LE S(_)LEIL Gestion scolaire Un (petit) pas a la fois en C.-B. La Colombie-Britannique se fait tirer l'oreille dans le dossier de la gestion scolaire. Et tout indique qu'encore une fois, ce sera un juge qui permettra aux francophones dobtenir le respect de leurs droits. Longtemps percue comme le dernier véritable foyer de résis- tance a l'idée méme de permettre aux francophones de gérer et de contrdler leurs écoles de langue frangaise, la province continue & accorder au compte-gouttes des droits scolaires pourtant reconnus aux parents francophones par la Charte canadienne des droits et libertés, et par les tribunaux. Trois gouvernements, celui de l'ineffable créditiste Bill Vander Zalm et ceux des néo-démocrates Mike Harcourt et Glen Clark, ont appris aux francophones de la Colombie-Britannique a cultiver les vertus de la patience. Lhistoire des démarches juri- diques des parents francophones dans le dossier de la gestion scolaire remonte en effet & 1989. Cette année-la, l'Association des parents francophones de la Colombie-Britannique et plu- sieurs autres organismes franco- phones intentent une poursuite contre le gouvernement pour faire respecter leurs droits en éducation qui sont garantis dans larticle 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. En 1990, le gouvernement demande aux parents un ajour- Coeur ascal Bruckner a un style littéraire bien & lui. Connu comme l’auteur de Lune de fiel, adapté pour le septiéme art par Roman Polanski sous le titre de Bitter Moon, il cultive une écriture de la cruauté. Les Voleurs de beauté prend d’abord Paris en plein été comme décor. Etouffante de chaleur et de pollution, la ville de Part apparait sous un paysage infernal saturé de Vhaleine inquiétante des gens. La narratrice principale, Mathilde, est une garde psy- chiatrique 4 ?Hdtel Dieu dans Ile de la Cité. L’histoire de sa passion avec son amant Ferdinand, un acteur de théa- tre médiocre, |’étouffe autant que cet air pesant du mois @aoft & Paris. Son travail de garde psychiatrique semble loin de la passionner ; peut-étre est-elle méme plus fragile que nement des procédures pour lui permettre d'étudier les impli- cations du jugement historique de la Cour supréme du Canada dans laffaire Mahé. Le jugement recon- nait aux parents francophones d'Edmonton le droit de gérer et de contréler leurs écoles de langue francaise. Pour la premiére fois, le plus haut tribunal du _ pays interpréte l'article 23 de la Charte dans le sens des revendications historiques des parents de partout au pays. Le gouvernement forme alors un comité spécial qui recomman- de en 1992 la création de conseils scolaires francophones dans la province. A la fin de l'année, la ministre de I'Education de la province reconnait publiquement les obligations du gouvernement et annonce son intention d'établir un seul conseil scolaire franco- phone provincial d'ici septembre 1995, a la condition que le gouvernement fédéral participe financiérement a sa création. Automne 1993 : le méme gouvernement annonce qu'll est revenu sur ses intentions. I] n'y a plus de conseil scolaire franco- phone. Les parents répliquent l'année suivante en réactivant la cause juridique qui était suspen- due depuis 1990. Ils doivent cependant amender la cause, pour tenir compte des faits nouveaux depuis 1989, Juillet 1995 : Victoria annon- ce un projet de gestion scolaire pour répondre aux attentes des francophones de la province. Son intention est de créer par décision du conseil des ministres (Arrété en conseil) une Autorité scolaire chargée de l'administration du programme cadre en francais. Les parents trouvent cela insuffisant et exigent plutét adoption d’un projet de loi établissant la gestion scolaire. Novembre 1995 : & quelques semaines du début du procés prévu en décembre, le gouver- nement dépose la réglementation créant une Autorité scolaire francophone. Les parents sont une nouvelle fois obligés d’amen- der leur demande devant la cour. 19 aofit 1996 : coup de tonnerre ! Le juge de la Cour supérieure de Colombie-Britanni- que, David Vickers, donne raison aux parents sur toute la ligne. Non seulement rejette-t-il la réglemen- tation, mais il donne au gouverne- ment jusqu’au dernier jour de la session législative pour adopter un projet de loi accordant la gestion scolaire aux francophones. Plus encore, le juge Vickers estime que la province doit tout faire pour offrir une qualité d’édu- cation équivalente & la majorité anglophone. Jamais un juge canadien n/’ayait été si loin dans Pinterprétation & donner a Particle 23. Et pour bien faire comprendre au gouvernement qu’il n’entend pas 8 rire, le juge Vickers écrit qu'il maintient sa Le vendredi 24 avril 1998 5 juridiction dans cette affaire et se déclare disponible dans |’éven- tualité o4 un autre différend éclaterait entre le gouvernement . et les parents. 