mo: x SA mer a ee PIERRE QUI ROULE... i jtes les sentences, ‘*Pierre quiroule n’amasse. pas mousse !’’. Ce beau! dicton, menteur comme tou-, et qui; peut se retourner comme: une casaque, notre institu-, teur, au temps heureux des, ‘f{culottes courtes, des ma-' raudes, et des rédactions' moralisatrices, nous I’avait! imposé comme théme 4 dé- velopper. Prétexte A une la- borieuse Anerie de deux pa- ges sur lapersévérance dans la routine, l’art de se conten- ter de son sort, d’écono- Miser deg bouts de chandelles et de vivre A l’ombre du clacher. Depuis, ' je suis reveny de ces bali-' vernes. La vie m’a enseigné. qu’il faut rouler sa bosse et essayer toutes les avenues de la fortune. : En ce dimanche argenté de l’eté qui décline, je ré-. fléchis sur ce dicton ; et je m’amuse a l’appliquer A d’ autres objets. ‘‘Pierre qui roule n’amasse pas mous- se !’’. Autant dire : les gens qui partent au loin quéter l’impossible n’en raménent que du vide. Est-ce toujours vraif Pas sOr. Mais aujour- d’hui, n’ayant pu m’élancer: moi-méme vers l’aventure. des routes blanches, il me faut bien m/’inventer une vérité ‘qui démontre que j’ai raison et les autres non. Pourquoi courir si loin{ Il existe de si frais paysages: 4 nos portes. Pour les décou- vrir, il faut se remettre 4 un exercice fort simple : la promenade A pied ; et de préférence en compagnie d’un gamin qui vous ouvre la voie. Le voisinage n’a plus. de secrets pour lui. Il a battu tous les buissons pen-., les vacances, remué: tous les cailloux, soulevé la dant de tous les: poussiére sentiers. _ : En ce dimanche matin, l’Ecole de Trafalgar res- semble 4 un paquebot 4 haute cheminée, et qui dérive sur - ‘ une mer de gazon. Nous pas- sons devant une maison de retraite. Sur le seuil, une petite vieille tricote sous son chapeau de paille et nous adresse de sympathiques hello ! hello ! Au haut de la route, nous nous arrétons: pour souffler. Devant nous, une motte broussailleuse, -coupée de deux voies. A droite grimpe un escalier de ciment 4 rampe de fer. A gauche serpente un rai- dillon jonché de paille. De grosses feuilles rousses et. craquantes, armées de tiges roses en forme de pipe, parsément les marches de lV’escalier. Mon compagnon -en ramasse une, la porte A. sa bouche et la rejette. Puis il m’entrafne vers le rai- dillon. Od est-il passé¢ Il ressort du buisson; le visage barbouillé et me tend de sa main violette une poi- gnée de mores, noires et juteuses. De la motte ot me voila perché, j’admire la ville claire, auréolée d’une pous- siére lumineuse qui flotte sur les contours de 1’Hdtel Vancouver. Mon compagnon me tire par la manche :‘*Tu viens 4 Kerrysdale ’’. Il veut m’entrafher jusqu’au glacier ot s’obtiennent des crémes au chocolat ‘‘grandes comme ga !’’. Va pour un cornet de créme glacée et revenons ! Au retour, mon compagnon trottine devant moi. Il ra- masse dans l’herbe un objet minuscule, une coque épi- neuse et verte ; ‘*‘Unmarron dans son coquillage !’’. Mon gaillard use d’un vocabulaire approximatif etcharmant.: Dans son amour ingénu des choses et des vocables, il marie sans scrupules le frangais 4 l'anglais. ‘‘Cet arbre est un acorn, me dit- il ; et celui-1A un dogwood’’. Peut-étre qu’il me trompe. Mes connaissances en bota- nique sont assez obscures. A part les sapins, les ro- siers, les lilas et une dou- zaine d’autres, je n’ai jamais su mettre un nom sur les arbres et les plantes dont j’aime pourtant caresser le écorces et humer les feuil- les. Mais les affirmations de mon jeune guide dégagent la vérité candide de 1’enfance -et je le crois. ‘‘Attention ! me dit-il, tu marches sur des poison berries !’