Le Soleil de Colombie, vendredi 12 février 1988-13 VOYAGES Par Jean-Claude Boyer Le dimanche 17 novembre 1984. Le train de Toulouse m’améne a Albi, ville paisible du sud-ouest de la France. Je compte rendre visite 4 un de mes anciens professeurs de traduction (Uni- versité de la Colombie-Britanni- ' que) en sabbatique dans son pays natal, et visiter la cathédrale Sainte-Cécile et le musée qui renferme une partie importante de l’oeuvre de Toulouse-Lautrec, le fils le plus célébre de cette vieille cité médiévale. Dans mon compartiment, des jeunes 4a l’accent du midi se plaisent a parler de leur «déjeuner» au marcassin (petit sanglier) avant de se mettre a jouer aux cartes sur une veste qu’ils parviennent a faire tenir sur leurs genoux. Albi, . surnommée la «ville rouge» a cause de ses nombreuses cons- tructions en brique, le sol de la région est de molasse argileuse, apparait soudain, dominée par son imposante cathédrale-forte- resse, ol je me rends dés ma descente du train. Un soleil de juillet darde ses rayons sur les rues désertes; de chaque cdété, des facades aux chaudes couleurs _ ocre-rose. Traversée du Pont Vieux (XIe siécle) , sur le Tarn (des guerriers _ et des rois célébres sont passés ici, me dira-t-on). J’accélére le pas ‘tout en fredonnant la chanson . naive de soeur Sourire sur «Dominique-nique-nique» qui «combattit les Albigeois». L’exté- rieur de la cathédrale offre une apparence austére. De gothique méridional, en brique, flanquée d’une trés haute tour, elle a gardé son _ aspect impressionnant de _ forteresse, avec ses murs €pais, surmontés de créneaux. Cette maison de Dieu a servi de bouclier contre les hérétiques au cours des guerres albigeoises du XIIle siécle. Mais l’austérité de l'ensemble est largement compensée par un intérieur d'une surprenante richesse: fresques _ italiennes, nombreuses statues polychromes, jubé incroyablement travaillé, et par un porche finement ouvragé du XVIe siécle. La basilique, dédiée a la patronne des musiciens, est remplie d’amateurs de bel canto venus assister 4 un concours de chants sacrés et profanes exécutés par une dizaine de chorales mixtes, dont la plus ancienne fut fondée en 1872. Tous les siéges étant pris, je reste debout dans une allée latérale prés d’une statue de sainte Cécile en robe verte, allongée 4 terre, et qui porte au cou une _ blessure mortelle. Une chorale se retire, une autre la remplace. «Le Galérien» et «Mignonne allons voir si la rose», en particulier, raménent mes souvenirs de collége, au temps ow le directeur de la chorale parvenait toujours a obtenir de ses petits chanteurs un fondu sublime, digne d’un choeur angélique. A quelques reprises, je crois apercevoir Claude, mon ancien prof, dans cette foule extraordinairement silencieuse ou bavarde, selon qu'elle écoute ou partage ses impressions. Plus de 600 choristes unissent enfin leurs voix pour interpréter, avec fraicheur et style Récit d'un tour du monde D‘Albi 4 Algésiras vivacité, «Cent mille chansons». Applaudissements a tout rompre. Brillant concert moderne dans ce magnifique temple du moyen age. Dés que la foule s'est retirée, je prends le temps d’admirer en détail boiseries, tableaux, sculp- tures, fresques (dont un juge- ment dernier terrifiant) , voites, choeur, jubé, grandes orgues... Il n’y a pas de transept. Cette architecture «non-cruciforme» rappelle J’unicité de cette cathédrale, témoin d’un passé épique ot les Albigeois ou Cathares (secte manichéenne) ont recu, au nom de l’Evangile et de la main des Rois de France le terrible baptéme du sang. (Bref rappel de leurs croyances. Le Bien et le Mal, Dieu et Satan, président aux destinées de ce monde. Seules les créatures La Basilique Ste-Cécile [XIle Bouygues arrivent chez eux au moment ot: des voisins m/affir- ment qu'ils seront bientét de retour. Accueil chaleureux. Claude n’y est pas; il fait des recherches littéraires 4 Paris. Un bon whisky, blagues, récit de . Paventure que je vis, puis histoire de leur famille en peu de mots, photo du couple et de leur chien, communication _ téléphonique avec Claude... Nous passons a table. Souper royal (tomates farcies, endives..., vin fin). Japprends que «Bouygues» signi- fie «terre inculte» et j’explique a mes hétes que «Boyer» est une déformation de «Bouvier», éle- veur de boeufs. Etymologies rustiques! La conversation va de la guerre (Raymond, Agé de 77 ans, était lieutenant) a la parfumerie