Le Moustique!... Pacifique Volume6 - Les Russes du brejnévisme ne soulévent plus les foules, et ne donnent plus I'illusion de I'épanouissement. La fuite en Occident est devenue la régle pour les représentants de l'Est : aprés Ashkenazy, Berman, Markov, c'est au tour de Hirshhorn, Kremer, Nodel, puis de Novitskaja, Leonskaja, Afanassiev, Faerman, Egorov... de fuir la patrie sous les yeux effarés d'Oistrakh et de Guilels. Certains s'en sortent bien, d'autres pas. Et l'‘ordre du jour n'est plus toujours a un match international, mais bien parfois au sauvetage d'artistes en détresse, au bord de I'asphyxie derriére un rideau de fer. L'URSS en déroute, empétrée dans une politique sans issue, se replie sur elle-méme et proclame un boycott du concours. Il n'y aura plus de candidats officiels soviétiques de 1978 a 1987. Cette période ne sera pas sans incertitudes et sans regrets pour le concours, qui ne ménagera pas ses efforts pour faire revenir les autorités soviétiques sur leur décision : les Russes manquent. Mais ils reviendront. 1989 et Vadim Repin marqueront le grand retour de I'ogre soviétique... Mais si le violoniste est remarquable et parait bien éloigné des préoccupations politiques, l'ogre, lui, est malade. Et le débat russo-américain semble se clore a jamais, un peu plus tard, a Berlin. Violon, piano, chant Né pour et par le violon, le concours Ysaye légue au Concours Reine Elisabeth sa tradition. Inaugurée par le violon en 1951, I'épreuve fétera en 1976 son 25e anniversaire (qui est aussi le centenaire de la naissance de la reine Elisabeth) en bousculant I'ordre habituel des sessions a son profit. Et le 50e anniversaire, en 2001, se féte aussi au son des chanterelles. Pourtant, le piano, dés 1952, devient l'autre fer de lance du concours, et peut-étre méme - quoique les nuances soient infimes - le plus populaire. En revanche, les tentatives de populariser un concours de composition, on le verra, ne rencontreront pas le succes. Mais le succés national et international majeur du Concours Reine Elisabeth de violon et de piano suscite bien vite des interrogations : pourquoi ne pas élargir le concept, créer de nouvelles catégories, notamment au profit du violoncelle ? Ce sera le regain de l'art lyrique en Belgique, d'une ampleur inespérée (qu'expliquent en grande partie les succés du Théatre Royal de la Monnaie dans les années quatre-vingts sous la direction Mortier), qui apportera la réponse a ces interrogations. Sous I'impulsion de personnalités comme Gerard Mortier, José Van Dam ou Jules Bastin, et avec la trés active complicité du Président du 10e édition ISSN 1704 - 9970 Octobre 2003 Concours, le comte Jean-Pierre de Launoit, particuliérement féru d'art lyrique, un concours de chant est mis sur pied a titre expérimental en 1988. L'accueil public et critique étant globalement enthousiaste, I'épreuve sera reconduite. Son succés - et son niveau - ne cesseront dés lors de s'élever. Reprenant la tradition d'exigence du réglement, dont I'application n'est pas sans susciter des discussions passionnées - existe-t-il des chanteurs capables d'exceller a la fois dans un lied de Wolf, un imposé atonal, une scéne de bravoure de Donizetti et une aria de Haendel ? - , le concours de chant trouvera ses marques, et son éclosion parmi les grands concours réservés a cette discipline ne fait aujourd'hui plus aucun doute. Imposés et concours de composition Le concours Reine Elisabeth met un point d'honneur, dés sa fondation, a vouloir s'insérer dans le monde musical contemporain, et le concerto inédit imposé en finale y contribue puissamment. Mais dans l'atmosphére d'optimisme retrouvé dans I'aprés-guerre, cela n'apparait pas suffisant. Alors que la Fondation Musicale Reine Elisabeth, avant la guerre, avait concgu un élargissement du Concours Ysaye a la direction d'orchestre - épreuve mort-née pour cause de guerre imminente, - la nouvelle direction du concours, dés 1950, envisage un grand concours de composition. Les espoirs sont grands, en 1953, pour la premiére édition. Un jury prestigieux (Nadia Boulanger, Malipiero, Frank Martin, Martinu, Panufnik, Absil, Poot...), une exécution des partitions par un excellent orchestre, le soutien inconditionnel de la Reine Elisabeth... rien n'y fera : le concours ne trouvera pas son public. De modifications en modifications, les éditions suivantes (1957, 1961, 1965 et 1969) refléteront la difficulté insurmontable d'organiser un concours public de composition. D'ultimes remaniements, puis une extinction compléte aboutiront cependant, en 1991, a une formule sans doute éloignée de l'idée originelle mais incontestablement plus adaptée aux réalités : le Concours de Composition est désormais biennal, et destiné a primer le concerto imposé aux sessions de violon et de piano. Ouvert aux candidats du monde entier, il remporte dans cette formule un succés trés honorable, et une excellente diffusion internationale est garantie a l'auteur de I'ceuvre primée. Suite dans le prochain numéro. 21