Février 2011 Deuxiéme texte d'une série de quatre articles sur le théme de la construction identitaire et du développement langagier bilingue, par Annie Bourret, linguiste et auteure. Quelques caracteristiques du developpement langagier bilingue En 2007, la Fédération des parents franco- phones de Colombie- Britannique — (FPFCB) me demande de donner des ateliers aux parents de jeu- nes enfants francophones de la pro- vince. C'est ld un essai, mais combien concluant, car il existe tres peu de ren- seignements sur le développement lan- gagier des tout-petits qui grandissent dans un environnement bilingue***. Et la linguiste que je suis, armée de connaissances théoriques et pratiques découlant de projets de recherche sur l'acquisition du langage chez les petits enfants bilingues, en découvre généra- lement tout autant que les parents qui se présentent. Les vécus et les trucs sont différents. Cependant, les questions de fond ne changent jamais. Les voici : 1) A quel ge faut-il exposer un enfant aux deux langues? Vaudrait-il mieux consolider d’abord l'anglais, néces- saire a la survie? 2) Est-ce que le bilinguisme retarde le développement linguistique des tout-petits? 3) Faut-il s’inquiéter quand les enfants mélangent les deux langues, com- me dans Moi va Rec Centre? Et voici mes réponses : 1) Dés la naissance, c'est la meilleure fagcon qui soit de devenir bilingue. L'acquisition de deux langues est optimale jusqu’d |'dge de sept ans, voire quatre ans selon certains spé- cialistes. Non, il ne faut pas consoli- der l’anglais. Non seulement tout le *“* Depuis, ef en raison de |'inférét envers le sujet, ces ateliers sont offerts tous les ans, selon milieu renforce l'anglais, mais vous perdez les années optimales du développement langagier, |'dge ou les enfants sont des 6ponges qui retiennent tout sans discrimination. De plus, en situation minoritaire, nous devons « Compenser » pour la lan- gue moins présente, donc maximiser le frangais. Ce sera d’ailleurs le sujet du prochain article. 2) Le rythme de développement lin- guistique des petits unilingues et des petits bilingues est sensiblement le méme, mais le petit bilingue doit assimiler plus d'information, car il apprend deux systémes_ linguisti- ques : les 36 sons du francais, les 44 sons de l'anglais ; les deux systémes de vocabulaire (chat, cat; pain, main, bain et rub-a-dub-dub) et les structures de phrase (Mon chat noir: My black cat). Avant d'y arriver, il un partenariat entre la FPFCB et RésoSanté Colombie-Britannique. Deux langues, un enfant Un enfant peut prendre conscience qu’il parle deux langues dés |’'dage de deux ans (plus souvent vers |’Gge de trois ans). Habituellement, il réalise d’abord qu’il s’'adresse aux gens de manieére différente (avec des phrases et des mots différents). Ensuite, il commence son gros travail d'analyse et de différenciation (« jus » = francais, juice = anglais). « mélange » les langues. C'est ce qui donne l’impression de « retards ») et de « confusion ». En réalité, il est en train de faire un GROS travail d’ana- lyse pour différencier tout cela. Et, en passant, cela lui donnera un avanta- ge important : il apprend trés jeune a se concentrer et a analyser. 3) Dans le cadre d'un développement langagier bilingue, les mélanges de langue sont NORMAUX. En fait, ils prouvent qu’un enfant est en train de devenir bilingue. Et, avant |'age de sept ans, les mélanges sont habi- tuellement liés a l’'acquisition du vo- cabulaire. Bien entendyu, il faut tenir compte du niveau d’exposition aux deux langues aussi. Pour vous rap- peler du « compte de bandque » de 22 000 dollars linguistiques, allez relire le premier article de cette série! ©