1. Textes des spécialistes en sciences humaines: Sur la céte du Pacifique Nord Ouest, ces recherches ne commencent vraiment que vers le dernier quart du 19e siécle, bien qu’elles suscitaient depuis quelque temps déja un intérét en France, comme latteste la fondation de différentes institutions telles que la Société des Observateurs de I'Homme (1799), la Société Ethnologique de Paris en 1839 et la Société de Linguistique de Paris en 1863 (cette derniére grace a l’insistance du comte de Charencey en faveur de létude des langues amérindiennes). Bien que la contribution francophone ne soit pas de la méme magnitude et de la méme diversité que l’anglo-américaine, elle reste néanmoins la seconde en importance, bien avant les études d'origine espagnole, allemande ou russe. Les travaux de l’anthropologue Canadien-Francais Marius Barbeau dominent de trés loin l'ensemble de la contribution francophone sur la région. Attaché au Musée National de l'Homme a Ottawa, Barbeau n/a pas seulement conduit des recherches sur les arts et la mythologie des Indiens du Pacifique Nord Ouest (23) ou sur l’organisation sociale de ces derniers (24), il a également participé 4 la sauvegarde des traditions orales et s'est intéressé de prés a l’ethnohistoire -amérindienrie’ (25). Marius Barbeau—qui s'est aussi occupé du folklore ‘francophone canadien et d’études sur les Indiens des autres régions du €anada-était non seulement un grand anthropologue et un éminent savant, il était aussi un homme de coeur, un écrivain et un poéte dont les oeuvres littéraires ont contribué a une connaissance plus fine, plus intuitive aussi, de l'univers des Amérindiens (26). Bien qu'il écrivait surtout en frangais, beaucoup de ses articles ont été publiés en anglais. Mentionnons, parmi les tout premiers articles (francophones) ethnographiques sur les Amérindiens de cette région, ceux d’Al- phonse Pinart, venu visiter la région et qui rapporta a Paris une importante collection d’objets dont il publiera un catalogue en 1872 (27). Pinart s’est également intéressé aux activités de chasse et de péche (28), aux idées religieuses et aux langues; il publie notamment un dictionnaire sur les langues Chinook et Cowichan (29). Parmi les missionnaires qui ont travaillé dans la région et démontré un intérét particulier pour les Amérindiens, il faut citer les péres Petitot (30) et Morice (31). Bien que ces travaux concernent plutét le Nord Ouest Canadien, ces derniers se sont aussi préoccupés des populations de la céte du Pacifique. Mentionnons par la méme occasion les travaux de I'anthropologue Ernest Hamy—un des fondateurs de la Société des Américanistes de Paris (1893). Hamy s’intéresse aux arts amérindiens et écrit une des premiéres études de ce fameux masque de pierre des Indiens de la riviére Nass (Tsimshian) dont il n’existe que deux exemplaires au monde (32). L’école de sociologie francaise a conduit ensuite des travaux de grande portée théorique: ceux de Marcel Mauss et de Durkheim (33), de Davy et de Lenoir (34) sont les plus connus. Plus récemment encore, Lévi-Strauss a formulé de nouvelles et fécondes hypothéses sur l’interprétation des manifestations artistiques (35) et de la mythologie avec laquelle les arts entretiennent des relations profondes (36). L’intérét de Lévi-Strauss pour la céte nord-ouest est par ailleurs apparente dans bon nombre de ses oeuvres. Les travaux de M.F. Guédon sur le chamanisme (37) doivent Le chronographe Volume III no. 1-2, Printemps-Eté 1986 LA CONNAISSANCE DE L’AUTRE... étre notés. Quant aux recherches d’ordre linguistique, ce sont celles de La Grasserie (38) de Benveniste (39) et de Cl. Hagége (40) qui retiennent surtout |’attention. Plus recemment, des recherches en ethnolinguistique et dans le domaine des traditions orales ont été conduites au moyen de techniques avancées des sciences de l'infor- matique (Buchholtzer, 41). Comme on !’a constaté ailleurs (4), l'ensemble de la contribution francophone, bien que manquant d'une certaine continuité. est d'un niveau scientifique remarquable et mériterait d’étre encouragée sur les bords du Pacifique canadien. 2. Récits des découvertes, navigations et voyages: Crest sans conteste la littérature francophone la plus volumineuse sur la région. Elle a été publiée surtout sous forme d’ouvrages (parfois d’articles) au cours de la période allant de 1797 (publication du voyage de Lapérouse (42)) au milieu de la deuxiéme moitié du 19e siecle environ et d’une maniére plus sporadique de nos jours (43). Cette littérature donne parfois des descriptions plus ou moins précises, plus ou moins adéquates des langues et des sociétés amérindiennes de la région. La toute premiére description francaise des Amérindiens du Pacifique Nord Ouest est celle du navigateur Francois de Lapérouse (op.cit., vol.II). Elle concerne surtout les Indiens Tlingit de la cdte méridionale de !’Alaska et est comparable, scientifiquement parlant, aux descriptions données par les navigateurs anglais James Cook et George Vancouver (44). Les Indiens Tlingit se rappelaient encore en 1911 du passage de Lapérouse (45). En plus des autres relations de voyage, celle du capitaine Mar- chand (46) constitue sans doute l'une des meilleures sources d’infor- mation sur les Indiens de la région de la fin du 18e siécle. Curieuse- ment, sa référence est restée absente de beaucoup des recherches ethnologiques et ethnohistoriques actuelles. Au début du 19e siécle. le navigateur Roquefeuil (47) donnera lui aussi une description de certains usages sociaux des Amérindiens. Parmi les nombreuses autres relations de voyage, citons celles de Duflot de Mofras (48) qui était en faveur d'une présence frangaise permanente sur la cote du Pacifique Nord Ouest. Saint Amant (49) donne, en 1854, d’intéressants détails sur importance des mariages entresFrancophones et Amérindiennes, sur les cérémonies du “pot- latch” et les premiers travaux des missionaires francophones (catho- liques) sur les langues indiennes de la région. Mais malheureusement pour l’auteur, la langue des Indiens reste un “idiome barbare qui n'est assujetti a aucune régle grammaticale” ! (50). Toute cette littérature des voyages mériterait d’étre analysée a la lumiére de Vhistoire francophone sur le continent et en fonction aussi des idéologies qui ont influencé tour a tour l’‘Amérique du 29