* 14 Le Soleil de Colombie, Vendredi 24 novembre 1978 «ll n'y a que Dieu seul;... tout le reste n'est que pur néant» Francois de Laval A Second regard, les diman- ches 26 novembre, 3 et 10 dé- cembre a 17 heures, on pré- sentera une émission en trois volets sur /'Itinéraire spirituel de Mgr de Laval, premier évé- que de Ja Nouvelle France. Réalisée & l'occasion du tri- centenaire de fondation du dio- cése de la Céte de Beaupré, cette série, concue de facon trés vivante, a l'opposé de tou- te conception didactique, ne manquera pas de susciter un vif intérét. Itinéraire spirituel et pélerinage En effet, il s'est agi d’établir une sorte de paralléle entre l'itinéraire spirituel du premier évéque canadien et une marche de 32 milles (sorte de pélerina- ge) qu'il avait effectuée sou- vent lui-méme, tout au long de sa vie, de Québec & Sainte-Anne de Beaupré. On poursuivait ain- si un triple objectif: favoriser la_ marche, renouer avec la tradi- tion des pélerinages et revalori- ser le patrimoine de cette Céte de Beaupré toute chargée d’his- toire et de beautés naturelles. Cette marche de deux jours (les 10 et~11 juin derniers) s'étendit donc sur un parcours de 32 milles, du tombeau de Mgr de Laval 4 Québec jusqu’a Beaupré en passant par les pa- roisses de I'Ange-Gardien et de Saint-Joachim. Y_ participaient une dizaine de personnes qui prirent & la fois plaisir et exal- tation spirituelle a refaire le trajet si souvent parcouru par le premier évéque canadien. Au Sur les traces de Mgr de Laval fur et &4 mesure de la marche, d'un endroit 4 |'autre, entre deux découvertes intéressantes, la visite d'une église ou d'un lieu historique, il s’arrétent chez les gens, échangent des _ pro- pos sur |’ancien et le moderne. Ils 6voquent évidemment tous ‘es épisodes de la vie de Mgr je Laval, sur les lieux mémes ot il est_passé, par exemple a Chateau-Richer ou il s‘était fait construire un manoir, ou & Pe- tit-Cap, ou il s’est retiré a la fin de sa vie... Seront ainsi évo- qués’en cours de route |'actua- lité toujous vivante de son mes- sage, les fruits de son oeuvre ainsi que son charisme spiri- tuel. C'est une occasion de dire ce qu’était sa dévotion a la Sainte Famille, aux Anges gar- diens et & sainte Anne. L’émission Rien n'a été épargné pour fai- re de cette biographie spirituel- le quelque chose _ di’inusité. Aprés une solide préparation d'un an, on a sélectionné et réu- ni huit personnes trés différen- tes afin que les évocations, les réminiscences, les commentai- res soient le plus variés possi- ble. Participérent 4 la. marche: un cégépien, un docteur en phy- sique nucléaire, un comédien, un recherchiste, un animateur spirituel, une étudiante en mé- decine; un professeur de fran- cais et un de religion. Tout ce monde, bien vivant, aussi en- thousiaste que respectueux, ré- ussit a transformer ce pélerina- ge en une sorte de féte a la- quelle les gens de la Céte de Beaupré s’empressérent de par- ticiper. Les marcheurs sont re- cus & bras ouverts a déjeuner “ou entourés -€ leur sortie des Itinéraire pédestre de 50 km sur les traces de Francois dé Laval «Ego .plantavi» (C'est moi qui ai planté). Statue de Mgr de Laval ins- tallée sur la fagade de la basilique de Ste-Anne-de-Beaupré; oeuvre du sculpteur Brunet exécutée par Lord = We ‘églises... Finalement, 4 Saint- Joachim, prés des ruines ou Mgr de Laval a terminé ses jours, tout le monde, marcheurs et paroissiens, célébrent |'évé- nement dans une sorte d’eupho- rie sacrée. Mgr Francois de Laval Il est sans doute opportun de nous rappeler, a cette occasion, les grandes lignes de la vie de Mgr de Laval qui fut non seule- ment un homme d'une profonde spiritualité mais aussi