“i oecragemnnsnn moran 3 mene + : 13 i ; j { par Ben WEIDER CHAPITRE XII (Suite) LA RETRAITE, LA DER NIERE RENCONTRE ET LA MORT D’UN GEANT Il donna des ordres a ses aides et ceux-ci s'affairérent. On les vit apporter deux robustes chevalets sur les- quels on installa une plate- forme. Pendant cette mise en place, Louis s’était écarté et s’était assis sur un banc placé contre un mur. II était rejeté en arriére, la téte un peu renversée, les yeux fermés. Son souffle revenait peu a peu. On sentait qu'il récupérait. Voyant les préparatifs, le jeune Décarie ne put cacher sa déception. Celle-ci s’a- grémenta d’effroi lorsqu’il vit les commis charger la plate-forme 4 deux mille livres, puis 4 deux mille cing, et finalement a deux mille huit cent soixante-dix neuf livres. ; Lorsque les préparatifs furent terminés, on vit le gigantesque Louis se dres- ser. Son oeil brillait d’un éclat qu'on ne lui avait plus vu depuis longtemps. C’est en grand athléte qu'il s’ap- procha de la plate-forme, se glissa dessous, prit position d'un geste qui dénotait l’as- surance et l’habitude; et presque immédiatement, il souleva l’énorme masse, sous les applaudissements de la foule. Par défi, par bravade, au lieu de laisser retomber la plate-forme une fois le lever constaté, Louis Cyr, dans un dernier geste de champion, la garda ainsi sur ses épaules pendant plus d’une minute. Décarie savail qu'il ne réussirait jamais a égaler cette performance. Mais il Vessaya pourtant. Aprés quelques efforts il renonca au mouvement et le point fut acquis pour Louis. On se trouvait dans une situation embarrassante. Le champion n’avait pas été battu, mais ne pouvait pas non plus prétendre vraiment a la victoire. En totalisant les poids soulevés, Louis était le vainqueur. Dans un sens, son honneur était sauf. La couronne lui restait. ' “Mais cet homme étonnant, qui en dépit de la maladie avait trouvé en lui des forces énormes, eut un dernier geste qui devait le placer a tout jamais au-dessus de tous les hommes forts qui ont existé. Alors que la salle applaudissait. et hurlait son enthousiasme devant la ma- gnifique rencontre a laquelle elle venait d’assister, le gros Louis leva les bras et récla- ma le silence: - J'ai décidé de me retirer ~ pour toujours. Je légue ma couronne d’homme le plus fort du monde a Hector Décarie. Et avec ce sens théatral quine le quitta jamais, il s’empara du bras du jeune athléte qui se tenait prés de lui, et le leva en signe de victoire. L’assistance applaudit peut-étre encore plus ces paroles qu'elle ne l’avait fait tout 4 l’heure pour les ex- ploits du Samson canadien. En tout cas, ce devait étre la derniére lutte de Louis Cyr. Jamais plus il ne livra un match. Collin, homme fort Il avait vendu depuis long- temps sa taverne du Carré Chaboillez, ot sa popularité attirait pourtant une clienté- le énorme, et s’était retiré ~ dans sa ferme, aux environs de Montréal. Il vivait entou- ré des soins de toute sa famille; sa fille unique qui, un moment, avait participé a la Tournée Louis Cyr, avait épousé le docteur Zénon Aumont, un proche parent du grand Wilfrid Laurier, et avait eu un fils. Louis Cyr avait pour le petit Gérald autant d’affection que son grand-pére avait eu pour lui. Il s’en occupa beaucoup et n’eut pas de plus grande joie que de passer des heures a se balancer dans son énorme chaise bercante en regar- dant jouer le jeune bambin. Tourmenté par l’asthme Louis Cyr passait dans cette chaise la plupart de ses nuits. Quand le petit Gérald fut plus grand, Louis Cyr, chaque fois que son souffle le lui permettait, se promenait avec lui en lui racontant les belles histoires vraies qui lui étaient arrivées. Il faut croire cependant qu’ou bien il ne cherchait pas a transmettre la vocation d’homme fort 4 son petit-fils ou bien qu'il était moins persuasif que son propre grand-pére, le vieux Pierre Cyr; devenu grand, le petit Gérald fit des études de médecine et se consacra & sa clientéle et 4 ’hépital: Saint- Luc. : La rencontre avec Hector Décarie semble avoir fait ‘moins de mal a la santé de Louis Cyr que ne !’avaient craint ses médecins et sa famille. Mais il continua cependant a dépérir lente- ment et il s’éteignit pieuse- ment le 10 novembre 1912. Il fut pleuré par toute la province, on peut méme dire par tout le pays et tout le continent. Aprés une messe ‘solennelle a laquelle assista. . une foulé ‘iimmenses'son corps fut transporté au ci- metiére de la Céte des Neiges, puis, un peu plus tard, 4 Saint-Jean-de-Matha. C’est la que repose celui qu'on appelle a juste titre "Homme le plus fort de tous les temps. CHAPITRE XIII L’HOMME LE PLUS FORT DE TOUS LES TEMPS Tous les journaux annon- cérent en gros titres la mort de Louis Cyr. ‘“‘La Patrie” intitula son article nécrolo- gique du 11 novembre 1912: “Louis Cyr entre dans la légende”. Cette prophétie devait se réaliser. Plus d’un demi-siécle plus tard, la place du grand Canadien, au sommet de UVOlympe de la Force, est incontestée et incontestable. Chose étrange, lorsqu’il établissait ses records, Louis Cyr étonnait le monde, mais le battage fait autour d’au- tres hommes forts et la modestie qui fut toujours de régle chez Louis eréérent limpression qu’on était en présence de performances excellentes certes, mais, somme toute, réalisables. Or on s'apercut trés rapide- ment que les records de Louis Cyr sont hors de portée. Les tours de force et les levers qui ont été officiel- lement constatés sont tou- jours debout. Emiliana Cyr Il est intéressant de s’y arréter. Une liste des exploits les plus fameux du Grand Louis Cyr a été rendue publique, grace a l’obligeance de la famille Aumont, qui posséde de magnifiques archives sur lV'athléte canadien. Les voici dans I’ordre: 1. Soulever du dos de 4,337 livres. II s’agit de masses placées sur une pla- te-forme reposant sur deux chevalets. Les hommes les plus forts de tous les temps se sont essayés a ce mouve- ment. Aucun n’a approché méme les 4,000 livres, alors que nombreux ont été les témoins qui ont vu Louis faire, a l’entrafhement, plus de 5,000 livres. 2. Louis Cyr a levé de la main droite et de la main gauche 273 livres %4. Et a deux mains 347 livres. Ces chiffres paraissent modestes 4 premiére vue et nombre .d'athlétes ont réussi € d’un bras et plus de 400 livres 4 deux bras. Mais une comparaison entre les levers de Louis et ces performan- ces, si éclatantes qu’elles paraissent, se révéle tout a Vavantage de Cyr. C’est que le Samson canadien prati- quait, comme on I’a déja dit, un style personnel, que l’on a appelé “a la Louis Cyr”. Il faisait ses développés le corps et les genoux droits, et, fait stupéfiant, l’haltére ou la barre arrivait 4 bout de ‘course sans jamais toucher le corps et sans que ni les genoux ni les jambes ne fléchissent. Les haltérophi- les les plus forts, les plus fameux, qui se sont essayés aux mouvements “a la Louis Cyr’, ont vu avec effroi Testo, homme fort qu’ils dépassaient a peine les 75% des masses soulevées par Louis. 3. Louis Cyr a accompli de véritables miracles dans les mouvements dits a bras tendus. Jamais personne: n’égala méme les deux tiers du poids que le colosse amenait aux épaules puis placait 4 bras tendus a Vhorizontale, devant lui ou latéralement, maintenait dans cette position’ pendant quelques secondes, puis ra- menait aux épaules avant de baisser les bras. Cyr avait fait, 4 bras: tendus devant lui, 131 livres 1% et en croix de fer 185 livres 14, réparties a raison de 97 livres ‘4 du bras droit et 88 livres du bras gauche. 4, La résistance a leffort le plus violent était phéno- ménale chez Louis Cyr. Si, plus tard, le souffle lui manqua, lorsqu’il était au sommet de sa force, il pou- vait répéter un nombre infi- attractions de cirque ni de fois des exercices que tout autre homme fort ose- rait & peine essayer. Nous avons vu que lors de sa rencontre avec Hector Décarie, ce dernier avait développé cing fois de suite un haltére de 151 livres et que Louis ne put faire mieux *’ CK wack boy ski, syok Giisadi, Sa) Ly peer? 4 £4 A lever plug de,300-livres | que.quatre fais. On’ peut OUSS6 Le Soleil de Colombie, Vendredi 10 Février 1978 il ‘Lhomme le plus fort du monde AUX EDITIONS VICTOR-LEVY BEAULIEU: s’imaginer la tristesse du géant qui un jour avait développé d’un seul bras 162 livres '/2 trente-six fois de suite! 5. Le Canadien a, a son actif, des levers extraordi- naires lorsqu’il s’agissait de soulever les poids 4 quelques pouces du sol. A deux mains, il monta 1,897 livres; d’une seule main, 987 livres et, chose incroyable, 553 livres avec un seul doigt! 6. Notre champion avait dans son répertoire des tours, tout a fait particu- liers, qui semaient |’effroi chez les adversaires qui osaient l’affronter. Ainsi, nul jamais n’osa méme s’es- sayer a bouger le baril de béton de 433 livres que Louis Cyr chargeait sur ses épaules d’une seule main sans faire reposer la masse sur ses genoux. A suivre le francais, je le parle par y Gagnez un livre en prime Abonnez-vous aujourd hui méme!! CAMPAGNE D’ABONNEMENTS Devant le succés de notre campagne d’abonnements, _ nous la poursuivons et nous étendons notre offre 4 nos lecteurs dont l’abonnement arrive a son terme. 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