20 mars 1997 : le ministére du Patrimoine canadien et le ministre de Education de la Colombie-Britannique _ signent une entente de trois ans sur le financement de la gestion scolaire francophone. 29; juillet’. 1997. % de gouvernement amende sa _ loi scolaire et accorde un conseil scolaire francophone qui ne couvre pas tout le territoire de la Colombie-Britannique et qui, entre autres, ne régle pas la question du financement adé- quat. Les parents maintiennent la pression et promettent de retour- ner devant les tribunaux. 27 mars 1998 : & quelques semaines du début du procés, PAssemblée législative approuve un autre Arrété en conseil qui vise a confier au Conseil scolaire francophone la gestion pour lensemble de la province d’ici le ler juillet 1999. Le gouvernement n’a cepen- dant pas réglé la question du financement ni celle, plus délicate, du transfert des établissements scolaires 4 la nouvelle juridiction. Vheure actuelle, le Conseil scolaire francophone ne posséde aucun établissement et ne fait que louer des écoles & des districts scolaires anglophones. Les parents ne veulent pas que le conseil scolaire se retrouve un jour dans l’obligation de racheter avec l’argent du fédéral de vieilles écoles gérées par les anglophones, comme cela s’est dailleurs produit en Saskatche- wan. Ils exigent donc un transfert de propriété pour la somme symbolique de 1 $. Le juge David Vickers doit finalement entendre les deux parties cet automne. Cette fois, le gouvernement a promis de ne pas faire d’obstruction et de laisser la justice suivre son cour. « C’est sir qu’on va se rendre jusqu’au 21e siécle », dit en riant Marc Gignac, le directeur général de l’Association des parents francophones de la Colombie- Britannique. C’est que les parents n’en ont pas encore fini avec la province. Elles ont encore en réserve une poursuite de 4 millions de dollars pour dommages en vertu de article 24 de la Charte et une autre demande de compensation de 10 millions de dollars qui dort sur les tablettes, mais qui pourrait étre réactivée 4 tout moment. APF OTTAWA avide et yeux aveugles ses malades. Pour ne pas se laisser emporter a son tour, elle se bat constamment devant les malheurs humains dont elle est témoin dans son métier. Dans cette routine en- nuyeuse & mourir, surgit un malade peu banal. Un homme masqué, détenu a [hdpital psychiatrique et se présentant comme Benjamin, tient a ra- conter sa vie & tout prix a Pindifférente jeune interne. Sa confession, ainsi déroulée en secret, révéle une histoire quasi insensée que l’homme masqué jusqu’alors, seul, connaissait. L’aventure de Benjamin, qui constitue une histoire dans Phistoire, bouleverse cette der- niére qui n’est autre que la vie de Mathilde. La position de psychiatre que Mathilde avait a leur premiére rencontre change au fil du récit de son malade jusqu’é devenir celle d’une simple auditrice passionnée. PASCAL RRUCKNER Les Voleurs de beauté anon? PRIX RENAUDOT Grasset Benjamin était parti en vacances de ski avec sa fiancée Héléne et s’était perdu dans un plateau jurassien lors de leur retour vers Paris. Une ferme isolée nommée Fanoir, ot: ils avaient été accueillis, se trans- forme d’un lieu bienfaiteur en un lieu de chauchemar. L’aventure mystérieuse racon- tée par Benjamin, luirméme romancier par métier, semble basculer entre un monde réel et fictif. L’histoire de Benjamin démontre comment l’influence des idées peut transformer les hommes. Nous vivons une ére ou les images imposées par plusieurs moyens audiovisuels nous imposent une vision d’une certaine vie. Le rythme du roman change radicalement a partir du moment ott Benjamin et Héléne arrivent au Fanoir. L’air autour de Mathilde com- mence a étre suffoquant de suspense. L’aventure de homme masqué tourne au roman poli- cier. Mathilde, devenue audi- trice attentive, ne se contente pas seulement d’écouter, elle participe. A la fin, on ne sait plus qui est le psychiatre et qui est le malade. L’anecdote de l’ultime fin avec une cassette retrouvée par Mathilde autour du Fanoir, complétant histoire énigma- tique de Benjamin, la rend encore plus déroutante. Cette histoire, qui peut étre la simple ~ divagation d’un malade psy- chiatrique, résonne pourtant en un long écho venant de notre civilisation audiovisuelle ultradéveloppée qui rend, en fait, notre coeur avide et nos yeux aveugles... A recommander vivement aux lecteurs amoureux des suspenses., Kyeonc-M1 Kimw Les Voleurs de beauté de Pascal Bruckner (Grasset 1997) est disponible a la librairie Manhattan, 1089, rue Robson a Vancouver.