2 - Le Soleil, VENDRED! 10 suin 1994 Le Billet ) Reformes Le ministre de la Justice, Allan Rock, s’aventure sur un terrain ardu en tentant de réformer la loi sur les jeunes criminels fgés de douze a dix- sept ans. Ces réformes tendent a plus de sévérité. Les peines maximales sont, actuellement, de 5 ans ou révisées au bout de cette méme période, dans tous les cas d’emprisonnement. Allan Rock souhaiterait voir augmenter ce délai jusqu’a sept et dix ans lorsqu’il s’agit de meurtres. Quant a celui pour l’obtention de libération conditionnelle d’un jeune meurtrier condamné = a perpétuité, il pourrait aussi faire Vobjet d’une réforme pour passer de cinq ans a dix ans. Par contre, il serait, sans doute, inadapté de proposer l’envoi de jeunes de seize et dix-sept ans devant les tribunaux pour adultes lorsque ceux-ci sont reconnus coupables de crimes violents. L’ampleur de leurs actes, aussi atroces soient ces derniers, ne fait pas d’eux des adultes. Il est bien suffisant de vouloir rendre les peines plus sévéres. Dans les termes actuels de la loi, cela équivaudrait a abaisser |’fge de la majorité, d’autant plus que le fait de transférer ces jeunes dans un systéme judiciaire pour adultes est loin d’étre propice a les rendre moins violents dans leur vie future dont toute possibilité de réinsertion ne doit pas étre compromise. Un bon point pour la volonté de Allan Rock de remplacer certaines peines de prison par des travaux d’utilité collective, ceci permettrait aussi d’éviter le surpeuplement des prisons. Mais, a part tous ces problémes de répression, plusieurs questions se posent : est-ce en instaurant des mesures plus draconiennes, comme celles qui sont proposées ici, qu’il pourra étre évité que les jeunes ne commettent des crimes? C’ est fort improbable. Par définition, un mineur n’est pas responsable de lui-méme oude ses actes. C’est pour cette raison qu’ils doit étre sous la tutelle d’ au moins une personne majeure, en l’occurrence, ses parents. De ce fait, les réformes ne sont peut-étre que d’inutiles bavardages. Comment demander a un enfant ou a un adolescent de réfléchir a la sévérité de la peine qu’ il risque d’encourir avant de commettre un crime? Impossible. Il a été prouvé que les criminels adultes ne pensent pas aux conséquences avant de commettre un acte illicite. Pierre Longnus —NformaAtiON 50e anniversaire du debarquement Oradour, vision d’epouvante A l’occasion du 50e anniversalre du Débarquement allfé en Normandie, le 6 juin 1944, voici l’histotre d’Oradour, un épisode dramatique. Ce samedi matin-la, je dois faire de l’auto-stop pour me rendre de Limoges a Oradour-sur-Glane (région du Limousin), le village martyr de la Deuxiéme Guerre mondiale. C’est le directeur d’une institution pour handicapés physiques qui me prend en voiture. Nous roulons dans un paysage harmonieux aux _ souples vallonnements. Parvenu al’entrée du village en ruines, je me dirige vers un petit magasin oul’on vend cartes postales et documents divers sur le site tragique. Je tourne les pages de Vouvrage officiel : Oradour-sur- Glane, vision d’épouvante pour me plonger |’ esprit au coeur du drame. Lestermes les plus lugubres, les plus macabres de la langue francaise semblent y avoir été épuisés: cris effroyables, déchirants ; muets de frayeur, atterrés, épouvantés ; hurlant, les yeux horrifiés ; la pire barbarie, les pires atrocités, la derniére brutalité ; cyniquement, sinistre-ment ; détresse, monstruosités, désastre ; horrible massacre, abominables forfaits, affreuse tuerie ; cruauté perfide ; spectacle hallucinant, , etc. Je remets le livre en place, le coeur serré, achéte quelques cartes- souvenirs et m’achemine vers ce | qui reste de l’église (fin du XVe siécle), foyer principal du drame. Fureur allemande Rappelons briévement les faits, en nous aidant de cet ouvrage que le syndicat d’ initiative de la nouvelle municipalité d’Oradour- sur-Glane (construite 4 proximité du lieu historique) a bien voulu par la suite me faire parvenir. Immédiatement apres le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944 (jesuisnélemois suivant), les Allemands, furieux, se déchainent contre la population civile francaise et se livrent 4 de laches représailles. Oradour-sur- Glane, jusque-la paisible et prospére village, devient le théatre d’un acte terroriste parmi les plus odieux.. Cejour-1a, le samedi 10 juin, les villageois vaquent a leurs occupations coutumiéres, les enfants vont a l’école; des voyageurs arrivent, d’autres Vers 14 h, un détachement de SS (quelque 200 hommes, cantonnés dans la région avoisinante