d'une in- telligence lumineuse et d'un dé- vouement infini. Issu d'une famille noble, Fran- cois de Laval nait 4 Montigny- sur-Acre, dans le diocése de Chartres, le 30 avril 1623. Trés jeune, il réve déja de sacerdo- ce et aspire au sacrifice. Aprés ses études primaires, il s’ins- crit au collége de La Fléche, a- lors la plus célébre maison d’en-. seignement des Jésuites. Dés son entrée, il est tonsuré et porte la soutane. La, il fait la connaissance de plusieurs jé- suites qui deviennent ses amis et qu'il retrouvera plus tard en _ Nouvelle France. Trés pieux, Francois de Laval passe une grande partie de son temps en oraison a la chapelle. Ordonné prétre le ter mai 1647, il commence: déja a pra- tiquer I'humilité et & s'adonner aux pélerinages a pied, sans ar- gent, mendiant son pain comme un pauvre, heureux de «souffrir pour l'amour de Dieu». __ Environ l'année 1638, il de- vient l'un des amis de Jean de Berniéres-Louvigny, trésorier de France & Caen, qui avait aidé a la fondation d'un monastére pour les Ursulines de Québec. Recu trés souvent au petit Er- mitage de Jean de Berniéres, Francois de Laval se laisse im- prégner des idées spirituelles qu'on y professe et. il subit en profondeur l’influence bénéfique de son ami. On vient lui propo- ser, de la part des Jésuites, |’é- piscopat de la Nouvelle France. Mais, entre-temps,; consacré 6- véque (1658), il ne pourra, mal- ‘gré son impatience, aborder a Québec que le 16 juin 1659. Avec lui arrive en Nouvelle France «l'Eglise et sa force, sa justice, sa tendresse, sa misé- ricorde». ’ Cependant, marqué a jamais du sceau de I’humilité, Mgr de Laval évite le bien-étre et le - faste, travaille a I'hdpital, fait les lits, soigne les malades... Dans une lettre au Souverain Pontife, il décrit sa mission: «On passe les nuits dans des lits en forme d’armoire dou- blées de serge ou I’on se ren- ferme pour ne pas mourir de froid.» Il donne tout, vit en pau- vre, est marqué par l’esprit de dénuement dans ce Québec qui ne compte tout juste que 500 ames et 70 maisons. En 1663, le roi fonde le Conseil souverain qui fait du Canada une province de France, tandis que Mgr de Laval fonde le Grand Séminaire. Trois ans plus tard, il fait batir - une petite église 4 Petit-Cap ot ont lieu beaucoup de miracles... Le 12 avril 1680, Mgr de La- val décide de se consacrer dé- sormais a la contemplation et donne tous ses biens, meubles et immeubles et se désiste de ses seigneuries. Méme agé de 78 ans, il passe des nuits auprés des mourants, veille les malades, prie, continue son jeGne perpé- tuel et porte toujours son cili- ce... I] meurt le 6 mai 1708 a l'Age de 86 ans. . Cette série de trois émis- sions, consacrées a /'Itinéraire spirituel de Mgr de Laval, porte- ra les sous-titres suivants: 26 novembre: «Comme J'argile dans la main du potier...»~ 3 décembre: /a Visite de Notre- Dame de Chateau-Richer 10 décembre: /a Farandole Recherche et texte: Gilbert Lévesque. Narration: Myra Cree. Images: Uwe Koneman. Archi- ves photographiques: Honorius Provost. Son: Guy Michaud. Montage: André Combes. Réa- lisation: Roger Leclerc. : René Houle “Les Races humaines: mythe ou réalité” Un Dossier spécial consacré a l'étude des races humaines et a la définition de leurs différen- ces ou de leurs similitudes, se- ra présenté aux Beaux Diman- ches, le 26 novembre a 21 h 30. Bien qu’il couvre un sujet as- sez vaste pour justifier la créa- tion d'un film de plusieurs heu- res, ce- documentaire donnera au grand public un apercu ‘ha- bilement construit, en clarifiant plusieurs aspects d'un sujet trés controversé et dont |’actua- lité n'a jamais décliné. © C'est en 1948 que !'Assemblée générale des Nations Unies af- firme, sur le plan international, l'égalité de tous les hommes. Ce fut la Déclaration universel- le des Droits de I'Homme.” Les premiéres études sur les races remontent au XVille sié- cle ot Linné appuie sa classifi- cation des hommes sur des don- nées morphologiques. Mais on en savait bien peu sur ce sujet, a |'époque. Se référant a des. différences comme celles de la couleur de la peau, des yeux, des cheveux, sur la langue et les coutumes, Linné rassemble tous les hommes en une seule espéce qu'il divise en six races: américaine, européenne, asiati- que, africaine, sauvage et mons- trueuse... Ces idées sont aujourd'hui dé- passées mais il est remarquable de constater que l'accord ne s'est pas encore fait et que pendant longtemps, il y avait presque autant de classifications des races qu'il y avait d'auteurs. ll faut cependant retenir que ces anciennes classifications, com- me certaines qui sont faites de nos jours, s'inspirent des carac- téres acquis plus que des Ca- ractéres hériditaires. Et comme le dit Albert Jacquard, généti- cien: «Les mots ne servent trop souvent qu’a camoufler une. : ALS 6 HOATTL ob PELLETS LESTE volonté politique qui n’ose pas s'afficher ouvertement». ll importe de souligner qu'on. a toujours introduit des notions de valeurs et de supériorités — dans cette classification raciale. En mélant les caractéres socio- culturels aux caractéres physi- ques, plusieurs spécialistes en sont arrivés & des conclusions qu'ils croyaient biologiques. Pour. les profanes, l'homme de scien- ce a toujours raison. Hélas! il est humain et peut succomber a la tentation de -faire la preuve de ses convictions personnel- les plut6t que de faire une ana- lyse objective des phénoménes qu'il étudie. Il suffit de pen- ser aux ravages de |’antisémi- tisme pour en 6tre persuadé. Car, biologiquement parlant, les Juifs ne forment pas une race. ‘Heureusement, le développe- ment de la science et de la gé- nétique en particulier nous per- mettent aujourd’hui de vérifier certaines données quant a la va- lidité des études faites antérieu- rement, comme des recherches qui sont actuellement en train de se faire. On sait, par exemple, que les premiers hommes a- vaient la peau foncée et-que c’est avec le développement de la cul- ture les libérant-des contraintes écologiques que s'est faite la conquéte par I'homme de zones plus froides, provoquant migra- tions et métissages. C'est ainsi que la peau de certains d’entre nous a pali. Les spécialistes af- firment donc que depuis |’épo- que du néolithique, les forces d'homogénéisation ont été plus grandes que celles de la diffé- renciation. La découverte et |l’étude ap- profondie de ce que l'on appelile «les marqueurs sanguins», qui sont le reflet fidéle de la struc- ture génétique de |’homme, ont -: considérablement «modifié |’an- f thropologie physique, en per- ‘mettant l'introduction dans la biologie humaine des méthodes de la génétique des populations. Ces études montrent que grace aux marqueurs sanguins, chaque groupe humain peut se caracté- riser par une. structure généti- que précise. Cela nous améne a la conclusion qu'il existe plus de différences entre les indivi- dus d'un méme groupe qu’entre les races. Les derniers progrés de la génétique font qu’aucun biolo- giste ou anthropologue sérieux n’admet aujourd’hui |’existence de races dans l’espéce humai- ne. On parle maintenant d’unités de base que |’on nomme popu- lations, c’est-a-dire un ensem- ble d'individus qui se croisent- avec d'autres. || peut suffire- de quelques immigrants dans un pays pour changer les don- nées génétiques de la popula- tion. Au cours des siécles, au lieu de nous. différencier, nous avons fait