? Et il pointe son doigt violet, le visage tourmenté, vers les baies rouges que je pié- tinais sans vergogne. - A ave reconnais-tu les arbres { - Par leurs feuilles, Nous revoici au raidillon. Mon compagnons’égare dans les mOriers. Tandis que je contemple une derniére fois le décor lumineusement voi- 1é de la ville, il chante : **Tl était trois petits enfants Qui s’en allaient glaner aux champs...’’ 9 - ‘*Viens-tuf *? me pro- pose-t-il. Et cette forme interrogative et insolite m’ apparaft d’un frangais irré- prochable. Et nous redes- cendons tous les deux vers) les pompes A essence, les enseignes d’un anglais dou- teux, et les asphaltes fati- gants. LE, = CAUCHEMAR AMERICAIN| Alannah Matthew t | La compagnie ‘‘ Vancouver , Repertory Theatre’’ a der- niérement présenté A la bi- bliothéque de Vancouver, deux piéces fortement anti- américaines, ‘‘The Ameri- ,can Dream’’ de Albee et ““T?m Really Here’’ de Van Hallie. Albee nous présente une caricature de la famille américaine,avec‘‘Mommy’’, grosse poupée dominatrice et ‘*Daddy’’, un petit homme insignifiant, émasculé. Leur union étant stérile, ils adopteront un enfant. Une assistante gociale, Mme Barker représente ‘‘the do- gooder’’ américain. Bien- faitrice sans sensibilité, qui ferait n’importe quoi pour de l’argent. (Elle se met méme 4 poil pendant sa vi- site A la famille). Avec le ménage vit Grandma, étre tétu et vindicatif qui résiste aux menaces de sa fille de la renvoyer dans un camion fermé. Elle tient dans la famille la place d’un enfant, réu- nissant ainsi les forces de la jeunesse et de l’A4ge. Elle se fait le porte-parole des vieux de la société améri- caine : les oubliés, les né- gligés, les rejetés, mais sa philosophie pétille d’humour malicieux. Masse de cheveux duveteuse comme une fleur de pissenlit, voix fluette, pe- tit corps fragile mais déci- dé, Micki Maunsell joue Grandma avec une vérité géniale. Grandma raconte le passé que les autres ne peuvent pas Ou ne veulent pas se rappe- ler. Mommy et Daddy avaient adopté un’enfant, vingt ans . auparavant et l’avaient. brimé pour étouffer ses as-' pirations personnelles.Ain- si, Albee dénonce le confor-— misme de la culture améri-; caine. Tout d’un coup, la porte s’ ouvre sur ‘*1’American’ Dream’? (Le réve améri- cain), un beau gare¢on au visage vide. C’est le frére jumeau de l’enfant adopté, dont les brimades successi-’ ves ont atteint 1’4me. Main- tenant, incapable de ressen- tir quoi que ce soit, il se vend pour vivre. Son bel extérieur brille comme un produit de la société ma- térialiste et son intérieur 2St aussi vide d’ame. La piéce, mise en scéne avec finesse par Robert Gra- ham, est rehaussée par une distribution talentueuse. La ‘*Mommy”’ de Jackie Cross- land est doucement effrayan- te. Sa figure de sphinx maquillé luit au-dessus d’un: corps monstrueux qui mi- naude dans un pyjama de plage criard. Alexander Dia-: kun, Elizabeth Murphy et Wayne Robson, interprétent le Jeune, Mme Barker et. Daddy avec subtilité.' La deuxiéme piéce, ‘*I’m travaganza’”’, une satire de l’industrie cinématographi- « que américaine, et indirec- ; tement de toute la culture. On tourne un film idiot A Paris avec la pigeonnante Janet Wright. Quand elle meurt (pas trop tot !), poi- gnardée par un Européen louche, elle ne comprend. toujours pas ce qui lui ar- rive ; ‘*Je ne peux pas mou- rir... Je suis Doris... suis une fille américaine... 9 ‘ Janet Wright dans le rle de Doris Pretty-as-a- Button. et BER Helet enh une Sex Robert ere dans celui de Rossano Brassy lors d’ une . représentation de ’’I’ m really here’’. Je ~ etc’’. La blague dure trop longtemps, pour moi, mais probablement la piéce plai- rait dans les écoles. \ Si vous désirez avoir des représentations gratuites} , dans: votre école, votre club ou votre centre communau- taire téléphonez 4 Michael johnson au 224 7348 eet il nn eR RNA a LORNA XII, LE SOLEIL, 15 SEPTEMBRE 1972 |: