. i RSC LENS Se Se oe Courrier de 2éme classe Second class mail N° 0046 VOL 17 No 44 VENDREDI 15 MARS 1985 Le seul journal de langue francaise de la Colombie britannique 30 cents Théatre Le bar des confidences Par Francois Bourboulon La Troupe de la Seiziéme a présenté le 7 mars la premiére de sa nouvelle Horse”, qui sera jouée jusqu’au 17 mars. Quelques heures dans la grande . “Le Sea le d’un bar de marins pour voir s’affronter, se déchirer et vale deux personnages hors du commun. _Lorsque les spectateurs pénétrent dans la salle du Firehall, ils ont un premier mouvement de surprise. Tandis que les gens s’installent, en effet, la scéne est déja baignée d’une lumiére douce, bercée d’accords de guitare. Au premier plan, deux hommes sont accoudés 4 une table de fortune en bois, ‘assis sur des caisses. Entre eux, une belle collection de bouteilles vides montre que la soirée touche a sa fin. Sur la gauche de la scéne, un guitariste joue une mélodie discréte. Le tout dégage une mélanco- lie contagieuse. Le décor est rude et sec, quelques meubles, quelques bouteilles, un tas de caisses de biére, des filets de péche accrochés ‘au mur , deux ou trois enseignes lumineuses. “Le Sea Horse, bar marin”, indique l'une d’elles. : Ce n’est qu’au bout de quelques instants que l'on apercoit dans le fond, derriére le comptoir, » une femme pensive et silencieuse. ~ Lorsque finalement tous les spectateurs sont installés, la scéne s'anime. Les marins se lévent et quittent le bar a regret. Le musicien range sa guitare dans un étui et s’en va sans un mot, seulement quelques regards jetés derriére lui. La femme, restée seule, se déplace alors lentement et accomplit avec lassitude des gestes Musiq ue Par Roger Dufrane Sorti tout joyeux de la téte de Maitre Francois Rabelais, le bon .géant Pantagruel a rencontré aux portes de Paris l’écolier Limousin. Celui-ci parlait un jargon tout hérissé de consonnes. Rabelais le met en scéne pour ridiculiser le parler pédant des docteurs a bonnets carrés. Or, les cing musiciens - chanteurs de ce soir-la, trou- badours des temps modernes, ne sexptimaient ni en jargon ni ¢€N_baragouin, mais chantaient dans la belle langue occitane, en fait en~ dialecte limousin. I] descend en droite ligne des parlers de langue d’oc, qui, au Moyen Age, surpassaient en_har- monie, ceux de langue d’oil, répandus dans le Nord de la France. Le Limousin n’est pas affligé de lE muet qui en francais nuit 4 la chanson. Jaime les dialectes. Ce sont des langues évincées par la dictature du pouvoir central, et qui fleurissent encore ici et 1a, fleurant bon le terroir. Cela se passait le samedi soir 9 mars, dans la salle de l’Eglise Saint-Sacrement, ou se produisaient cing jeunes © chanteurs limousins, le grou- pe folklorique “Lo Jai” excel- lent en tout point. Guy Bertrand joue du fifre, Thierry Boisvert, de la cha- brette ou cornemuse, Pierre Imbert, de la vielle a roue, Eric Pontbel, de la chabrette, et Christian Oller, du violon et de l’accordéon. Si on ajoute que les sons de tambourin et de tambour viennent se join- So Guy Bertrand et Eric Pontbel mécaniques mille fois répétés. Rapidement pourtant, un nouveau personnage fait irruption dans le bar. Bruyant, agité, il semble ramener la vie dans cet espace figé. Entre la femme et l’homme va s’établir un dialogue parfois tendre, souvent violent, tou- jours intense. Elle, c'est Gertrude, la patronne du Sea Horse, dont on va peu a peu percer les mystéres, les secrets et les retenues. Lui, c’est Harry, le marin de retour de voyage. Harry aime Gertrude. Sa téte est pleine de projets: mariage, vie commune, maison, enfants. Des, projets dont il s’ouvrira lentement, qu’il tentera de faire accepter et partager par Gertrude. Des projets que Gertrude repoussera longtemps, qu'elle qualifie avec mépris de “niaiseries sentimentales’’. : L’histoire de “Sea Horse” est celle de personnages qui se rapprochent et s’éloignent, mais que tout pousse inexorablement l'un vers l'autre. Il faudra pourtant a Harry des trésors de patience et d’acharnement pour amener Gertrude a ses idées. I] l’aura