DES DEBUTS QUI SUSCITERENT L’ENTHOUSIASME —Lucien Mentaley Bouchard Deux avis en marge La version finale du rapport du Forum a fait l’objet d’un accord unanime des commissaires, bien que deux d’entre eux aient formule des commentaires a part qui sont joints au document principal. Monsieur Richard Cashin a mis trois aspects en exergue : ¢ Le caractére limitatif du processus de consultation, dont les résultats ne seraient pas représentatifs du point de vue de tous les Canadiens, mais uniquement de ceux qui par- ticipaient au Forum. « L’insistance qu’il a percue sur les «concepts de démocratie directe de style américain... qui cadrent mal avec notre systeme parlementaire). « Le risque de perdre de vue «Wenjeu principal—celui de lunite canadienne»—dans le bouillon- nement des questions soulevees par les participants, ainsi que le permt- tait l’ampleur du mandat du Forum. Pour sa part, Monsieur Robert Normand estime que le processus de consultation peche par sa superficialité, surtout au sujet de la place du Québec dans un Canada renouvelé, et il juge «particuliere- ment timides» les propositions for- mulées a cet égard. Il regrette que le rapport du Forum n’accorde que peu d’attention aux communautes francophones hors Quebec et juge que les dépenses du Forum ont été «beaucoup trop élevées en regard de la qualité du produit final». POU UURUPETELE TEP eee Les commissaires du Keith Spicer, président, ancien président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadi- ennes (CRTC). Richard Cashin, président, Syndicat des pécheurs et des travailleurs de l’alimentation et travailleurs assim- ilés (Terre-Neuve). Carole Corcoran, avocate et ancienne administratrice de la bande indienne de Fort Nelson (Colombie- Britannique). Felix (Fil) Fraser, commissaire en chef de la commis- sion des droits de la personne de |’ Alberta. Forum des citoyens. Thomas Kierans, président de |’Institut C.D. Howe. James Matkin, président-directeur général du Business Council of British Columbia. Robert Normand, président et éditeur du quotidien Le Soleil de Québec. Raymond Sirois, président du conseil et président- directeur général de la Société Québec-Téléphone. Roger Tassé, vice-président exécutif, Affaires juridiques et environnementales chez Bell Canada. Susan Van De Velde, agricultrice et militante dans Paction communautaire (Manitoba). Elsie Wayne, maire de Saint-Jean (Nouveau- Brunswick). Helena Zukowski, scénariste et auteure (Colombie- Britannique). Pour acheter d’autres versions de ce rapport (texte complet imprimé ou sur bande, résumé audio ou vidéo.ou rapport du Forum des éléves), appeler le 1-800-561-6069. -__ deyraient. protéger les ¢lements vitaux que sont lair et l’eau; les ressources renouvelables comme les foréts; les sites historiques; et les especes menaceées. Un dernier mot sur le Forum lui-méme. Le gouvernement a dt le constituer en catastrophe, et lui a imposé une structure peu maniable. La tache du Forum n’en a pas été facilitée et il en a éprouvée d’autant plus de mal a prendre ses distances par rapport au: gouvernement. L’automne dernier, la situation exigeait peut-étre que le gouverne- ment lui mette le pied a l’étrier. Toutefois, idéalement, tout nouveau forum des citoyens devrait étre . créé, géré et finance par les citoyens eux-mémes. = Une impression personnelle, enfin, que je crois partagée par la plupart de mes collegues, sinon tous. 3 Ayant sillonné le pays dans tous les sens, arpenté l’asphalte des grandes villes et la terre des cam- pagnes les plus reculées, rencontré des gens de toutes origines et condi- tions, j’ai pergu chez les Canadiens une grande communauté de valeurs et d’idéaux. Tous, nous avons suffisamment en commun pour _ nous lier beaucoup plus fortement qu’aujourd’ hui. - Quels sont ces valeurs et idéaux? La liberté et la dignité dans la _ diversité, sans exclusive d’aucune culture ou race; une démocratie ~ sourcilleuse; la solidarité sociale; _ une sociéte ordonnée ou l’on peut vivre en sécurité; un environnement propre; la notion, tacitement admise, de «Nord»; un réle de pilier de la paix, plus indépendant, dans un monde toujours plus interdépen- dant; le droit d’aimer ce pays un peu, beaucoup, passionément... ou pas du tout. Ou comme le disait Yvon Deschamps dans un tout autre contexte: «N’importe ou, n’importe quand, n’importe comment, n’importe combien). Le Canada est en proie a des crises jumelles, l’une structurelle, autre, plus profonde et plus deéli- cate, spirituelle. La malédiction de notre systéme poli- ° tique aura été de privilégier la struc- ture encore et tou- plongés dans une crise spirituelle telle qu’il nous faut trouver, tres vite, des structures nouvelles avec Pespoir qu’elles dureront tres longtemps. De l’écoute de milliers de Canadiens, dont certains se sen- taient tellement alienés qu’ils