Page: 20 Pourquoi pas des Kibboutz? IDEE INTERESSANTE Par Ernest Bourgeault e Naguére animateur d’un mouvement en fa- veur de la liberté scolaire des francophones & Saskatoon, M. Ernest Bourgeault réside maintenant 4 Repentigny. Des kibboutz québecois? C’est peut-étre notre meilleure arme de libération économique. La création de communautés économiques intégrées semblables ou analogues aux kibboutz d’Israél est probablement plus 4 notre portée que la création de sociétés commerciales du type standard nord-américain. Le succés des communautés huttérites dans 1’Ouest canadien, et celui de certaines de nos communautés reli- gieuses du Québec semblent bien 1’indiquer. Le kibboutz serait peut-étre méme le seul moyen de mobiliser et de concentrer ]’épargne et les compétences nécessaires 4 une percée dans un domaine industriel particulier. Nos CEGEP et nos universités sément des connaissances techniques qui vont germer dans des entreprises qui appartiennent 4 l’étranger, quand ce n’est pas 4 1’étranger. Nos CEGEP et nos universités contribuent aux forces qui con- trdlent notre économie de l’extérieur. Comme le Petit Larousse nous semons 4 tout vent. Nous nous fions au vent, avec les résultats que lon sait. Les jeunes n’ont pas besoin d’un baga- ge qui les expartie. Les jeunes ont besoin d’en- treprises qui leur appartiennent et ot ils soient chez eux. Ils ont besoin d’entreprises ot leur travail, ot leurs compétences méme limitées puissent étre immédiatement convertibles en capital social, quand elles ne sont pas pleine- ment convertibles en argent sonnant. Au dé- part, ils n’ont rien d’autre gue leur travail et leurs petites compétences 4 investir. D’autre part, auteur de cette lettre consta- te que nous faisons scier notre bois et cogner nos clous 4 Toronto, quand ce n’est pas 4 Chi- cago. Nous faisons usage tous les jours de pro- duits qui, semble-t-il, devraient étre transfor- més, assemblés tout au moins, ici au Québec. Cogner nos propres clous n’est pas chose facile dans bien des cas. Les secteurs du marché que nos jeunes devraient occuper sont des chasses gardées. Ils sont occupés par des com- pagnies riches d’expérience et de capitaux, aguerries par une concurrence sans relache. Certaines compagies nous veulent comme consommateurs dociles, d’autres nous veulent comme main-d’oeuvre 4 bon marché. C’est la raison d’étre de la réclame. Et cette réclame est puissante. Seules de puissantes communau- tés économiques, genre kibboutz peuvent briser le cercle économique ot nous tournons. Seule la coopérative totale permet de cerner le pro- bléme. Il ne suffit pas de produire, il faut pou- voir se libérer, dans une certaine mesure, de la société dite de consommation. I] faut coopérer dans le triple domaine de la consommation de Vépargne et de la production. Comment pou- rait-on le faire autrement que dans des sociétés ad hoc? Nous n’avons pas le choix, il nous faut un L’APPEL ~\Pctobre - décembre 1968 Question opportune? ... ou non. Voici une question trés importante pour la communauté francophone de Colombie Britan- nique. Du moins, c’est la conviction de la Fé- dération Canadienne frangaise de la Colombie Britannique. Attendu qu’il nous faut nous réjouir du fait que le gouvernement provincial de Colombie Britannique ait accédé 4 notre demande et a la demande de la Commission Scolaire de Co- quitlam et permis l’expérience d’un program- me d’enseignement dont le frangais sera le principal véhicule; Attendu qu'il soit nécessaire d’insister pour que l’initiative se poursuive ailleurs et se généralise 4 travers toute la province; Kst-il toutefois, normal que le réle de la communauté francophone se limite 4 faire pres- sion auprés des autorités; 4 obtenir que 1’ensei- enement du frangais, langue seconde, soit amé- lioré ou que des classes, ici et 14, s’ouvrent pour que les parents francophones puissent assurer a leurs enfants une instruction relative dans leur langue maternelle? . ... Ou, ne serait-il pas préférable, par respect du principe reconnu du droit des parents 4 choisir le genre d’éducation dont bénéficieront leurs enfants, que des mécanismes de représen- tation collective soient étudiés avec et pour la communauté particuliérement intéressée? A ETS EES PLE TE ESE SD SPF, ES PE EE ES SARE NE EN SPOON, FETT IT RE ERI IEE nouveau type d’entreprises coriaces et agressi- ves. Ces entreprises pourraient étre mises en gestation au CEGEP et peut-étre 4 l’université. Les jeunes qui le désirent devraient pouvoir administrer et faire fonctionner des usines pi- lotes. On pourrait faciliter la création d’entre- prises-écoles, ol les gens des diverses discipli- nes feraient leurs contributions, leurs erreurs, en équipe. Si quelques-unes de ces entreprises devien- nent rentables et autonomes, 1’école aura réel- lement atteint son but. Il en sortira au moins des entrepreneurs, si elles restent déficitaires. Le CEGEP ne se contenterait pas d’ensei- gner 4 des individus, il aiderait 4 la formation d’é équipes de marketing et de production. Il 7 aurait l’école et parallélement 1’entreprise-é- cole, et finalement ]’entreprise elle-méme, qu’il faut inventer, qu’il faut créer. L’entreprise privée au Québec n’existe pas pour les beaux yeux des Québecois, elle existe pour ses propriétaires. Pourquoi nos institu- tions d’éducation se mettraient-elles au service du marché du travail? Ce marché ne nous ap- partient pas, i] doit étre utilisé, et non servi. Notre systéme d’éducation est un peu com- me une armée qui ne formerait pas d’unités de combat, mais seulement des spécialistes épars. Le systéme d’éducation au Québec doit faire plus, il doit au moins permettre la formation d’unités économiques indigénes. Parlons kibboutz! Le Devoir, Montréal, 21 nov. 1968