obligée a se débariasseren partie de ses blocages et de ses complexes, avant qu'elle n’accepte de reconnai- tre son amour. + Suite page 2 Gabriel Gauthier et Héléne Deggan. dre aux chants des compa- gnons, vous pouvez imaginer le spectacle. Les thémes populaires: fétes du printemps, mariages, tira- ge au sort des anciens cons- crits, défilaient dans une his- toire de train passant par un village et allant vers Limoges, en l’an de grace 1905. On parle aussi de fétes villa- geoises, fanfares et drapeaux, friandises, et petits enfants faisant du porte a porte. Une ancienne légende se léve, celle des jeunes hommes changés en Si par des piqures d’a- eille et qui fait peur aux enfants, une peur salutaire, comme la peur inspirée, par le Conte du _ petit chaperon rouge. Tout cela passe au fil des chansons, tantét gaies, tantét plaintives, vibrant de la voix chaude du ler chanteur com- me teintée de soleil. On voudrait décerner 4 chaque exécutant le beau titre men- tionné par George Sand dans un roman champétre: celui de Maitre Sonneur. Avec eux, on fepense aux jongleurs du Moyen Age qui pélerinaient d'un chateau a l'autre, d’une ’ féte foraine a l’autre. En ces temps lointains, on appri- voisait les ours, et on les faisit danser, aux sons du fifre et du tambourin. Ici, les trouba- dours des temps modernes se sont contentés de montrer des danses de folklore, et ils ont contenté une assistance cha- leureuse, vibrante de plaisir devant leur talent et leur maitrise. Victoria -Le retour de la Chaise rouge Par Michelle Landry Aprés un an d’arrét, df a un certain dintérét de la de la population francophone de V: la Chaise uge nous revient avec plus de vigueur et de soirées promettantes. Une cinquantaine de per- sonnes se sont regroupées, vendredi dernier, dans le petit local de la Société Franco- phone, situé au 670 Herald. Il y régnait un air de féte et on se serait cru dans un des café- bistros de la rue St-Denis a4 - Montréal. Parmi eux on pou- vait y retrouver Angélire Lamarche-Miller, professeur de francais, a l’emploi de la Défense Nationale, et sa di- zaine d’étudiants pour qui c’était 14 une merveilleuse Occasion de se méler a des francophones. Chose cu- rieuse, bien que l'association compte 200 membres a Victoria, on y retrouvait seu- lement 23 d’entre-eux, le reste de l’assistance se composant de non-membres. Soit dit en assant, il y aura élection ae alors si votre manque de participation et d’intérét est da a certains mécontente- ments vis-a-vis ce que l’asso- ciation a a vous offrir, vous pouvez élire un nouveau comi- té et faire valoir vos besoins et vos idées. Charlotte Duval était l’ar- tiste invitée pour la réouver- ture de la Chaise Rouge, et on ne pouvait mieux tomber; elle posséde une soif de vivre, de rire et d’aimer qui se commu- nique aux gens qui l’en- tourent. S’accompagnant de sa gui- tare, elle débute le spectacle avec une chanson d’Hugues Aufray. “Mon Héléne.” “C'est ma chanson fétiche, je com- mence toujours avec celle-la”. C'est facile de se laisser bercer par sa voix juste et chaude. Elle nous interpréte des tounes de _ Gilles Vigneault, Georges d'Or, Edith Piaf, Jean Lapointe, etc..., entrecoupées de ses propres compositions - elle en a une douzaine a son crédit - tantét dréles:_ “Quand je suis dans tes bras, j’me sens ben loin de |’Alaska”, chanson qu'elle dédie 4 son chum, tantét nostalgiques: “Qu’est ce que j‘fais loin de ma mére, loin de mes fréres”, “Je regar- de passer les saisons derriére mes lunettes de soleil, dans mon monde d’illusion, toutes les couleurs sont parreilles.” Charlotte a fait bien du chemin: seule fille d’une fa- mille qui compte 5 enfants, elle quitte son village natal, St-Ours-sur-Richelieu, pour aller travailler comme ache- teuse pour une commission scolaire de Sorel; puis elle va se balader en Europe et aux Etats-Unis ot on la retrouve gagnant sa vie comme secré- taire en Floride. Venue re- trouver un ami québécois, elle est 4 Vancouver depuis deux ans 14, remplissant le réle de serveuse a |’Hétel Vancouver, ce qui lui permet de payer ses Suite page 2 ~via