depuis la veille) envahit le village, enjoignant a tous, sans exception, hommes, femmes et enfants, de se rassembler sur le Champ de Foire, munis de leurs papiers, pourvérification d’ identité. La grande place est bient6t remplie: plusieurs centaines de personnes, dont les notables, les maitres avec leurs éléves, les malades, des méres portant leurs bébés dans les bras... Autour d’eux, soldats armés de mitraillettes. Il faut trouver un prétexte au massacre qui se prépare. Un interpréte annonce : «JI y aici des dépéts clandestins d’armes et de munitions accumulés par des “terroristes”. Nous allons opérer des perquisitions. Pendantce temps, et pour faciliter les opérations, nous vous rassemblerons dans les granges...» (Il n’existe aucune raison pour justifier les moindres représailles 4 Oradour.) Les hommes sont alors répartis dans six granges, tandis qu’on améne femmes et enfants dans l’église. Massacre des hommes... Dans l’une de ces granges, selon le témoignage de survivants, quatre soldats poussant tout 4 coup -un grand cri ouvrent le feu sur les villageois terrifiés. Le mitraillage cesse ; les bourreaux, escaladant les corps abattus, achévent a bout portant, au revolver, les blessés qui remuent encore. Paille, foin, échelles, tout ce qui est combustible estentassé sur les corps... Iismettent le feu qui se répend, crépite, couvrant les gémissements. Des cing autres granges, personne n’a pus’enfuir, mais la scéne a été sans doute la méme, atroce, inhumaine. Puis, femmes et enfants Plus sauvage et plus épouvantable encore le massacre des femmes et des enfants. Une seule a survécu: Marguerite Rouffanche, 47 ans, qui perd dans la tuerie son mari, son fils, ses deux filles et son petit-fils. (On m’a dit, en 1984, qu’elle vivait encore.) Vers 16h, des soldats placent dans la nef, prés du choeur, une sorte de caisse assez volumineuse de laquelle dépassent des cordons qu’ils laissent trainer sur le sol. On devine la suite. Ces cordons allumés, le feu se communique l’engin qui explose. Horreur ! Certaines, épouvantées, enfoncent la porte de la sacristie pour s’échapper. Les Allemands les abattent froidement. Mme Rouffanche fait la morte, tandis que sa fille, a ses cétés, tombe sous la rafale. Une fusillade éclate dans V’église méme... Ayant échappée au carnage, sans blessure, Mme Rouffanche profite d’un nuage de fumée pour se glisser derriére le maitre-autel. Elle parvient a se hisser jusqu’a une fenétre pour se jeter a l’extérieur. — Une femme!’a suivie avec son bébé. Alertés par les cris de l'enfant, les Allemands la mitraillent. La mére et l’enfant sont tués. Mme Rouffanche est elle-méme blessée en gagnant un jardin voisin. Dissimulée parmi des rangs de petits pois, elle attend dans 1’angoisse... On ne vient a son secours que tard Je lendemain aprés-midi. Ce sont ainsi 643 personnes qui périssent massacrées dans ces granges et dans l’église. Bien d’autres cadavres sont retrouvés ici et 1a dans les décombres du village pillé et incendié. Touchant a crever le coeur Tableau pathétique parmi tant d’ autres : dans le confessionnal, on découvre, épargnés par le feu, les cadavres émouvants de deux tout petits se tenant par le cou ; ils portent des traces de balles de revolver a la nuque. Une page Clin d'oeil; LEADERGHIP DE NOS DEPUTES Whistoire vient d’étre tournée. Et quiconque la lit aujourd’ hui s’étonne justement de la folie de homme. Je marche avec lenteur, dans l’église d’abord. Prés de l’autel : la structure d’un landau, une cloche fondue... Puis je m’achemine vers le cimetiére a travers les rues désertes. Je m’arréte devant la Suite page 3 FRANOPHONES LD CIEN SEN IENT/ Président-directeur : Jacques Baillaut Rédacteur en chef: Pierre Longnus Infographisme : Suzanne Bélanger Maher. Mare Fournier, Yvan Brunet, Louis Anctil Ltée No 0046. - TPS No R 103242624 Impression : Horizon Publications OPSC=.sh Journaliste-coopérante : Geneviéve Gouin Administration et gestion : Noélle Mathis Le seul journal en frangais 4 l'ouest des Rocheuses “SANS PEUR NI FAVEUR" Correspondant national : Yves Lusignan (Agence de presse francophone) Collaborateurs : Claudine Lavallée, Marielle Croft, Catherine Lannoy, Stéphane Collaborateurs Arts et spectacles : Sara Léa, Nigel Barbour, Marie Michaud, Ouverture du journal : 9h a 17h, du lundi au vendredi Toute correspondance doit étre adressée au Soleil. 1645, Seme avenue Ouest, Vancouver, C.-B., V6) 1N5. Tél : (604) 730-9575. Fax : (604) 730-9576. L'abonnement annuel cofite 25$ au Canada, 55$ a I'étranger. 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