A4 - Le Soleil, janvier 1994 LL Le Soleil, janvier 1994 ast Qu’est-ce qu’un nomade? D’une fagon générale, on dési- gne sous le nom de nomades, les personnes qui n’ont pas d’habitation fixe et se déplacent sans cesse d’un endroit a l'autre durant leur vie. Mais il est des gens qui se déplacent cons- tamment et qui ne sont pas forcément nomades. C’est le cas par exemple des chasseurs aborigénes de l'Australie. Ce qui distingue les vrais nomades des chasseurs, gitans, ou autres populations errantes, c’est le fait / A | que leurs déplacements ne se font pas au hasard. Les nomades sont régulie- rement a la recherche de paturages pour leurs troupeaux. En somme, ce , sont des pasteurs qui séjournent dans / les endroits ot leurs animaux peuvent paitre et se désaltérer. Lorsque leurs troupeaux ont epuise les ressources végetales du lieu ou ils se trouvent, ils partent a la recherche d’autres patura- ges. Bien sur, tous les gardiens de Nomades du monde Les grands espaces désertiques ou vivent les populations nomades sont situés principalement en Afrique du Nord, en Asie centrale, en Asie du Sud-Ouest, au Moyen-Orient, en Eurasie et a la limite sud de l’Arctique. \l existe aussi de petites enclaves désertiques au centre et au sud de l'Afrique ainsi qu’en Europe. Bien que du nord au sud, les nomades soient y ow pasteurs, cela ne veut pas dire quiils | : menent tous une vie semblable. Au sud de I’Arctique, les Lapons qui élévent des troupeaux de rennes doivent sans cesse se protéger contre le froid alors qu’en Afrique, les Maures redoutent la sécheresse et la trop grande chaleur. | troupeaux ne sont pas nomades non plus. C’est par exemple le cas des cow-boys de I’Ouest ameéricain. | Accumulation de gras dans la bosse qui peut ' 6tre changé en / liquide en cas d'urgence. Pieds avec deux orteilles palmées qui s'étendent marche. Les Maures Les Maures constituent une population de race blanche. D’ailleurs, ils se désignent eux-mémes sous le nom de BIDAN qui signifie: homme blanc. Ils sont issus d’un croisement entre les Berbéres, premiers habitants ~ de l'Afrique du Nord, et les Arabes, originaires d’Arabie, qui au X!Véeme siécle envahirent le nord de l'Afrique. Chez les Maures, on trouve aussi des traces de race noire. Elles proviennent de croisements entre les populations blanches de |’Afrique du Nord et les . , populations noires vivant le long du Sénégal. Les Maures pratiquent la religion islamique. Autrefois, ils étaient ' pour la plupart pasteurs et nomades. . Aujourd’hui, attirés par les grandes “villes des régions avoisinantes, ils I’ deviennent, hélas, sédentaires. f c’est-a-dire cousin des autres mem- quand le chameau mariage. Une question de survie Les nomades du Sahara sont en voie de disparition. IIs risquent d’étre complétement @ffacés de la carte des populations. Les raisons de cette disparition sont multiples et tres complexes. D’abord, pour les gouvernements, les personnes qui se déplacent'sans cesse sont un vrai casse-téte lorsqu'il s'agit de leur faire payer des impéts, car on ne sait jamais ot elles sont. Lors des recensements, les nomades déclarent habiter un peu partout et nulle part a la fois. Ils n'envoient pas leurs enfants a 'école. Le service militaire est pour eux, tout autant que pour les états qui les contrélent, une Cause de frustrations. Actuellement, ils continuent a souffrir des préjugés que l'on a toujours eus envers eux. Certains gouvernements se méfient des nomades. IIs leuf feprochent les sombres histoires de leur passé, leurs anciennes prouesses _ guerriéres, leurs invasions, leur férocité et leur barbarisme. Pourtant, leur histoire ne différe pas vraiment de celles qui ont marqué les diverses civilisations au cours des «, ages. Leur mode de vie, méme aussi étrange qu'il puisse nous paraitre, n’est point une menace pour nos sociétés modernes et ne justifie pas l'intolérance dont ils sont c souvent victimes. Aujourd’hui attirés par les grandes villes, «Ces patres du désert» délaissent leurs troupeaux pour partir ailleurs, a la recherche d’une vie qui leur parait meilleure et que la plupart du temps, ils ne trouvent pas. Pendant des milliers d’années, les nomades africains ont prouvé qu’ils pouvaient survivre dans des lieux intensément hostiles en tirant partie des maigres ressour- ces qu’ils trouvaient sur leur parcours. A travers leurs interminables voyages, ils ont donné allidésert couleur, mouvement, vie et beauté. Mieux encore, a l’encontre des sociétés modernes, ils ont su laisser intact I’ posi sur eas leurs caravanes ont pendant si eS es dessiné les eas du temps et des saisons. Autrefois, tous les Maures appartenaient a une Qabila (kabila) ou ribu particuliére. A l'intérieur de cette Qabila, chacun se considérait AWLAD, bres de sa tribu. Cette parenté qui venait du cété paternel remontait le plus souvent a un ancétre commun. Ceci s’explique du fait que les person- nes