‘6 Le Soleil de Colombie, Vendredi 21 Octobre 1977 Un choix national SECTION 8 Chapitre 4 Les principes de la politique des langues officielles du Canada Le gouvernement fédéral a la conviction que le Ca- nada ne pourra pas main- tenir son unité si le fran- ¢ais et l’anglais ne sont pas acceptés et reconnus dans tout le pays comme lan- gues officielles. Le gouvernement fédéral rejette l’idée d’un Canada divisé en deux pays uni- lingues_ distincts ou en deux régions unilingues opposées a |’intérieur d’un méme pays. Bien que dif- férentes en apparence, ces deux solutions, en fait, aboutissent au méme résul- tat: d'un cété, une province ou un état du Québec uni- lingue francophone,de |’au- tre, le reste du Canada ou un Canada tronqué,, unilin- gue anglophone. Le gouvernement écarte ces solutions avant tout parce qu’elles ne) tiennent Pas compte de I’existence des groupes minoritaires de langue officielle du Canada. Sur un total de 21,5 mil- lions d‘habitants, 1,7 mil- lion de Canadiens, soit 8 o/o de la population, vivent dans des provinces ol, du point de vue des langues of- ficielles, ils sont minoritai- res. Dans chacune des pro- vinces et dans les territoi- res, ily aun groupe mino- ritaire de langue officielle. Ainsi, vivent au Québec, 789 185 Canadiens de lan- gue maternelie anglaise, soit 13 o/o des habitants de la province. De méme, 926 400 Canadiens de langue maternelle francaise vivent dans des provinces autres que le Québec. Le tableau suivant indique la réparti- tion des groupes minoritai- res de langue officielle au Canada: : progessive des minorités, la solution a nos difficultés d’ordre linguistique. Le gouvernement fédéral refuse cette division qui conduirait inexorablement le Canada, ou ses parties séparées, a |’uniformité lin- guistique et la conformité culturelle.Les Canadiens ont toujours écarté cette polarisation au nom de la dualité fonciére du pays. Accepter la division du Ca- nada en fonction de crité- res linguistiques ou cultu- rels serait ruiner tout le travail accompli par les Canadiens qui, au fil des années, ont édifié un nou- veau pays, dans l’accepta- tion et le respect des dif- férences respectives. Le principe d'une telle division est inaceptable, car il prive les canadiens de I‘héritage d’un pays. Il dénie aux Québécois un territoire sur lequel ils ont autant de droits que les autres Canadiens, et a ces autres Canadiens une por- tion du pays sur laquelle ils ont des droits égaux. Le gouvernement croit que l'i- dée d'une séparation ou d’une division en fonction de critéres linguistiques doit étre rejetée par tous les Ca- nadiens, o0 qu’ils vivent. Ce principe est inaccep- table, enfin, car le gouver- nement fédéral a la respon- sabilité de préserver et d’af- fermir la langue et la cultu- re des Canadiens franco- phones d’Amérique du Nord; et il entend |’assu- mer. Pendant bien des an- nées, le gouvernement fé- déral a favorisé |’essor et la protection de la langue et de la culture frangaises au MINORITES FRANCOPHONES OU ANGLOPHONES POPULATION MINORITE 0/0 Canada 21 568 310 1715585 8,0 Terre-Neuve 522 105 3 640 0,7 lle-du-Prince- 11 640 7 365 6,7 Edouard Nouvelle-Ecosse 788 960 39 335 5,0 Nouveau-Bruns. 634 560 215 725 34,0 Québec 6 027 760 789 185* 13,1 Ontario 7 703 105 482 040 6,3 Manitoba 988 245 60 545 6,1 Saskatchewan 926 245 31 605 3,4 Alberta 1 627 875 46 500 29 Colombie-Brit. 2 184 620 38 035 uF Territoiredu 18385 450 24 Yukon Territoiresdu 34810 1 160 33 Nord-Ouest * Anglophones. Les autres norités francophones. chiffres désignent des mi- Ceux qui préconisent la division ou la séparation du Canada en fonction de la langue voient, a n’en pas douter, dans l’absorption Canada par I’entremise de ses organismes administra- tifs et culturels et aussi, dans une large mesure, par les organismes politiques fédéraux. Ceux-ci sont au nombre des meilleurs ga- rants de 1|’épanouissement linguistique et culturel des Canadiens d’expression fran- caise. Les rejeter serait irres- ponsable. Dans le régime ac- tuel, les organismes fédé- raux constituent l’une des principales sources de pro- tection et de promotion de la langue et de la culture frangaises au Canada, en A- mérique du Nord et ailleurs dans le monde. Afin de faire accepter et reconnaltre le francais et l'anglais comme langues of- ficielles du Canada, le gou- vernement fédéral a_ for- mulé certains principes qui, globalement, —_ constituent une charte des langues offi- cielles du Canada. Certains d’entre eux rendent explici- tes des situations de fait qui existent au pays depuis de nombreuses années. Cer- tains ont été admis plus récemment, d'autres enfin sont nouveaux. Le gouver- nement juge essentiel, dans la conjoncture actuelle, de formuler clairement ces prin- cipes. La langue est un aspect important de la vie d’un pays et c’est pourquoi I’a- doption et la mise en oeu- vre d'une politique linguis- tique exige la participation de tous les citoyens et de tous les paliers de gouver- nement. En régime fédéra- tif, le pouvoir de légifé- fer en matiére de langue est partagé entre différents gouvernements. En consé- quence, les principes qui sous-tend:nt la politique des langues officielles concer- nent non seulement les ci- toyens canadiens, mais les gouvernements provinciaux aussi bien que le gouverne- ment fédéral. Ces principes visent a traduire dans les faits 1|’é- galité de statut dont jouis- sent le frangais et I‘anglais en tant que langues offi- cielles du Canada. Le gou- vernement souhaite que ces principes soient admis par tous les Canadiens et par tous les gouvernements pro- vinciaux, et qu’ils consti- tuent la charte de la duali- té linguistique d’un Canada multiculturel. Ces principes sont les sui- vants: Au Canada, tout particulier a le droit, dans sa vie pri- vée, de parler la langue de son choix. Au Canada, fle francais et l’anglais jouissent d’un statut égal et sont les lan- gues officielles du pays. Le francais et I‘anglais constituent un élément es- sentiel du patrimoine cana- dien. En conséquence a) les politiques gouvernemen- tales, fédérales et provincia- les, doivent garantir les con- ditions du maintien et de l’épanouissement de ce pa- trimoine linguistique; b) !a ou il existe des minorités francophones ou anglopho- nes, les instances publiques fédérales et provinciales doi- vent les inciter et les aider a préserver leur langue. Sauf circonstances particuliéres qui justifie- raient qu’on différe !’appli- cation de ce droit, les Ca- nadiens ont le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue officielle de leur choix, et les services appropriés leur seront of- ferts chaque fois que le nombre d’éléves’ sera suf- fisant. Il est souhaitable que le plus grand nombre possible de Canadiens connaissent les deux langues officielles du Canada; ils en retireront un enrichissement —_ personnel qui profitera aussi a la so- ciété tout entiére . Ces Ca- nadiens de l’une et I’autre langue officielle pourront ainsi plus aisément commu- niquer entre eux, mieux ap- précier leurs modes de vie respectifs et faire office de lien naturel entre les deux communautés linguistiques. Les Canadiens doivent a- voir la possibilité de com- muniquer avec les organis- mes fédéraux et d’en rece- voir les services sollicités dans la langue officielle de leur choix; des mesures doi- vent 6tre prises a cet effet chaque fois que la deman- de est suffisante. Compte tenu du princi- pe précédent, les Cana- diens des deux principaux groupes linguistiques du pays doivent jouir des mé- mes possibilités d’emploi et de carriére dans |’adminis- tration fédérale et doivent pouvoir y travailler dans la langue officielle de leur choix. Les deux principaux grou- pes linguistiques du pays doivent étre représentés équitablement dans les ser- vices fédéraux. Ces principes feront l’ob- jet de ce document. Mais on particulier. jet des chapitres suivants. Le chapitre 5 portera sur le citoyen canadien, le cha- pitre 7 sur le rdle des pro- vinces, le chapitre 6 sur les services du gouvernement fédéral. La suite du présent chapi- tre traitera de la significa- tion du principe de I’é- galité de statut de I’anglais et du francais en tant que langues officielles du Ca- nada. La politique des langues officielles tient pour ac- quis que, compte tenu de \‘existence de nombreuses langues au Canada, il y a au pays deux groupes linguis- prennent les deux langues. nes, nadiens. qui ne parlent ni anglais ni le frangais s‘éléve a 1,5 o/o seule- ment. Par conséquent, tout Canadien est visé par cette politique; celle-ci ne porte pas sur deux groupes parmi d‘autres, mais prend en compte la réalité linguis- tique fondamentale du Ca- nada. Egalité de statut de |’an- glais et du frangais signifie égalité absolue. Mais en pra- tique, on ne peut pas dire que cette égalité soit