page 12 L’APPEL Septembre 1967 LE CONGRES DES PROGRESSISTES - CONSERVATEURS: Un concours de sémantique Le congrés national du parti Pro- gressiste conservateur aura été un exercice en sémantique dont il faut si- gnaler quil a connu le plus grand renfort de plublicité jamais connu au Canada. Quiil ait, pour le mo- ment, ajouté plus de confusion que jamais sur la valeur des mots, il n’en aura pas moins été Voccasion de rendre la population témoin du pro- bléme central de la confédération canadienne. La thése des “deux nations” ou des deux “peuples fondateurs” qui ont consenti a un contrat constitution- nel, en 1867,.a été érodée ou accen- tuée selon les circonstances qui ont accompagné J’évolution de histoire au Canada anglais, d’une part, et au Canada frangais, d’autre part. Au Canada anglais l’érosion s’est faite surtout 4 cause de ambiguité des textes de VA.A.N.B. et de leur constante référence a la constitution du Royaume-Uni. II était normal que, sitét ratifiée, cette constitution, dans lesprit des législateurs anglophones, établissait la priorité de toutes mesu- res aptes a faire du Canada une image de plus en plus conforme a celle de la Grande-Bretagne. C’est ainsi quon peut accorder un crédit de bonne foi 4 ceux qui ont présidé, pendant cent ans, a l’isolement du Canada francais 4 la province de Québec. C’est aussi 14 la principale raison des difficultés monumentales que devront envisager ceux qui vou- draient maintenant faire machine- arriére et reconnaitre la présence d’un fossé que seule Vhistoire a creusé. Au Canada francais, Vhypothése de “deux nations” n’a cessé d’é- voluer dans l’autre sens. Comme au Canada anglais, cependant, il est douteux qu’on puisse, maintenant, revenir 4 la notion qui, selon l’esprit de la résolution de la commission politique, effacerait cent ans d’in- compréhension et nous permettrait de repartir 4 neuf. Quand les pots sont cassés il est difficile d’en souder les morceaux sans laisser de marques. Ce sont ces marques qui ont dominé les beaux discours des candidats A la chefferie. C’est le grand chef, sortant de char- ge, M. Diefenbaker, qui les aura fait ressortir davantage par Thonnéteté méme de son “chant du cygne” du jeudi, 7 septembre. Ce qu'il a dit, en effet, peut se résumer comme ceci: “L’Unité de notre pays n’est possible qu’en transformant la diversité des courants démographiques en un con- fluent unique dont la synthése rési- de dans le caractére britannique personnifié par son monarque. Con- cédons au passé l’apport des deux races fondatrices et Jladdition de toutes les autres ethnies et cultures qui sont venues s’y greffer. Rendons- leur hommage en leur accordant le droit d’étre, tant qu’elles ne se se- ront pas fondues en ce monolythe dont j'ai accepté, moi-méme, de por- ter l’étendard: Yunicité de la langue, de la loi et de la pensée.” Cest 14 le courant évident de pensée du Canada anglais. Etre Ca- nadien c’est étre “Canadian”. Etre Canadien francais c’est refuser la volonté majoritaire, c’est bloquer le progres, c’est le repli sur soi-méme, c'est Visolement, c’est vivre en marge de la “grande société”. Comme nous pouvions nous y at- tendre, le discours de M. Diefenba- ker a frappé de nombreuses cordes sympathiques, particuliérement dans )Ouest. C’est ce qui a obligé les autres candidats 4 mettre beaucoup d’eau dans leur vin lors de leurs discours de candidature; 4 “patiner” sur les mots afin de ne pas diviser le scru- tin sur cette question de dualité culturelle. La position de M. Robert Stan- field est trés délicate et ce n’est pas surprenant qu il soit maintenant sur ses gardes. Sans tomber dans le piége des mots, il s’est dit convaincu que la solution principale au plus impor- tant probléme du Canada _consis- tera a traiter la minorité francaise a Yextérieur du Québec de la méme fa- con que Ia minorité anglaise est trai- tée dans la province de Québec; c’est- a-dire avec justice. Cependant, pour attaquer ce probléme il lui faut étre élu. Nous ne pouvons donc pas nous attendre 4 mieux qu’a des allusions ambigués au fait francais jusqu’a la tenue d’un Congrés sur la politique du parti au cours duquel la fameuse résolutions sur les “deux nations” sera débattue a fond et élucidée. Entre-temps, 4 ’examen de la mar- che accélérée de ces derniéres an- nées, il serait important de se de- mander s’il n’est pas déja trop tard. Il n’est peut-étre pas attrayant d’ap- porter ici l’exemple du probléme des noirs, aux Etats-Unis, mais, nous avons pu nous rendre compte, au cours de Jlété, -combien peu sont réglés les problémes d’injustice quand les libertés publiques sont reconnues par la loi cent ans aprés l’énoncé de principe. COURAGE POLITIQUE DE M. JOHN ROBARTS Cest au cours du Congrés général de PACELF, (maintenant I’Associa- tion Canadienne d’Education de lan- gue frangaise) que le premier minis- tre de Ontario, M. John Robarts, a révélé la politique de son gouverne- ment en matiére de reconnaissance des droits scolaires des Franco-onta- riens. M. Robarts a dit que son gouver- nement est fermement décidé de met- tre fin a Vinégalité des citoyens de langue frangaise de sa province en mettant 4 leur disposition un sec- teur francais de Vinstruction publi- que, partout ot le nombre de fran- cophones le justifiera. . Déja, deux universités, celles d’Ot- tawa et de Sudbury, universités bi- lingues qui ont adopté une charte @universités publiques ces derniéres années, sont en mesure de remplir les fonctions d’écoles normales pour la préparation des enseignants et pour servir de débouchés naturels 4 un réseau d’écoles secondaires dont la création est maintenant garantie. L’on sait peut-étre déja que la Loi des écoles séparées de lOnta- rio permet l’enseignement en fran- cais dans les écoles primaires catho- liques. Cependant, les écoles secon- daires sont demeurées privées, jus- quici, ne jouissant pas de subventions publiques. Le gouvernement n’a pas Yintention d’étendre au secondaire la reconnaissance des écoles confession- nelles. Cependant, vu la décision de lAssociation d’Education Franco-On- tarienne, prise il y a quelques mois, de demander des écoles publiques de caractére francais.ou bilingue au ni- veau secondaire, plutdt que des écoles Catholiques, le dernier obstacle qui barrait la route 4 un systéme global d’enseignement en francais se trouve éliminé. Néanmoins, nous sommes davis que le premier ministre de l’Ontario a fait montre d’un courage politique peu ordinaire en déclarant la politi- que de son gouvernement favorable aux droits égaux du francais dans le domaine scolaire. Par ailleurs, tous les grands journaux de l'Ontario ont publié sa déclaration en grandes manchettes. C’était, a vrai dire, un défi lancé au sens de justice de (suite p. 13)