d’une méme tribu se mariaient entre eux. Toutefois, pour des raisons de guerre ou par nécessité politique, il arrivait que les membres de différentes QABILAS fassent des alliances par HASSANES ZAWAGAS *t GRIoTS ZENAGAS . FIARRATINES Une organisation pyramidale Jusqu’a l’occupation frangaise, les Maures étaient divisés en tribus clas- sées de telle maniére qu’elles formaient une pyramide. Au sommet, on trouvait les tribus HASSANES ou guerriéres, lesquelles étaient commandées par un chef assisté d’un conseil de notables, la Diemaa. Au-dessous, venaient les tribus connues sous le nom de ZAWAGA ou tribus maraboutiques. Ces derniéres, plus nombreuses, étaient chargées du soin des troupeaux et de I’étude de la religion islamique. Elles occupaient une place importante dans |’ordre de la pyramide, car c’était elles qui possédaient les plus grands troupeaux, s’occupaient du com- merce par caravanes a dos de chameaux, de I’'enseignement de la religion et avaient la responsabilité de creuser la plupart des puits. Tout comme dans les tribus hassanes, il y avait un conseil de notables, chargé de régler les affaires de la tribu. En descendant la pyramide, se trouvaient les QABILAS ZENAGA qui dépendaient des deux tribus précédentes et ot étaient regroupés les gardiens de troupeaux, les forgerons et les GRIOTS (sorte de poéte et de musicien ambulant auquel on attribue souvent des pouvoirs surnaturels) formant les castes inférieu- res. Enfin, venaient les HARRATINES ou I’on retrouvait les captifs affranchis et leurs descendants ainsi que les captifs esclaves. En général, les HARRATINES étaient chargés d’effectuer les travaux domestiques les plus pénibles. lorriiiicies tii desert: Loe & ae SSS CESESSS ' Le cycle annuel de la vie des Mathes Lorsqu’on demande aux nomades comment ils guident leurs animaux. a travers le désert, ils repondent tout simplement qu’ils suivent la route du lait. Cette fagon de s’exprimer signifie que les distances qu’ils parcourent sont celles qui ménent de paturages en paturages et par cons@quent ala production de lait, aliment de grande importance dans leur nutrition™Depuis toujours, litinéraire suivi par les habitants du désert.comprend les inévitables détours vers les points d’eau. Généralement, le tracé de leur déplacement estile méme d’année en année. Lorsque les nomades arrivent dans un endroit ol! leurs animaux peuvent paitre, ils y restent jusqu’a ce que la végétation environnante soit épuisée. La plupart du temps, leur séjour dans un lieu de paturage n’est que de quelques semaines, mais en hiver lorsqu’ils atteignent les contrées au nord du Sahara, il leur arrive de séjourner au méme endroit d’un a deux mois. Disposition hiérarchique des tentes - Comme il n'y a pas de demeures fixes; dans le désert, pour héberger les voyageurs, les nomades doivent, a chaque étape de leur voyage, dresser les:tentes qui les abriteront pendant la durée de leur séjour dans un méme > lieu. Le nombre de tentes dans un seul campement varie de cing a dix mais peut atteindre le chiffre de vingt. Chague campement est constitué de membres d’une méme famille qui comprend: pere, mére, enfants; gen- dres, belles-filles, petits-enfants, oncles, tantes, neveux, grands-parents et cousins. Parfois pour des raisons économiques ou religieuses, ce regroupement familial peut inclure des nomades d’une autre QABILA. La fagon toute particuliére dont sont disposées les tentes indique les relations qui existent entre les diverses cellules familiales. Ainsi, en général, la tente du pére est située au milieu du campement avec, tout a cdté, celles de ses fils mariés, alors que celles de ses filles se trouvent plus éloignées. Enfin, a la limite du camp, sont installées les tentés des cousins et des membres par alliance. ~ tement sur le sol ou disposés sur une vont assister 4 des célébrations de mariage, de baptéme ou divers evénements Sous la tente Les nomades ont peu de pos- z . sessions. Toutefois, si les objets ne 5 < - sont pas convenablement rangés dans Vie et travaux des femmes : i. leur espace de vie commune, la vie La plupart des travaux reliés a la préparation des repas et a la fabrication” peut devenir tres désagréable. A de nattes, couvertures, coussins, vétements etc... sont confiés aux femmes. l'intérieur de la tente, le sol est recou- En outre, elles ont la responsabilité de surveiller et d'éduquer les enfants. Bien vert de nattes, faites de fibres de qu’elles ne traient jamais les animaux, elles doivent fabriquer des produits palmiers et de laniéres de cuir, de laitiers tels que le beurre, le yogourt'et la creme sire. Mais il ne faut pas croire couvertures et de coussins de tissus. pour cela que les femmes nomades ménent une vie monotone. Lorsque les Les objets appartenant aux femmes hommes sont absents, ce sont elles qui Soccupent des animaux. Lorsqu’elles sont toujours placés, cété nord, direc- en ont le