Le Moustique ! ... Pacifique Volume 7 - 5¢ Edition ISSN 1704-9970 Mai 2004 UN CERTAIN 14 JUILLET (Histoire vraie) Suite.... Avant propos -- Ce "14 Juillet" ne m'a demandé aucun effort diimagination. C'est simplement le souvenir d'un événement survenu dans mon village au lendemain de la période d'occupation. Tout y est vrai: Chassagne, Mimi, Charles et les autres. Seuls les noms ont 6té changés. Certains trouveront a cette histoire un certain cynisme mais, a la campagne, a cette époque, la mort d'un étranger a la communauté villageoise, tel qu’était la victime, n’était pas autrement pergue. Je tiens également a signaler que la Gendarmerie Nationale Frangaise a fait depuis ce temps-la des progrés quant a son recrutement et a son efficacité. Mais Mimi ne I'avait jamais vu, ce magot. Rien dans les tiroirs, rien sous les piles de draps, aucune boite ou valise suspecte. D'aprés ce qu’elle en disait — car les voisins, curieux, posaient des questions - Chassagne avait peur qu'elle gaspille l'argent. Et il n'avait aucune confiance dans les banques car tous les banquiers étaient des voleurs, c'était bien connu. II disait qu’il gardait tous ses gains sur lui, dans ses multiples poches, et surtout dans une large ceinture de flanelle qui lui barrait l'estomac. On le plaisantait sur sa panse proéminente : Alors, Chassagne! Quand vas-tu te faire maigrir? Un jour on va te la voler ta sous- ventriére ! Chassagne écoutait, hochait la téte d'un air entendu : - Comme ¢a, j’suis tranquille! Si quelqu'un veut mes sous, faudra d'abord qu'il m'attaque! I! verra a qui il a affaire ! ll sétait marié pour avoir une cuisiniére, une femme qui lui laverait ses chemises et ses chaussettes, et qui lui économiserait les dépenses quiil faisait auparavant au bordel: il avait ce qu'il voulait. Mimi n’était pas une beauté mais elle avait de grosses fesses et il aimait bien ¢a. Et en plus il 6 éprouvait, grace a ses petits trafics, le plaisir de sentir ses poches et sa ceinture s'alourdir de semaine en semaine. Lui qui avait connu la misére possédait maintenant un capital rondelet qui lui paraissait une fortune. Il en était fier. Chassagne était un homme heureux. L'idée que la maniére dont il gagnait argent n'était peut-étre pas trés honnéte ne tourmentait pas son cerveau un peu fruste. Le marché noir, tout le monde en faisait, non? II aurait été bien béte de ne pas en profiter lui aussi! Nous le prenions pour un fanfaron. Un naif fanfaron. Personne n'aurait eu I'idée de le croire en danger. Le 14 juillet, il fit une chaleur accablante. Dés les premiéres heures de la matinée, on sentit que ce serait une journée exceptionnelle et que le mercure du thermométre atteindrait un niveau qu'on n'avait pas vu depuis longtemps. Vers onze heures le soleil devint si brilant que le garde champétre, muni d'un chapeau de paille a larges bords, passa dans les rues avec son tambour pour annoncer que les festivités en plein air a l'occasion de la Féte Nationale, prévues a quatre heures de l’aprés-midi, se dérouleraient seulement a partir de six heures.