récu- saient le nom méme de Canadien, j’ai tiré quelques conclusions: ¢ Les citoyens réclament qu’on les écoute d’abord, puis que les gou- vernements gouvernent avec vision et courage, au lieu de le faire a coup de sondages d’opinion et de se livrer a des jeux partisans steriles; + Pour peu que nos dirigeants fassent preuve de bon sens, d’imagi- a t 3 Se ene ee «all y a place pour tout le nation, de générosité et de beaucoup de courage, ils sauront donner forme pratique et equitable aux espoirs d’avenir de la plupart des Canadiens, quelles que soient les structures requises pour cela; + Nous tous—citoyens comme politiciens—devons faire notre part en prenant personnellement la responsabilité et initiative de pour- suivre le dialogue entre tous les Canadiens; * Nous tous devons profiter de ce dia- logue pour écouter, apprendre et, au besoin, faire ce qu’il y a de plus jours—et lon monde dans difficile au monde: ~s’étonne ensuite - changer d’avis. que nul n’ait vu ce canot Ce pays se meurt autre chose dans le oa d’ignorance et de Canada que des mythique qu’est notre refus obstiné f -O=rimeu, di e.s d’apprendre. Avec d’amendement. leur _ suffisance Nous sommes le Canada» paresseuse et aujourd’hui cynique, nos responsables n’ont que trop longtemps ridiculisé, avec les qualificatifs de «simplistes» et «naives», les solutions pratiques évi- dentes 4 ces problemes: des possi- bilités de voyages et d’echanges largement ouvertes, par exemple, et un meilleur enseignement d’un minimum d’histoire commune. Seule une remise en cause courageuse dans une perspective mondiale, une nouvelle facon de penser a coeur et esprit ouverts, peuvent transmuer la crise actuelle en promesse d’avenir: Sachant com- bien les hommes répugnent a changer, connaissant le conser- "Le Soleil dé Colombie | vatisme traditionnel des Canadiens ‘et les stéréotypes néfastes qui passent aujourd’hui pour la vérité, cette remise en cause ne sera pas chose facile, loin de la. Mais ce pays en vaut la peine. Le monde entier le dit et la plupart des Canadiens le pensent. J’arrive a la fin de notre part dans cette tache—qui n’est que le commencement d’un commence- ment—nettement plus optimiste. Les centaines de milliers de citoyens qui ont investi dans le Forum leur temps et leur énergie, leurs idées et leur créativité, se sont avérés moins moroses, cyniques et fermés que nous le craignions. Leurs positions n’étaient pas aussi polarisées, leurs lignes de bataille n’étaient pas des tranchées. ; Il reste beaucoup 4 faire et maintes difficultés 4 surmonter. Nous pensons que notre travail esquisse a tout le moins des orienta- tions que la plupart des Canadiens veulent voir notre pays emprunter. Aprés tout, il y a place pour tout le monde dans ce canot mythique qu’est le Canada, pourvu que nous sachions rouyrir nos esprits et respecter la dignité des autres a travers leur différence. ie Je reste sceptique sur beaucoup de choses, mais pas sur le Canada. Je crois a ce que les gens nous ont dit: nous pouvons tous survivre ensemble, ici, dans cette contrée inimaginable. Notre génie pour le compromis, qui a depuis longtemps fait ses preuves, peut et doit nous permettre—et nous permettra sans aucun doute—de nous adapter a des relations nouvelles entre nous, EE, cs ccc ac cccccccceccctnenccccesedenssevepcccvecescesocseepensquepeseeroccussccseeupscsecusevenasencsmuanvcenc eee es aneoe Pert Pepernsete een nnsn ne =< SPU lUT seen we eer ee méme d’une nouveauté étonnante. Cette idée d’un Canada qui inspirerait J’humanité est magnifique. Elle mérite qu’on la défende avec beaucoup plus de flamme et de passion que n’en témoignent la majorite d’entre nous, méme nos chefs politiques. Quelle somme d’énergie, d’imag- ination, d’honnéteté et .d’amour gaspillons-nous, oublieux de ce que le Canada représente pour le monde. De quelles réalisations ne serions-nous pas capables, pour nous-mémes, nos enfants, le monde entier, si nous savions saisir l’occa- sion de la crise morale dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui pour.amorcer une renaissance spi- rituelle. Si nous décidons de saisir cet idéal, nos. compromis mal ficelés pourront décevoir certains qui aimeraient, souvent pour d’excel- lentes et saines raisons, brandir dra- peaux et oriflammes. Nous nous devons d’abord de rester fidéles a qui nous sommes réellement. Et aussi a tout ce que nous avons en commun: nos coeurs battent davan- tage 4 P'unisson que nos oreilles n’osent |’entendre. : Le poéte Patrick Anderson a dit que le Canada est «le vent qui cherche un drapeau». Peut-éetre, un jour, si nous dominons nos peurs et apprenons a nous connaitre comme de simples étres humains, quelque brise du Nord trouvera notre dra- peau—tous nos drapeaux—et nous rappellera cette élémentaire verite : un pays commence et finit par son peuple. Vendredi 5 juillet 1991