue anglaise. Ces gens croient que cette loi en est une pour les francophones. Il oublient le sens du mot «égalité» qui touche par l’esprit de cette loi les deux communautés lin- guistiques et non une seule. Lors des audiences de janvier et de février du comité sur l’Accord du Lac Meech la trés grande majorité des intervenants acadiens ont réclamé l’enchassement de la Loi 88 dans la Constitution cana- dienne. Le ministre Valcourt est trés clair et lance 4 Frank McKenna «si cet accord n’est pas ratifié, les Acadiens et les Acadiennes n’accepteront jamais d’étre utilisés comme boucs émissaires pour justifier un non du Nouveau- Brunswick au Québec et au Canada.» Les sons de cloche positifs au Nou- veau-Brunswick sur la question lin- guistique gravitent autour de la protec- tion de la minorité. Malgré |’intérét d’associations, de groupes, d’indivi- dus, le monde ordinaire a d’ autres pré- occupations. L’économie prime. Les gens veulent du travail et une réduction des disparités entre le nord (franco- phone) et le sud dans tous les secteurs de l’activité humaine. Le gouverne- ment provincial, sans le dire trop fort, a peur d’un affrontement linguistique entre anglophones et francophones a moins de deux ans des élections géné- rales. Depuis le temps de la conquéte, en 1710, le statut des Acadiens etdes Aca- diennes a changé souvent. Cette impor- tante minorité de langue frangaise a réussi 4 imposer sa présence, mais elle dérange comme en font foi les inter- ventions de radicaux anti-franco- phones. L’étape décivise, vigoureuse du bilinguisme est pour ainsi dire «to- lérante». Seule une politique sérieuse et fonctionnelle dans la fonction publi- que et une loi sur les langues officielles créant des devoirs pour les municipali- tés, les services publics, pourra déblo- quer sur du concret. La Charte des droits et libertés est trop vague et les rapports entre la majorité et la minorité se détériorent lentement au lieu de créer un climat de sérénité et de respect mutuel. La F.F.H.Q. et la Loi sur les langues officielles De l’avis de la Fédération des franco- phones hors Québec (F.F.H.Q.), le plus important gain des communau- tés francophones hors Québec dans la refonte de la Loi sur les langues offi- cielles est sans aucun doute |’article 41 qui fait référence 4 la promotion du francais et de l’anglais. Par Auréle Thériault Cet article indique que «le gou- . vernement fédéral s’engage a favori- ser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Ca- nada et 4 appuyer leur développe- ment, ainsi qu’a promouvoir la pleine reconnaissance del’ usage du frangais et de l’anglais dans la société cana- ee e Pe) - dienne». Pour la premiére fois, la recon- naissance ne concerne pas unique- ment la langue mais englobe la notion de communautés. Le gouvernement fédéral se voit maintenant dans 1’ obli- gation de promouvoir et de dévelop- per nos communautés francophones, un engagement qui impliquera des mesures d’application de la Loi beau- coup plus progressistes. La Fédération a cependant quel- ques préoccupations au chapitre des services avec la portée que l’on en- tend donner a des termes comme «de- mande importante» (article 32) et «selon la vocation du bureau» (article 24). L’interprétation de ces termes aura des conséquences directes sur les services offerts aux francophones hors Québec. On veut éviter a tout prix que la prestation de services se limite presqu’exclusivement a 1’On- tario et au Nouveau-Brunswick. C’est pourquoi la Fédération sera consultée pour la mise en oeuvre de la réglementation. Elle entend invo- quer |’ article 41 pour justifier des me- sures équitables. Car outre sa responsabilité de développement des communautés, la Fédération estime que le gouvernement fédéral aura également un réle de rattrapage a jouer auprés des francophones en voie d’ assimilation, ce qui influence- La Fédération des Francophones dors Gusbec Ine. 1404-1, RUE NICHOLAS, OTTAWA (ONTARIO) K1N 7B6, TEL.: (613) 563-0311 TELECOPIEUR (613) 563-0288 2 PLACE QUEBEC, SUITE 416, QUEBEC (QUEBEC) G1R 285, TEL.: (418) 523-8471 TELECOPIEUR (418) 522-6449 ra la définition de «population de la minorité francophone» (article 32). Enfin, la Fédération aurait préféré que le réle de coordination de la mise en oeuvre de la Loi incombe a une agence centrale distincte plutét qu’au Secrétariat d’Etat du Canada (article 42). La raison en est fort simple: le S.E.C. n’a aucun droit de regard sur les autres ministéres quant a la mise en oeuvre de la Loi. Il ne peut qu’en- courager ces derniers 4 respecter cet engagement, ce qui limite considéra- blement son action. Bref, il s’agit d’une lacune de la loi sur laquelle nous devrons tous travailler. Le destind’ un peuple n’ est pas qu’ une affaire de sémantique, il est aussi question de foi dans son cheminement et de respect pour son passé. Le président, Guy Matte Le directeur général, Auréle Thériault Auréle Thériault Directeur général Fédération des francophones hors Québec La population des Territoires du Nord-Ouest compte 1,420* francophones Y *Langue apprise et comprise &,