Voyage dans la Russie du dix-huitiéme siécle Henri Troyat, membre de l'Académie francaise, est né a Moscou en 1911; en 1919, il quitte la Russie avec ses parents qui s'installent en France. En plus de nombreux romans, Troyat a consacré plusieurs essais et biogra- Dhies a de hauts personnages de l'histoire et de la littérature russes tels que Pierre le Grand, Catherine la Grande, Dostoiesvki, Pouchkine et Tolstoi. Dans Terribles Tsarines il trace le destin de quatre femmes, moins bien connues, qui se succédent a la téte de la Russie dans l'intervalle qui sépare la mort de Pierre le Grand en 1725, de l'avénement de Catherine la Grande en 1762. Voici d'abord le portrait de Catherine premiére: rien ne prédestinait cette femme d'humble origine, parlant mal le russe, a devenir la premiére Tsarine. Tres jeune, elle perd ses parents qui étaient de simples fermiers livoniens. Elle travaille comme servante, puis s'engage comme fille a soldats et, d'amants en amants, elle monte en grade jusqu'a devenir la mai- tresse et finalement la femme de Pierre le Grand qui la fait couronner impératrice et a qui elle succéde. Elle gouverne en suivant les conseils de son ancien amant, Menchikov. Personnage haut en couleurs, elle mange comme une ogresse, boit sans aucune mesure, s'offre maints partenaires. Succombant a ses exces, elle ne régne que deux années. Aprés un bref intervalle, c'est le tour d'Anna Ivanovna de 1730 a 1740, fille du frére de Pierre le Grand. Sous l'influence de son favori, Biihren, les leviers de commande passent principalement aux mains des Allemands. Gourmande, grossiére, cruelle, Anna aime a se divertir des pitreries de ses bouffons qu'elle apprécie d'autant plus s'ils sont laids et bétes. Elle impose a la cour une vie de désordre et de luxe insensé. Lui succéde Anna Léopoldovna qui assure briévement la régence jusqu'a ce qu'elle soit détrénée, suite a un coup d'état, par la fille de Pierre le Grand, Elizabeth Petrovna. Celle-ci s'attache vraiment a gouverner. Elle commence par s‘attirer la bienveillance des foules en suppri- mant la peine de mort. Pour collaborateurs, elle choisit surtout des Russes a qui elle donne la priorité. Mais, imitant son pére, elle ouvre aussi son pays aux influences étrangéres, en particulier a celles de la France et de l'Allemagne. N'ayant pas d'enfant, elle assure sa succession en adoptant le fils de sa sceeur. Déception, cet ado- lescent au physique ingrat et au caractére infantile ne veut parler qu'allemand et ne s'inté- resse qu'a Allemagne oit il est né. Elizabeth lui trouve une épouse, allemande elle aussi. Choix judicieux cette fois car la jeune fille, intelligente, cultivée, se russifie sans probleme, adopte la religion orthodoxe et prend le nom de Catherine. C'est elle qui deviendra Cathe- rine la Grande. Respectant la vérité historique, s'appuyant sur de solides documents, Henri Troyat brosse un tableau vivant de cette époque a la cour de Russie, sous la coupe de quatre femmes, avec ses intrigues, ses cruautés, ses violences, ses plaisirs extravagants. Cet essai se lit comme un roman. Monique Genuist Terribles Tsarines, Henri Troyat, Grasset, 1998