tinaaianiaiecisaned Y Que lon soit favorable ou hostile, enthousiaste ou indif- férent, il faut reconnaitre que oeuvre est animée par des grandes. ambitions. Appliquée plus qu’inspiree, me direz- vous; pas necessairement, Va- sarely croit aux méthodes de notre société industrielle et technologique a laquelle il est vain de vouloir échapper. Il a méme concu le projet d'une machine électronique avec laquelle il pourrait obtenir toutes les permutations imagi- nables. Pour lui, a lage de l'électronique dans la mesure © méme ou disparait notre’ en- vironnement naturel, _|’artis- te devient le dispensateur de plasticite. L’élaboration d’un tableau chez Vasarely est complexe et résulte d'une grande rigueur. Il consulte au depart sa vaste do- cumentation composée de pa- pier millimnétré et écrit une programmation qui se compo-: se toujours de deux grilles, une pour la forme, I’autre pour le fond, et dans laquelle intervient un numeérotage tres précis. Sa technique de re- cherche. repose sur un abéce- daire détermine de quinze “‘fonds-formes”’ découpés mécaniquement en papier de vingt couleurs vives et de six gaming nuancées (rouge, leu, vert, mauve, jaune et gris) allant chacune du ton tres clair no 1 au ton tres foncé no 15. Ces éléments dé coupés sont mobiles, par con- séquent, permutable et don- nent un nombre de combinai- sons pratiquement illimitées. Méme si sa démarche com- mence par étre purement in- tellectuelle, Vasarely croit a une poétique picturale de ses tableaux. Il veut rendre notre perception intuitive de l’infini- té des étoiles, du cosmos. ‘Je rends sensible quelque chose qui, méme sur le plan de la connaissance, est a la limite de l’inexprimable, dit Vasa- rely (...) Nous vivons dans le fulgurant, le foudroyant, il était donc indispensable de soumettre l'oeil a des agres- sions de plus en plus vives, de plus en plus intenses.”’ Au début, il a réussi a déga- ger certaines constantes de la plasticité fondées sur la géo- metrie plane. constantes com- parables a celles d’autres sys- temes comme le systeme dé- cimal, !’alphabet ou le solfége. Par sa période Belle-Isle, en partant de la mer, des galets, il percoit la réalité comme un ensemble de forces qui s'atti- rent et s’opposent, par les si- gnes il transforme le matériau naturel en materiau abstrait. En 1948, sa période Crystal peut étre considérée comme abstraite, il délaisse le signe c’est la fin d’une figuration transposée. L'axonométrie a emporté un __renouvellement important dans l’oeuvre de Vasarely, c’est une chose. trés simple, on part dun car- ré par exemple, on dresse sur les quatre coins du carré qua- tre obliques paralleles. On ar- rive a dessiner des volumes ui, tout en donnant J illusion étre des volumes, se distin- guent de ceux de la perspecti- ve traditionnelle en ceci, qu’aucune déformation n’inter- vient ni au niveau du carré de base, ni 4 celui du second carré superposé. L'axonome- trie fait naitre la premiere réa- lisation de l’idée cinétique. A lintérieur de toutes ces périodes, l’essentiel pour Va- sarely entre 1948 et 1952, c’est linterprétation personnelle de certaines ois de la Gestaltthé- orie, théorie des structures, c’est-a-dire ce qui a rapport a lalternance des formes et des fonds a marque la limite précise ot l’oeil se trouve tout a coup incapable de décider entre deux ou plusieurs hypo- theses perceptives; c’est cette théorie qui a déterminé le point de cristallisation de 1’i- dée cinétique. De cette pério- de vous pouvez voir au musée d’Art Contemporain une toile Gestalt-Ville et les graphi- “ques Album-Gestalt. Il serait important, de plus, de souligner qu’une oeuvre marquante de la recherche de Varsarely “Hommage a Ma- lévitch’”’, dont les différentes et 1958, a permis a ce dernier d’introduire dans la peinture le mouvement et l’espace- temps. I] est regrettable