tota- le, partout et en tout temps, indépendamment des contraintes de la vie quoti- dienne. Par ‘‘égalité de sta- tut”, le gouvernement en- tend une égalité qui tient compte de ces aspects appa- remment contradictoires. L’égalité de statut doit avoir prise sur les réalités concrétes du pays. Le fait est que, dans certaines parties du Canada, les an- glophones prédominent, a- lors que les francophones y sont trés minoritaires. Dans d’autres régions, a I’inverse, les francophones sont majo- ritaires, les anglophones n’y formant que _ de _ petits groupes. Dans certaines ré- gions, les groupes minori- taires, francophones ou an- glophones, sont plus impor- tants; tel est le cas de la région de Ja capitale natio- nale, du Nouveau-Brun- sick, de la conurbation de Montréal et du nord de ‘Ontario. Le gouvernement fédéral n‘a jamais eu I’intention d’é- tablir une politique de “’bi- linguisation” inconsidérée qui tendrait a répartir uni- formément le francais et aanaioks dans tout le Cana- a. Personne, et encore moins le gouvernement fédéral, ne veut, pour le Canada, d’un bilinguisme universel et indifférencié. Le terme de bilinguisme, trop souvent employé 4a tort et a travers, est a la source de nombreux malentendus au pays. On I’a utilisé pour désigner la réa- lité linguistique qui fait |’ob- en est venu 4a I’associer, abusivement, a I‘idée que tous les Canadiens d’un bout a l’autre du _ pays, fonctionnaires fédéraux en téte, devaient deve- nir bilingues. Présenter ainsi la situa- tion, c’est vouloir la tour- ner en ridicule. Egalité de statut ne signifie pas que tout Canadien, ni méme que la majorité d’entre eux, de- Prince Rupert ou dans tout autre ville ou villa- ge du Canada. Cela ne signifie pas non plus que l'anglais sera imposé com- me langue d’usage a St- Hyacinthe, Roberval ou Sturgeon Falls ou dans tout autre ville ou villa- ge du Canada. ll y a tout lieu de s’at- tendre a ce que 1|’Alber- ta et la Colombie-Britan- nique, par exemple, de- meurent majoritairement an- glophones, l’anglais y étant la langue d’usage, alors méme que des droits lin- guistiques fondamentaux seraient reconnus a leurs petites minorités d’expres- sion frangaise. De méme, on peut pré- voir que le Québec reste- ra majoritairement fran- cophone, le frangais y é- tant la langue d’usage, mé- me si sa minorité d’ex- pression anglaise conserve ses droits linguistiques fon- damentaux. Egalité de statut signifie que la réalité du Canada, ses symboles nationaux et ses institutions communes refléteront la culture et histoire de la communau- té de langue frangaise aussi bien que la culture et I’his- toire de la communauté = de langue anglaise et se- ront percus comme tels. C'est ce visage que le pays veut se donner. Ce grand projet ne se réali- sera pas a I’aide d’une régle a calcul, ni par un amalgame de Canadiens francophones et anglopho- nes en une masse linguis- tique indifférenciée. En- fin, cette égalité de sta- tut nme sera pas garantie par la mise en oeuvre de systémes, bien qu’il faille soupeser minutieusement les avantages et les diffi- cultés qui naitront de cette dualité. Egalité officielle du sta- tut du frangais et de I’an- glais, cela ne veut pas dire que ces deux langues s‘aioutent a bien d’autres au Canada; en fait, elles y jouent un rdle bien Le frangais et l'anglais sont. les langues de la plupart des Canadiens: 26 0/0 de fa population parle le fran- cais, et 67 0/0 I’anglais. Dix-huit pour cent des Canadiens, soit plus que tous les habitants de 1‘Al- berta, du Manitoba et de la Saskatchewan °réunis, parlent uniquement fran- cais. Treize pour cent parlent 4 la fois le fran- vra devenir bilingue. || est cais et l’anglais. souhaitable bien entendu, comme nous le verrons au chapitre 5 iconsacré au cin- quiéme principe, que bon nombre de Canadiens ap- Ces chiffres n’ont pas la méme résonance a |’ouest qu’a Il’est, car c’est a ‘est que sont regroupés la plupart des francopho- Quelles que soient tiques principaux auxquels Mais |’égelité de statut ne les raisons historiques qui appartiennent presque tous signifie pas que le fran- les Canadiens, indépendam cais sera imposé comme ment de leur origine ethni- langue d’usage a Corner que ou de leur langue ma- Brook ou Annapolis, Bran- ternelle. Le nombre de Ca- don, Grande Prairie ou les expliquent, et certaines ont été évoquées plus haut, ces chiffres sont é- (4 suivre en page 8) he en econ