Le vendredi 4 juillet 1997 7 e larticle 23 de la Charte canadienne des droits et libertés & Tadoption imminente d’amendements & la loi scolaire par Assemblée législative britanno-colombienne en passant par le jugement Vickers, que de chemin parcouru. L’éducation francophone, dans la province, semble maintenant étre sur orbite. Daniel Le Scieller et Marc Gignac, les président et directeur général de TlAssociation des parents francophones de la Colombie- Britannique (APFCB), s’inscrivent en faux avec cet optimisme ambiant qui a actuellement cours dans le milieu éducationnel franco- phone. Selon eux, to be ou ne pas étre, ce n’est pas presque fini (Le Soleil du 27-06-1997, p. 7). Mais qu’est-ce qui améne ces deux personnes qui sont au coeur du processus éducationnel franco- phone en Colombie-Britannique & jouer les trouble-féte ? La loi qui, bientdt, re- connaitra officiellement le groupe linguistique francophone serait trés loin d’accorder au Conseil scolaire francophone (CSF) les res- sources matérielles et humaines qui lui permettraient d’atteindre ses objectifs. « Quand on. met en place un conseil scolaire chargé de la gestion du systéme éducatif francophone, il me semble logique, déclare Marc Gignac, de lui donner les resources qui vont avec. Quand on transfére d’un seul coup 1 700 enfants, il faut dans le méme mouvement transférer les écoles et le personnel enseignant. » Le CSF est dans Pobligation de louer des écoles appartenant aux districts scolaires anglophones pour pouvoir s’acquitter de sa mission éducative. « Or, affirme Mare Gignac, les — écoles disponibles dans une région comme celle de Vancouver sont plutét rares. Par ailleurs, demander au CSF de payer une certaine somme aux districts scolaires anglophones afin d’avoir aceés & des écoles déja financées avec les taxes payées par les contribuables, y compris les contribuables francophones, cons- titue un blanchiment d’argent. Car cet argent sert & financer le déficit des districts scolaires en question. » Le contréle ? Mais quel contréle ? Le CSF doit, au méme titre Conseils — scolaires respecter que | les anglophones, conventions collectives établies par un organisme gouvernemental connu sous le nom de British Columbia Public School Emplo- les yers Association (BCPSEA). C’est done BCPSEA qui détermine les niveaux de salaire que le CSF est tenu de payer aux enseignants. Ce qui, du point de vue du directeur général de l’APFCB, est contraire a Parrét Mahé qui stipule qu’il appartient aux conseils scolaires francophones, conformément a Particle 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, de gérer et de contréler le systéme d’enseignement _ francophone. Selon cet arrété de la Cour supréme du Canada, les conseils scolaires francophones ont, toutes les fois que le nombre d’éléves le justifie, « le pouvoir exclusif > d’embaucher des enseignants et de déterminer les budgets alloués & ces enseignants. La détermination du niveau de salaire des enseignants par BCPSEA ne serait _ par conséquent rien de moins que la négation du « pouvoir exclusif du CSF sur son budget ». La loi est une chose et Ja réalité en est une autre. La loi confére en effet au CSF le droit de contrdler Péducation pédagogique et cul- turelle francophone. Mais, pour _ Marc Gignac « il est impossible pour le CSF d’avoir le contrdle de la gestion pédagogique si, dans les faits, il n’exerce aucun contréle sur les ressources matérielles et humaines qui conditionnent le bon fonctionnement de I’édu- cation francophone. En réalité, le droit de gestion et de contrdle de la qualité de I’éducation péda- gogique et culturelle obtenu par le CSF dépend étroitement du bon vouloir des districts scolaires anglophones >. Par ailleurs, si le CSF conclut, comme il Je fait actuellement, une entente de services avec un district scolaire anglophone dans le but @offrir tout ou partie d’un programme d’éducation, les éléves inscrits & ce programme sont considérés comme des éléments du district scolaire —anglophone. «Comment, ajoute Daniel Le Scieller, est-il alors possible de parler d’un quelconque contréle du .. CSF V’éducation francophone ? » Ces décalages entre la loi et la réalité concernent également la disposition législative qui re- connait au CSF le droit de propriété. Les deux dirigeants de V?APFCB estiment que le « droit de propriété » est loin de signifier que le CSF pourrait par exemple sur construire, créer une école homogéne dans des _ délais raisonnables. Car, pour ce faire, il lui faudrait demander un permis de construire qu’il peut attendre des années durant en ce sens que rien W’indique dans le projet de loi que le CSF aurait priorité sur les autres demandeurs. Juridiction