que cette rétrospective ignore cette friode. Avec la série des, TA 102 (noms d’étoiles, de nébuleuses, de constellations et de ses quasars) une signi- fication Bpparslt dans ses pein- tures, celle d’une destination cosmique de l’homme, il y réussit surtout par le fond argent, or ou métallique, Tou- ours a l’aide de son alpha- et plastique, il arrive a donner une impression de. for- ce lointaine. Au musée, le ta- bleau CTA 102, argent de 1965 est particulierement intéres- sant a ce propos. “Les quan- tités se muent en qualités” dit Vasarely. Mais la trame est unitaire du point de vue plastique et l’élement de base circulaire est rigoureuse- ment répété. Avec la serie des Vega et des OND, il ob- tient des gonflements, des renflures qui donnent a ses toiles un aspect bizarre, voire méme inquiétant. Mais il dé- laisse quelque peu cet abécé- daire unites plastiques as- sez contraignant pour créer de nouvelles trames cellulaires les Deuton, les Ion, les Meh, ces derniéres ont pour base le “cube de Képler’’. Avec les Iridim il trouve la solution, les cubes qui constituent ces toi- les avancent et reculent alter- nativement, il s’agit d’un mon- tage d’hypothese perceptives, le cinétisme se trouve ici tres complexe. : Vasarely a travaillé aussi des structures-objets en trois dimensions, telles no. 94 Iri- dim, no. 88 et 89 Sir Ris posi- tif, Sir Ris négatif et plusieurs autres que cette exposition vous permet de voir. Les structures. se prolongent ainsi dans |'es- pace pour rejoindre }’immense trame des constructions archi- tectoniques et arriver enfin a la Cité polychrome. Pour Va- sarely, chaque city polychro- me aurait ses structures cor- respondant a son climat, sa destination, son ethnie, voila Pidée du folklore planétaire, c'est a dire comment et sous quelles formes le cinétisme est capable de s'intégrer a la société future. Pour lui com- me son unité est mesurable, quantifiable, rationnellement pré-fabricable, elle est inté- grable a tous les niveaux de la vie moderne et rejoint le do- maine des sciences pour les réalisations _ architectoniques des cités futures. Apres l’idée du folklore pla- netaire comment ne pas parler de la Fondation Vasarely, a Cordes, un étonnant ensemble _ . “Betelgeuse” (1959) ** Vega 4 cercles - positif (1970) d’expérimentation et de créa- tion de plusieurs disciplines, un chateau devenu maintenant une centrale de recherches plastiques dotée des moyens électroniques. les plus moder- nes. : — “Ce que je veux faire est une ouverture pour la geéne- ration qui suit” Vasarely réve d'un art so- cial, il atteindra sirement son but par sa Fondation. I] avait crié victoire a 1l’avenement des multiples (structures-ob- jets, reliefs en bois peint, sé- rigraphies, tapisseries) mais malheureusement cette forme de diffusion savérait ineffi- - cace. L’oeuvre d'art demeu- rait encore la source de de- lectations de privilégiés sur- - tout si elle était signée de la main du __.maitre.D‘ailleurs cette retrospective nous présen- te presque _exclusivement des multiples de Vasarely. Au point de, vue plastique. d est interessant de noter que de jeunes Ameéricains comme Frank Stella et Donald Judd qualitient Vasarely de tradi- . tionaliste. Pour eux, l’oeuvre de ce dernier exprime une cer- taine facon de penser reliée au rationalisme cartésien et. lui reproche de travailler a partir d'un systeme “a prio- ri’, discrédité aujourd‘hui a la fois par les philosophes et les scientifiques comme moyen de découvrir l univers. Finalement meme si cette retrospective comporte plu- sieurs lacunes du point de vue de loeuvre de Vasarely et quelle nous explique peu son engagement social, elle sera au moins pour le grand public loccasion de se fami- liariser avec une partie de la recherche de ce geant du XXe siecle. versions se situent entre 1952 be LE SOLEIL, 31 MARS 1972, XIII