12° Le Soleil dé Colombié, vendrédi 2 décembre 1968" ‘ RUBRIQUE D’HISTOIRE Les Monts Notre-Dame sont la partie des Apalaches qui s’étend de la région de la Beatce jusqu’éa Gaspé. Cepen- dant, les avis restent partagés sur la limite méridionale de ces monts, l’unanimité est loin d’étre faite sur ce sujet. Pour certains, les monts Notre-Dame s'étendent au sud-ouest jusqu’a la frontiére du Québec avec les Etats du New Hampshire et du Vermont. Ainsi J.C.K. Laflam- me, géologue et professeur de \'université de Laval, leur avait donné cette extension dans son étude «Les montagnes Notre- Dame et les Shikshocks» publiée en 1909. De Méme, \’«Atlas Géographique», publié par les fréres Maristes en 1923, attribut cette limite sud-ouest. Pour d’autres, les monts Notre-Dame ont pour limite méridionale le «Lac Memphré- magog». Comme vous le voyez lapolémique ne date pas d’hier, enfin les monts Notre-Dame sont la et bien 1a, c’est le principal. L’origine de ce nom est loin également d’étre transparente. On incline Apenser que Jacques Cartier ne serait pas étranger a la dénomination de ces monts. C’est au cours de |’'automne de l'an de grace 1535 que le découvreur maloin désigne cet endroit sous le nom de «haultes montaignes de Honguedo». «Honguedo» était le nom autochtone alors en usage pour désigner le lieu qui serait connu plus tard sous celui de Gaspé. Jacques Cartier écrit que: «Le landemain, jour Nostre dame d’aoust, quinziesme [féte de l'Assomption].... gnoissance de terres qui nous demouroient vers le su, qui est une terre a haultes montaignes a merveille». Selon une opinion répendue, c’est ce passage de la «Narration» de 1535-1536 qui serait al’origine du nom de lieu «Monts Notre-Dame». Bien qu’il n’ait pas nommeé ces monta- eusmes con- gnes, écrit |’éminent historien W.F. Ganong, en 1934, elles sont apparues plus tard sous un nom qui s'est perpétué jusqu’a nos jours parce que découvertes le 15 aodt, jour «Notre Dame d’aoust» ou féte de |’Assomp- tion. Dans son «histoire véritable... de la Nouvelle-France», Pierre Boucher donne une explication quelque peu différente quand il écrit en 1664: «... toutes les terres paroissent hautes, & la plupart grandes montagnes: c’est ce qui a donné le nom aux Monts Nostre-dame, qui tien- nent une partie de ce chemin-la». L’appellation «Monts Notre- Dame» parait dans la documen- tation quelques années seule- ment aprés le deuxiéme voyage de Jacques Cartier. Ainsi, dans sa «Cosmographie» rédigée en 1544, le pilote Jean Fonteneau mentionne quatre fois les noms «montz Nostre Dame» et «cap des montz Nostre dame» pour identifier cette chaine. Comme pilote de Roberval, il afait partie de l’expédition qui allait permettre a Jacques Cartier, en 1541, dese fixer al’embouchure de la riviére du Cap Rouge jusqu’a l'année. suivante. ll est donc possible qu’étant dans entourage de Cartier, il ait connu des noms de lieux dont «Monts Notre-Dame», et qui ne sont pas mentionnés explicite- ment dans les «Narations» du découvreur malouin. Plusieurs cartes indiquent ce nom géographique du XVie siécle, notamment celles de Mercator de 1569 et de Wytfliet de 1597 qui inscrivent respectivement : «le mons nostre Dame et Mons de nre dame». ll est vraisemblable de penser que les mots «haultes montai- gnes» mentionnés par Cartier s’appliquaient uniquement au massif des «Chic-Chocs» (mot micmac signifiant «rochers escarpés»). Au XVile siécle, le nom de lieu Monts Notre-Dame était trés connu et il yade bonnes raisons de penser que c’est probable- ment au cours de.cette période que ce toponyme a été le plus usité. Une tradition était alors trés répandue, on baptisait symboli- quement les nouveaux venus en Nouvelle-France lorsqu’on «doublait» ces montagnes. C’est ce que raconte, par exemple, la «Relation des Jésuites» en 1648: «Tous ceux qui viennent en la Nouvelle France connoissent assés les Monts de nostre-Dame, pource que les pilotes et les Mattelots estant arrivés a l’endroit du grand fleuve, qui répond a ces hautes montagnes, baptisent ordinairement par recreation les nouveaux passagers, sils ne détournent par quelque présent l‘innondation de ce baptéme, qu'on fait couler en abondance dessus leurs testes». D’autres noms ont été en usage pour caractériser cette chaine de montagne de la presquile de la Gaspésie: «Mont Louis» ou «les Monts- louis, Monts Sainte-Anne, Albany Ridge». Les deux premiers ont identifié seule- ment le massif nord de la chaine lequel seraconnu plus tard sous le nom de «Chic-Chocs». Le nom «Mont Louis ou Les Monts Louis» add étre en usage dés le XVile siécle car on le retrouve dans les noms de seigneureries notamment. Cette désignation rappellerait Louis XIV, roi de France. Ce nom, de méme que «Monts Notre-Dame», parais- sent, tous les deux, sur trois cartes de Jean Nicolas Bellin, ingénieur de la marine de France, publiées en 1744, 1757 et 1764. ll semble que le marquis de Montcalm soit le créateur du nom de lieu «Les Monts Sainte-Anne», dans son «jour- nal...» de 1756 a 1759, il affirme: «jobservai que les caps que le P. Charlevoix appelle les monts Notre-Dame, cette chaine de montagnes que j'ai appelée les monts Sainte- Anne, les monts Notre-Dame sont une seconde chaine de montagnes a vingt lieues derriére cette premiére chaine qui est le long de la cote». On peut supposer aussi que la désignation «Les monts Sainte- Anne» tire son origine du «mont S.anne» indiqué sur la carte de Vallard de 1547. On ignore cependant s'il y a un lien entre ce nom et le «mont Sainte- Anne» de la ville de Percé. Ce nom a été en usage longtemps puisqu’on le rencontre aussi sur des cartes du XIXe siécle dont celles du golfe du Saint-Lau- rent, dressées de 1832 a 1861 par le capitaine H.W. Bayfield de la Royal Navy, qui indiquent toujours «St Anne Mts» et «Mountains of St Anne». Ce capitaine cependant le nom de «Notre- Dame» sur ces cartes marines. Albany Ridge apparait apres 4760, notamment sur des cartes géographiques, cenom caracté- rise le plus souvent la zone n'indique jamais sud-est des «monts Notre- Dame» en Gaspésie, ce nom de lieu disparait trés tot au xlXe siécle des documents cartogra- phiques. Documents recueillis par Pa- trick Bouffard de Montmorency. e