16 Le vendredi 30 mai 1997 Photo: ALFIERI, Cannes Isabelle Adjani, présidente du Jury du 50e Festival International du Film de Cannes. estival de réve pour les spectateurs, cauchemar quotidien pour les festivaliers venus y travailler, le cinquantiéme Festival International du Film de Cannes s’est terminé comme il a commencé: triomphalement. Envahie par plus de cent mille visiteurs, Cannes, la ravissante station balnéaire de la Céte d’Azur spécialisée en congrés, marchés et festivals, a vécu dans la fiévre ces 12 jours de célébrations. Rien navait été laissé au hasard. La petite ville de 70 000 habitants, ornée de 600 banniéres Palmes d’or qui flottaient au vent, était le digne théatre de l’événement le plus médiatisé du monde aprés les Jeux olympiques. Rues pavoisées, iluminées, enrubannées de pellicule, vitrines offrant au regard des passants @élégants drapés aux couleurs et & Vimage du Festival, méme ses trottoirs avaient été peints de palmes dor, la récompense supréme du célébre Festival. Le Palais des Festivals luiméme a succombé a cette frénésie décorative. La partie supérieure de son imposante et massive facade était recouverte d’un monumental tableau en trompe-l’oeil. Cernés par quatre palmes gigantesques, 14 grands disparus de la planéte cinéma - d’ Ingrid Bergman & Charlie Chaplin, de Simone Signoret & Marcello Mastroiani. - descendaient un escalier utopique surplombant les fameuses marches au tapis rouge de l’escalier véritable, créant ainsi Villusion que les grands d’hier allaient & la rencontre des célébrités d’aujourd’hui. Une oeuvre de 35 tonnes et 600 m2, signée Catherine _Feff, impressionnante certes, mais d’un godt contestable. Heureusement pour les tenants d’un art graphique plus raffiné, affiche de ce cinquantenaire est magnifique. Epurée, avec palme d’or sur fond rouge, elle est un modéle de sobriété et d’efficacité. CHRONIQUE D’/UN CINQUANTENAIRE TRIOMPHANT UNE CONSTELLATION DE CELEBRITES Jamais, depuis les années 70, que les vieux festivaliers évoquent avec nostalgie, avait-on vu une telle débauche de stars gravir les marches du Palais. Des milliers de badauds - on parlait de 10 000 le soir de Pouverture - s’écrasaient sur la Croisette, célébre promenade du bord de mer ou se dresse le Palais des Festivals, hurlant leur enthousiasme chaque fois qu apparaissait une célébrité. Massée sur la Croisette depuis des heures afin de ne rien manquer du , spectacle unique de la montée des marches d’une constellation de célébrités venues du monde entier, la foule devenait elleméme un spectacle. A perte de vue, véritable marée humaine, juchée sur les barricades, accrochée méme aux lampadaires, elle aussi jouait son réle. Malgré une température maussade, un vent hostile et une pluie intermittente, sous une mer de parapluies multicolores, des cris de joie fusaient dés que s’ouvraient devant le parvis, les portiéres des voitures officielles, libérant 4 un rythme parfait rois et reines du grand écran et ceux qui les font. Et se déroulait alors le grand numéro du tapis rouge et de la montée des marches. Ces messieurs, en smoking, faisaient leur tour de piste tandis que, gracieusement stoiques dans leurs robes du soir somptueuses et leurs grands décolletés, épaules offertes & la morsure du vent, les vedettes féminines paradaient, saluant la foule qui répondait par des salves d’applaudissements. Mitraillées par des centaines de photographes qui s’en donnaient a coeur joie, par petits groupes, ces étoiles de premiére grandeur gravissaient lentement les marches. Au sommet de l’escalier de la gloire, nouvel arrét. Flash et reflash d’une autre meute de photographes. Sous les objectifs braqués de plusieurs rangées de caméras, les idoles saluaient encore le bon public avant d’entrer dans le Grand Théatre Lumiére. Une soirée d’ouverture grandiose, ou, entre la haie d’honneur des gardes républicains, en tenue @apparat, on vit défiler plusieurs générations