que le _ couple posséde, en passant par Vancou- % “s] dominant ies Vieux Quartiers, avec sa parure hivernale. spirituelles et célestes ont été créées par Dieu ; matiére et chair sont l’oeuvre de Satan. Pour se sauver, l’homme doit donc se libérer de l’influence du matériel et du charnel). En quittant le lieu saint, je me rends, par hasard, dans un «Salon du livre» ot un joueur de cornemuse blanche circule parmi jeunes et moins jeunes avides dé lecture. Sa musique un peu agacante ne semble troubler en rien la concentration des lecteurs. Je me retrouve ensuite le nez dans un bottin en train de chercher le numéro de Raymond Bouygues, le pére de Claude. (Mon index s’arréte au passage sur Boyer Jean-Claude, de l'avenue Cambacérés!) J’appelle. Pas de réponse. Avant de louer une chambre d’hotel, jirai tout de méme m’enquérir auprés des voisins de la possibilité de saluer les Bouygues, quitte a ne laisser qu'un message sur leur porte. Longue marche dans les rues ‘propres, ombragées. M. et Mme ver, la politique francaise peu reluisante et l’avenir menacant qui guette le monde d’aujour- d’hui. Lorsque je me retire pour la nuit, dans une chambre impeccable, j'ai l'impression d’avoir absorbé, en ce 17 novembre, plus de connaissances que m’en aurait procuré un cours universitaire de trois crédits. Le lendemain “matin, petit déjeuner bien francais, toasts, ni bacon, nisirop d’érable! Le couple cueille ensuite quelques pommes pour me les offrir. Je remercie ma charmante hétesse qui m’invite 4 revenir. Puis Monsieur Bouygues vient me reconduire en voiture au musée Toulouse-Lautrec, a l’ombre de la cathédrale. Avant de lui faire mes adieux, je l’écoute me recommander la visite de tel et tel site. «Vous savez, conclut-il, Albi est une véritable ville d'art.» Malheureusement, aprés la visite de ce musée et une promenade dans «le vieil Alby», je devrai poursuivre ma route. Me voici maintenant dans le - Palais de la Berbie (forteresse dominée par un donjon du XIIle siécle) qui abrite de nombreuses oeuvres de Toulouse-Lautrec, le fameux dessinateur, peintre, lithographe et affichiste. J’avance années 30. Seconde visite, rapide, de la cathédrale Sainte-Cécile, a quelques pas de la. Je m’éloigne de ces deux monuments en me tournant souvent sur eux, a regret. Je déambule ensuite dans le Toulouse Lautrec La Vache enragée [1896]. a petits pas, m’arréte souvent. «Oeuvres remarquables par Vextréme concision du trait, leur mordant et leur valeur décora- ttve», commente un dépliant. «Artilleur sellant son cheval», «Femme assise sur un divan», «Chocolat dansant», «La Gou- lue», «La vache enragée.» Je suis parfois pris d’une sorte de vertige devant loriginal d’une oeuvre bien connue, devant I’expression tangible du génie créateur de l'homme, cet infini. En quittant ce sanctuaire artistique, j'ai un peu Jillusion de quitter la langueur charmante du Paris des vieux quartier de la _ ville, semblable a tant d'autres déja visités, mais cependant différent. La plupart des magasins sont fermés le lundi. J’achéte plusieurs cartes postales dont une du monument de la _ Pérouse, Villustre navigateur albigeois. Puis je reprends le train pour Toulouse qui filera 4 toute allure a travers les paysages caractéristi- ques de cette région: vignobles immenses, vergers, champs de blé, collines surmontées de chateaux ou forteresses. [Suite la semaine prochaine] sans _ “RACINES” LANGAGE DE NOS ANCETRES Vocabulaire riche de nos aieux ot les mots évoquent des images anciennes et des coutumes d’autrefois. La criée, Le temps des sucres, La poudrerie, autant de canadianismes qui illustrent l’@ge d'or du Québec. LES «FILLES DU ROY» Entre 1663 et 1673, elles seront 800 a venir s’établir en «Nouvelle France». La majorité d’entre-elles sont orphelines et ont moins de 25 ans. «Filles 4 marier,» bon gré mal gré, elles seront face a l’adversité dans ce nouveau pays les pionniéres d'une génération de femmes fortes qui contribueront a la fondation du peuple québécois. Courageuses, patientes, elles affrontent les péripéties d'un long voyage, les rigueurs d'un dur hiver et la rudesse d'une vie rustique pleine d’embiaches. Ces «Envoyées de Sa Majesté» implanteront fortement leurs traditions et leurs croyances, Pour écoles élémentaires, secondaires, programme cadre et Immersion. Pour de plus amples renseignements contacter: Jeanne Baillaut au 255-4157. i iB i a hi silica amy gp iain ts sa pei