Le Moustique! ... Pacifique Volume6 - & m5 yeux pour une sainte et, d’autre part, la présence de certaines impulsions physiques étranges, inexplicables, mais impérieuses, furent des facteurs qui exacerbérent définitivement ma curiosité et me poussérent 4 m’intéresser plus particulierement au beau sexe. Intérét qui ne put vraiment se satisfaire qu’assez tard, alors que je vivais en un temps ou I’on avait trop tendance 4 ne pas méler les filles et les garcons et, méme, a les maintenir dans une sorte de ségrégation juvéno-sexuelle. A cette époque et dans ce contexte particulier, la femme accumulait 4 mes yeux un nombre considérable de mystéres. Je savais au moins que c‘était 4 elle de donner la vie, mais seulement au cours de circonstances assez obscures. J’avais lu quelque part, dans un texte sacré, que la femme avait été créée a partir d'une céte masculine. Utilisait-elle la méme technique pour arriver a ses fins ? Cette hypothése n’avait pas ma préférence. Je n'ai jamais aimé les _histoires religieuses qui, dans une certaine recherche du fantastique, substituaient assez couramment la magie aux circonstances les plus triviales. Je ne comprenais pas le concept de virginité, mais de savoir que Marie aurait enfanté sans intervention d’aucune sorte, avait quelque chose pour me plaire. De fait, je me préparais lentement et mentalement a une approche assez platonique de l'amour ; concept qui ne s’harmonisait cependant pas avec ce remue- ménage hormonal que je sentais de plus en plus souvent bouillir en moi. Ma premiére rencontre avec une femme a été une expérience a la fois terriblement excitante et épouvantablement éprouvante. Je ne sais plus trop bien comment la chose s'est passée. II] me semble qu’elle avait en quelque sorte jeté son dévolu sur moi. J’avais lu également, a une autre occasion, qu’on n’approchait une femme qu’en respectant un certain rituel, mystérieux sans doute, car j’en ignorais les régles. En fait, je n’ai rien fait. Qu’aurais-je pu faire de toute maniére ? Je n’avais jamais recu une quelconque éducation a cet effet. C’est elle qui s’est emparée de moi! Au début, tout semblait normal. Elle était belle et plaisante et, dissimulée sous un parfum un peu lourd pour sa peau douce et si fraiche, jai reconnu une odeur réellement enivrante. Cet effluve semblait étre un commutateur qui devait déclencher en moi une série de réactions tout a fait inhabituelles. Tout mon corps se mit a trembler, mes’ pupilles éclatérent laissant entrer dans la téte un flot de lumiére traversant mon cerveau comme un éciair. 8e édition ISSN 1704 - 9970 Aoait 2003 Je devins sourd aux bruits extérieurs, n’entendant plus que la violente pulsion du sang dans mes veines. C'est alors qu’elle mit ses mains sur moi et, comme par enchantement, je sentis mon corps se cambrer et se tendre vers elle. C’était a la fois irrésistible et délicieux. J’étais tout abandonné a ces sensations qui, a la maniére d’un ressac, me battaient le corps quand elle posa ses lévres sur ma bouche. A ce méme instant, elle se détacha de moi. — Crest la premiére fois, n'est-ce pas ? Avec un sourire amusé, elle me laissa la, tout ébranlé d’impressions édéniques, a porte-a-faux sur le bord d'un univers a la fois nouveau, merveilleux et abscons. Je sentis confusément que, par mon inexpérience, j’avais manqué une chose extraordinaire. Que j’avais été prés d’entrer dans un lieu secret et sacré, mais que, resquilleur démasqué, on men avait rejeté avec condescendance. Trés troublé, j'en déduisis la confirmation d’une chose impensable. Chose dont j'avais toutefois déja percu Il'incroyable possibilité: la femme pouvait étre un objet de désir et aussi chercher elle-méme le plaisir. Quelque temps auparavant, javais été témoin d’un accident effroyable ot deux voitures s’étaient heurtées a grande vitesse en collision frontale. C’était la nuit, des jeunes de sortie, un massacre ! Trés malhabile, javais tenté d’aider ces malheureux. De l'une des carcasses broyées, j’avais extrait une jeune fille qui paraissait tres belle, les yeux clos dans un apparent sommeil. Sa téte avait roulé sur mon épaule, un flot de sang m’avait inondé: elle avait eu la gorge tranchée par un bout de ferraille. Je n’ai pas pu dormir de toute la nuit. La scéne avait été atroce, mais plus terrible encore, je venais de découvrir que dans ses veines circulait un sang aussi vulgaire que le mien. La femme n’était donc pas cet étre un peu irréel que, jusqu’alors, javais porté aux nues. Sous sa peau diaphane coulait un liquide aussi sauvage que celui responsable des pulsions cachées derriére mon front. Dés lors, j'ai perdu quelque peu de cette déférence hiératique que je portais a ce sexe vénérable. Si nous appartenions a la méme espéce, si elle était un animal au méme titre que moi, pourquoi y aurait-il eu alors une difference ? Peut- étre n’y en avait-il simplement pas ? La distinction si délicieusement visible n’était-elle qu’apparente ? Je me mis a lire tous les livres disponibles sur le sujet. Je pris la peine d’apprendre 15