des plus grands créateurs et interprétes du 7e art. Show- biz oblige... L’industrie du luxe n’allait pas rater une si belle occasion de marketing international. Les stars sont donc devenues les top-models de la célébration du cinquantenaire. Haute couture, diamantaires aux noms prestigieux, grands parfumeurs parisiens sont entrés dans la ronde et c’est parées et poudrées telles des divinités que les vedettes nous apparurent. Eblouissante, Isabelle Adjani, présidente du Jury, était sans aucun doute dans un superbe ensemble signé Galliano pour Christian Dior, son visage rayonnant iluminé par l’éclat incomparable d’une parure de Cartier en platine sertie de rubis birmans et de diamants poires. Un bijou de réve de 321 carats! Autre star du jury, la belle actrice chinoise Gong Li, portait avec une grace infinie, des pendants du joaillier américain Llarry Winston estimés & 4 millions de dollars tandis que Jeanne Moreau, plus modeste, arborait un collier de la méme maison valant seulement 2 millions. Claudia Cardinale, en robe rouge ardent signée Armani, mettait en valeur les joyaux de Van Cleef et Arpels. Tout un défilé auquel Luc Besson (Subway, Le Grand Bleu, Nikita), dont le film LE CINQUIEME ELEMENT officiellement le Festival, apporta fantaisie et un ouvrait parfum de jamais vu dans [histoire du cinéma francais, une superproduction au budget faramineux de 80 dollars. Besson, cheveux blonds en tons dégradés dressés cocassement sur sa téte, se présenta a la foule entouré de ses vedettes: Bruce Willis accompagné de Demi Moore, Gary Oldman, Milla Jovovich, lan Holm,. Chris Tucker, Lee Evans et d’un essaim de ravissants mannequins, légérement et brillamment vétues par le grand couturier francais Jean-Paul Gaultier, également auteur des costumes du film. Applaudissements. Le spectacle, le sien, était désormais dans la salle. D’UN FILM A L’AUTRE - FANTAISIE, POESIE, BON SANG, MAUVAIS SANG. LE CINQUIEME ELEMENT, une délirante et spectaculaire oeuvre de science-fiction qui se déroule au 2e siécle est A ce point réussie que méme les plus réfractaires & ce genre se laisseront séduire. Sur un scénario simplet mais farci d’humour, cette gigantesque et savoureuse bande dessinée aux effets spéciaux prodigieux et réjouissants, nous entraine irrésistiblement dans son univers intergalactique ot se livre la lutte épique du bien contre le mal. Le film, en salle le lendemain de sa présentation 4 Cannes, s’avére un triomphe commercial mondial. Bien joué, Luc Besson. Vingt films étaient présentés en compétition. Une sélection inégale composée d’oeuvres pour la plupart sombres, miroirs de leur société. Quelques exceptions pourtant dont LE PRINCE. DE HOMBOURG. , d’aprés la piéce du dramaturge allemand Heinrich. von Kleist. Un bel et noble drame patriotique écrit en 1810 et réalisé par ’Italien Marco Bellochio. Malgré d’excellents interprétes et ses qualités visuelles indiscutables, ses émouvants bien quintenses, sont trop rares par rapport 4 l’ennui général qu'il engendre. Les valeurs guerriéres de Yauteur datent. Seule parvient 4 nous toucher la moments 3a photo: ALFIERI, Cannes Luc Besson sur les marches du Palais. Son film «Le Cinquiéme élément», apres avoir fait Vouverture du Festival de Cannes, fait maintenant courir les foules et s’avére un fantastique succes commercial - bien meérité d’ailleurs. langue poétique qui les exprime. Autre exception, brillantissime, celle-la, L.A. CONFIDENTIAL de PAméricain Curtis Llanson, d’aprés le roman de James Elroy, interprété par Kevin Spacey, Russell Crowe, Guy Pearce, James Cromwell, Kim Basinger et Danny DeVito. Ce polar somptueux nous est arrivé délectable | friandise comme un cadeau, cinématographique pétrie de main de chef. I nous une raméne au début des années 50 alors que dans Los Angeles, sous des apparences de ville idéale, corruption, magouilles et passions mortelles régnent. Dans un incessant chassé-croisé, des personnages