temps, elles rendent visite a leur famille et a leurs amies, ou encore petite plate-forme appelée RHAL. dans des campements éloignés. Dans la QABILA, les femmes jouent un role Parmi ces objets, on trouve une malle trés important. Elles possédent des connaissances en medecine traditionnelle en métal remplie de vétements, de dont elles se servent pour soigner les membres de leur janie. Grace a leur parfums, de bijoux, de miroirs, de sagesse et leur maturité, elles arrivent a faire régner, a l'interieur du campe- couvertures, d’ustensiles de cuisine, etment, une atmosphere d'entente et de tranquillité. Contrairement a ce que I’on des instruments pour la traite des pourrait penser, les femmes maures :partagent de nombreuses activités avec animaux: Les sacs de cuir joliment leur mari et leurs compagnons de voyage. Par exemple, elles peuvent prendre décorés a l'intérieur desquels les le thé, discuter de projets futurs ou écouter de la musique le soir autour du feu hommes rangent leur fusil, les théieresen compagnie des hommes du campement. Un repos bien meérité Lorsque, en fin d’étape, les ‘nomades s’arrétent pour établir leur campement, ils doivent décider de l'endroit ot ils vont s’installer. Le choix du lieu ne se fait jamais au hasard. Avant de dresser les tentes, il faut considérer plusieurs facteurs tres importants: la possibilité de trouver du bois pour faire du feu, la présence des hyénes, des loups et des chacals capables d’attaquer les chevres et les moutons. Plus important encore, il faut s’assurer qu'il y ait de l'eau et des paturages a proximité pour les ani- maux. Le plus souvent, les nomades établissent leur campement derriére des dunes a cause de l’abondance de végétation épineuse qui s’y trouve. Une fois !’endroit choisi, ce sont les femmes qui dressent les tentes pen- dant que les hommes.et tous ceux qui sont capables de travailler fabriquent des clétures pour enfermer les agneaux et les chevrettes: Enfin, aprés une heure et demie d’installation, fatigués du voyage, les nomades s’accordent un repos bien mérité en prenant le the. les clefs de coffres et autres posses- sions précieuses sont également rangés sur le thal. Les selles pour voyager a dos de chameau, faites de cuir et de bois, sont en général placées au sud ou al’entrée de la tente. Les grands récipients de métal qui servent a puiser l'eau sont aussi gardés a l'intérieur, prés de l’entrée. Les préparatifs du départ 3 FES. Avant chaque déplacement, les nomadés doivent organiser leurs caravanes. En principe, les départs ont } lieu le matin aprés le petit déjeuner. Les préparatifs du voyage consistent a emballer les accessoires suivants: ie ustensiles de cuisine, coussins, nattes, Pe ees SS couvertures, coffres de métal, outres en peaux de chevre, et toiles de tentes fonmnes en poil de chameaux (aujourd’hui plus couramment en toile). Ce sont les qui ont la responsabilité de plier les tentes et, avec l'aide de leur mari et de leurs enfants, de charger tout l’quipement sur les chameaux. Lorsque tous les préparatifs sont achevés, les femmes se hissent sur leg chameaux debout et les hommes leur tendent a bout de bras les jeunes ‘enfants qu’elles tiendront serrés contre’ ) elles pendant toute la durée du voyage. Quant aux hommes et aux enfants capables de faire le voyage a pieds, ils avancent en conduisant les chameaux et en guidant les troupeaux qui suivent a peu de distance. Une journée typique Les hommes, tout comme les femmes, aa ane taches 4 accomplir. Durant les jours de halte, ils doivent chaque matin aprés la priére, tirer le lait puis mettre des ceintures de protection autour des mamelles de chaque femelle du troupeau pour éviter que les jeunes animaux ne tétent. Un peu plus tard, ils mettent leurs bétes en liberté dans la nature environnante afin qu’elles aillent brouter. Au milieu de la matinee, ils rejoignent leurs troupeaux et les gardent jusqu’au soleil cou- chant. Le soir, lorsqu’ils les raménent au campement, ils en profitent pour ramas- ser, sur le chemin du retour, du bois dont ils feront du feu. Parfois, il arrive que les hommes aient a s’absenter pendant plusieurs jours, par exemple, lorsqu’ils aménent les troupeaux s’abreuver a un point d’eau éloigné, partent Ala chasse _ ou encore vont chercher des animaux qui se sont égarés. II leur arrive aussi de se rendre en ville pour faire du commerce ou s’approvisionner en sucre, sel, épices et autres denrées. Cependant, ils s’assurent toujours de laisser quelques-uns de leurs compagnons au campement pour traire les bétes puisque seulement lés hommes sont autorisés a le faire. Malgré cette division un peu stricte des taches, hommes et femmes savent s'entraider quand cela est nécessaire. Ainsi, une femme dont le mari et les fils sont en déplacement, peut se faire aider par un membre de la tribu lorsqu’il s’agit de soigner les animaux ou de faire tout autre travail pénible. 4