tronquée et irritants Le territoire juridictionnel du CSF constitue aussi un grand sujet d’inquiétude pour PAPFCB. Le CSF est un organisme provincial dont la juridiction ne s’étend que sur une partie de la province, & savoir I’fle de Vancouver Sud, I’ile de Vancouver Nord, la région de Vancouver et la vallée du Fraser (jusqu’aé Chilliwack). L’éducation francophone dans le reste de la province est sous la responsabilité des districts scolaires anglophones. On a donc deux _ systémes d’éducation francophone. Le premier est géré par le CSF et le second par les 15 districts scolaires anglophones qui, selon Mare Gignac, ont des visions trés différentes en matiére d’éducation francophone. « Il importe, pour- suit-il, d’étendre le territoire juridictionnel du CSF si on veut optimiser la gestion des ressources. En plus, le nombre d’éléves, susceptible de suivre une programmation francophone dans ce qu'il est convenu d’appeler le reste de la province est, selon Statistique Canada, aussi élevé que celui des éléves présents sur le territoire juridictionnel du CSF. » L’APFCB déplore l’absence de mécanisme de résolution des conflits qui pourraient résulter des ententes ou des __ tentatives d’entente entre le CSF d’une part et les districts scolaires anglo- phones de l’autre. Les districts scolaires anglophones peuvent refuser de louer des écoles au CSF s’ils estiment, par exemple, que le prix proposé par ce dernier est trop bas. Ils peuvent aussi fixer des prix de location trop élevés. Daniel Le Scieller entend proposer au législateur le mécanisme de résolution de litige que voici : si le CSF est dans Vincapacité de conclure une entente avec un district scolaire donné, alors il peut demander au ministre de recourir & Parbitrage d’un individu ou d’un comité. Les deux parties devront alors se soumettre aux décisions de Parbitre. Selon Marc Gignac, le projet de loi ne tient pas véritablement compte des particularités et des besoins spécifiques du programme francophone. Ainsi, le préscolaire ne figure pas dans le mandat du CSF qui n’inclut que les classes allant de la maternelle a la douziéme année. « Or, affirme+z-l, le préscolaire est quelque chose de vital pour l'éducation francophone puisqu’il nous permet de mettre les enfants sur la voie qui méne a Pécole francophone. Négliger le préscolaire c’est pousser les enfants 4 intégrer le systéme anglophone. Et si tel est le cas on ne les revoit plus. Il s’agit par conséquent d’une dimension importante dans l’entreprise de francisation. Le mandat du CSF devrait donc engloger le préscolaire. » Daniel Le Scieller abonde dans le méme sens pour ce qui est du postsecondaire et de l'éducation communautaire. La question du droit de vote est un autre sujet d’inquiétude majeure pour l’APFCB. En effet, les parents francophones qui sont sur les listes du CSF perdent automatiquement leur droit de vote dans les conseils scolaires anglophones, méme s’ils ont des enfants inscrits dans les écoles anglophones. Et Marc Gignac de s'indigner : <« Au nom de quelle logique aberrante fautil renoncer a des droits pour pouvoir en acquérir d’autres ? » Le refus du législateur d’accorder & l’organisme chargé de Péducation francophone — en Colombie-Britannique le droit d’expropriation irrite — pro- fondément les membres de PAPFCB. «Pourquoi, nous dit Monsieur Gignac, refuser au CSF ce que l’on a accordé & ses pendants anglophones ? Y aurait-il deux poids deux mesures ? » Le modéle terre-neuvien En fait, ! APFCB voudrait voir PAssemblée législative britanno- colombienne voter une loi qui s’inspire profondément de celle qui est en vigueur 4 Terre-Neuve. Le gouvernement de cette province a consulté ensemble des acteurs oeuvrant dans le domaine de Péducation avant de promulguer une loi sur mesure. Cette loi répondrait & la fois aux besoins des parents francophonnes et 4 ceux des autres intervenants. « Le gouvernement de Terre-Neuve a, en méme temps que la création du Conseil scolaire francophone, transféré & institution en question les ressources nécessaires & son bon fonctionnement, c’est-d-dire un certain nombre d’écoles et des enseignants », précise Marc Gignac. Le directeur général de PAPFCB considére qu'il importe de replacer cette effervescence juridique dans le contexte, & savoir la volonté de réparer « un tort historique », l’assimilation des francophones hors Québec. Mais locéan anglophone dans_ lequel baignent les francophones hors Québec, peut-il a lui seul expliquer la question, pour le moins controversée, de assimilation des francophones ? Les francophones ne sontils pas en partie responsables de leur assimilation ? LipassE NIANG ~ Phone: (604) 327-9686 Fax: oa 325-3802