| | . ir a “] par Roger Dufrene LA PORTE DES SONGES Le jardin s’égoutte. Les chemins spongieux pois- sent de feuilles mortes. Les montagnes de plus en plus s’embrument. Il faut s’en faire une raison, l’hiver ap- proche. Finis les petits vo- yages A Victoria, les pique- niques avec les Francopho- nes, les camps entre co- pains. Pour ma part, quoi- tre ni la Méditerranée, ni le Golfe du Mexique, encore ne puis-je me plaindre. Je me rappelle avec plaisir le sou- per des Francophones pour le Quatorze Juillet dans une marine de West Vancouver. On se régajait et on dan- sait et on voyait les bateaux de plaisance:parader devant les fenétres. Et Victoria 1* insulaire, ses chateaux, ses flaneurs, et ses corbeilles fleurissant les lampadaires ! Et les séjours aux bords des lacs ! Tout cela danse en flammes vives dans ma mé- moire. Qu’allons-nous faire aux mauvais jours? moyen des romans. Il y a un art de lire qui permet de vo- yager par 1l’imagination. Cela consiste 4 se pénétrer de la substance des oeuvres : peintures des sites et des ames, intrigues nouées et dénouées. Je viens de dévo- rer un beau roman d’Henri de Régnier, 1’Amphisbéne. Il s’agit d’un jeune homme qui s’éprend d’une séduisan- te Franco-Américaine. II participe, avec elle et quel- ques amis, 4 une croisiére en Méditerranée. Il aime la jeune femme qui, orgueil- leuse, le tourmente, genti- ment. Enfin elle se donne 4 lui aprés avoir compris que le jeu poussé trop loin va: Vattacher 4 une autre. J’ai beaucoup aimé ce livre. A travers ses épisodes, j’aivi- ue je n’aie pu me permet-~ que } Nous nous consolerons au sité Naples, Pompéi, Sor- rente, Palerme, Tunis et Alger, en compagnie d’une personne infiniment désira- ble. Tout cela est fort bien. Mais il existe des esprits positifs, qui ne prisent du monde que le tangible. A ceux-l4 je rappellerai que Vancouver ne manque pas de lieux de rencontre, clubs privés, théatres, restau- rants, qu’on y trouve vingt univers superposés. dont il convient de déceler le meil-. leur, c’est-a-dire le mieux en harmonie avec notre idéal. Pour nous de langue francaise, j’invoquerai les bals du Groupe Francophone, les sorties gastronomiques des Copains, les films et conférences de _ 1l’Alliance Francaise. ’La saison de _ 1?*Alliance Francaise de Vancouver, 1?- hiver dernier, nous a com- blés. Nous ont régalés, en- tre autres, de leurs propos: Monsieur Claude Bouygues (La Croisade des Albigeois), Madame Vinay (Sur Madame de Lamartine), Monsieur -cois), = Gareth Prytherch (La Bre- tagne et le Pays de Galles), Monsieur et Madame Roussel (Les Olympiades), Madame de La Tour Fondue (Les Lettres et la Musi- que), Monsieur Frédéric Grover (Le roman Québe- Madame Marguerite Saint-Jacques (La langue verte). N’étaient-ce pas 1a autant de voyages dans un fauteuil, pilotés par des gui- des sfrs et diserts, et avec qui on pouvait prolonger 1’ aventure a I’heure du café? Pour ce qui est des voya- ges dans un fauteuil, il faut ajouter que nous en faisons soir et matin toute l’année, grace 4 Radio-Canada. No- tre station locale de langue Yrangaise me rappelle de bons: souvenirs. Cadeau de Noel 1967 : un poste de ra- dio d’ot sortait par magie : **la_ voix francaise sur la cote du Pacifique !’’. Dé- .cembre 1968 : premier an- niversaire. La Radio -ouvre © ses portes au public. On va regarder si Monsieur André Vigeant ressemble 41’image qu’on se formait de lui ; et * geau enregistrer la voix des voir Monsieur’ Michel Mon- enfants, qui ressortent envi- | ronnés de ballonnets. Les équipes de la Radio changent avec les années. Celle d’au- jourd’hui maintient haut le pavillon de la jeunesse et de la francophonie. Il existe encore 4 Vancou- ver une autre agence de vo- yages imaginaires. Je veux parler de la seule librairie frangaise de la ville, Le Bouquineur, rue Davie. Mon- sieur et Madame Ismert y renseignent avec pertinence les amateurs de la France, du Québec, et autres lieux. Un petit paradis, fort sym- pathique, décoré avec goit, de livres et de gravures. Et voila qui nous raméne 4 nos compagnons brochés ou re- liés des soirs d’hiver. Bien sar, ils ne remplacent pas le contact direct. Mais ils nous enseignent &4 godter plus in- tensément les offres de la vie. L’été reviendra. Nous re- partirons, sac au dos, par les chemins du monde. Or, une course en forét s’em- bellit quand on s’imagine] ~ un Grand Meaulnes 4 la re- cherche du Chateau Perdu,#. un campement 4 la belle étoile se pimente quand on s’y retrace l’épopée des cou- reurs des bois ; et un vo- yage au Mexique se transfi- gure quand on s’y prend pour un Conquistador -amou- reux d’une senorita penchée & ‘son balcon, et qui nous jette une rose, avant de dé- rouler 1’échelle de soie par} ot nous monterons la re- joindre. Le Ballet Théatre Contem- porain qui présentait deux BALLET THEATRE par L.Kardos - Theatre, fut créé par André Malraux en 1968, alors qu’il était Ministre des Affaires Culturelles. : C’est une création originale dont un des buts était de décentraliser Jl’activité' culturelle en France, qui - jusqu’alors n’existait pra- tiquement qu’A Paris. Ce groupe ne fut pas créé pour donner des représentations de danse classique ou mo- derne, mais pour chercher de nouvelles formes d’ex- pression et de communica- tion entre artistes et public. Le groupe débuta au Centre Culturel d’Amiens. Les re- présentations étaient suivies de discussions, d’explica- tions, de conférences et de films. . En 1972, le Ministére des Affaires Culturelles trans-' féra le Ballet Théatre Contemporain 4 Angers, ou, avec le Théatre Municipal de cette: ville, ils formérent Lyrique National. Sous la direction de Jean- Albert Cartier, le groupe “est engagé dans la création la pantomime. Le program- me qu’ils ont présenté ven- séances au Queen Elizabeth le Centre Chorégraphique et. d’oeuvres nouvelles, combi- — nant la chorégraphie avec. l’art visuel, la musique et succés. Le spectacle com- mengait dans le foyer. Le public était différent du pu- blic habituel du Queen Eli- zabeth Theatre. Beaucoup de jeunes 4 cheveux longs, cos- tumés d’une fagon, qui - -le moins qu’on puisse en dire - était spectaculaire. L’atmosphére était agréa- ble, jeune et en voyant ces jeunes. aux yeux brillants, j’étais sQr que le balletrem- porterait un grandsuccés. En effet, la présentation fut excellente. J’ai particu- liérement aimé le Requiem, musique de Gyorgy Ligeti, chorégraphie de Francoise Adret, décor de Francisco Sobrino. La musique et l’atmosphére grégoriennes permettaient aux danseurs d’exprimer une certaine ferveur religieuse: impressionnante. Par la suite, cette ferveur dégén- | (Suite en page 13) - XI, LE SOLEIL,:27 OCTOBRE 1972 dredi dernier fut un grand