le chemin inverse et nous avons favorisé une certaine homogénéité. : Racisme: résidu d’infantilisme? Arthur Jensen, psychologue a ' |'Université de Berkeley, affirme que selon les tests qu’il a effec- tués, les Noirs américains se- raient inférieurs aux Blancs. Il mentionne méme que les enfants ~ noirs issus de milieux favorisés ont des résultats inférieurs aux tests que passent avec eux des enfants d’ouvriets blancs. Plu- sieurs autres spécialistes dé- noncent cette maniére de pen- ser et parmi eux, Colette Chi- land, psychologue 4 |'Université de Paris. Elle considére qu’il est inadmissible de ne pas tenir compte du contexte social et des aspects psychologiques qui font, par exemple, qu’un jeune Noir américain, méme issu d'un milieu privilégié, porte encore en lui les séquelles de plusieurs siécles de discrimination. Elle compare aussi des en- fants qui vivraient en Océanie a d'autres vivant en Europe ou en Amérique. Si on demandait a nos enfants de construire une pirogue et d’accomplir tout ce que font les petits Océaniens, nos enfants auraient l’air d’étre débiles; de’ méme si nous de- mandions aux Océaniens de sa- voir manipuler les boutons d’un téléviseur, ils se montreraient tout aussi débiles. Ainsi, on met de plus en plus en doute |’objec- tivité des tests pour évaluer le quotient intellectuel, méme lors- qu’ils sont ce que |’on appelle «culture free». On en arrive donc a la conclusion que les différen- ces entre les races sont d’ordre culturel et qu’il s’agit bien da- vantage de discrimination que de quoi que ce soit d’autre. Albert Jacquard voit le patri- moine génétique comme un élé- ment moins important que le po- tentiel neurologique. Et selon lui, il est impossible de hiérar- chiser les hommes. Il pense qu'il n'y a pas deux hommes © égaux ou identiques, mais cette _ différence ne nous permet aucu- nement d’affirmer que l'un vaut plus que l'autre. Car la biologie n’'apporte aucun argument en faveur du racisme. Les critéres du racisme sont donc culturels. Le sociologue québécois Mar- cel Rioux parle de la tendance 4 l'uniformité pour en arriver a une meilleure production. Jac- ques Ruffié, biologiste au Col- - lege de France, pense que la race est devenue importante de- puis |’époque victorienne, au moment oll la compétition, s'est, , MESS SSNS SER RARANAMANARAAA ARABS considérablement développée. Et selon Derek Roberts, généti- cien, il n’existe aucune justifica- tion pour déterminer ou définir la supériorité d'un groupe hu- main par rapport a un autre. Comme le dit Albert Jacquard, chacun veut se sentir unique et se valorise souvent en discrimi- nant ceux qui sont différents de lui. Le racisme, dit-il, est un ré- sidu d'infantilisme. L’autre est enrichissant dans:la mesure ou il nous apporte une grande dif- férence. Et nous sommes tous uniques, ajoute-t-il. Aprés avoir été forcé de se mesurer a la nature pour arri- ver a la contr6ler, l'homme est maintenant en train de la dé- truire et cette destruction de la nature ne peut mener qu’a une destruction de Il'homme. II est plus que temps, selon I'un des invités, de prendre cons- cience de ces faits et d’envisa- ger les autres en respectant leurs différences et en collabo- rant avec eux pour sauver la vie - sur notre planéte. Trois autres spécialistes par- ticipent aussi 4 cette émission. Ce sont: MM. Jean Hiernaux, C.N.R.S., Paris; André Langaney, sous-directeur du Musée de I'Homme, a Paris, et Alexander Alland, anthropologue a I'Univer- sité de Columbia. Cette émission a été réalisée par Karl Parent. Recherche et interviews: Solange Gagnon; narration: Myra Cree et Jean Ducharme. Recherche de film: Jacques Larocque. an PIS SOE T _ Héléne Fecteau