4 4 Arts et Spectacles 11 Chante1®/ ta, chanson Une série de Agence de presse francophone Mieux vaut chanter dans les deux langues si on veut survivre Edith Piaf. La légendaire chanteuse frangaise n’a pas d’égal en Colombie-Britannique mais sa réputation a servi de tremplin a Joélle Rabu pour lancer sa carriére. Rabu est cependant I’exception qui conforme la régle dans le monde musical frangais al’ouest des Rocheuses. Elle peut vivre de son produit musical. a situation est cependant difficile pour les chansonniers francophones. “Maudit que c’est dur de chanter en francais dans la province,” Claude Champagne affirme sans aucune hésitation, Claude Champagne, gagnant a deux reprises du gala provincial de la chanson. Il y a peu d’occasions de se produire en frangais et cela ne suffit pas pour vivre. Champagne n’a pas le choix, il travaille sur les chantiers de construction pour gagnerson painquotidien. Aucours des derniéres années, il a donné des spectacles dans des cabarets anglophones en chantant aussi en frangais. “Méme si le public aimait ma musique et essayait de me dire bonjour, j’ai été barré. Je pense que¢a vient dela direction” laisse entendre le chanteur de rock. Patrick Filion, un des gagnants du gala provincial en 1992, a quitté Prince George, située dans le nord de la province, pour s’établira Vancouver dans un plus grand marché. En 1990, ila donné sontout premierspectacleau Cercle des Canadiens-frangais, l’association francophone de Prince George, ville oi il a aussi chanté dans les deux langues officielles du pays. “J’aime chanter en anglais et en francais. Je ne veux pas avoir a sacrifier une langue ou l’autre. Je veux toucher le plus de gens possible et ce, sans faire de compromis” déclare l’interpréte de 19 ans qui réve d’une carriére a la Céline Dion ou 4 la Mitsou. Il travaille actuellement en collaboration avec V’auteur-compositrice Simone Gélinas 4 la production d’un disque et son emploi pour le Conseil-jeunesse lui permet de vivre. Occasions trop rares Chanter unique- ment en _ frangais s’avére difficile, sinon impossible car les véritables occasions de chanter dans la langue de Moliére ne sont pas légion. Le Festival du Bois de Maillardville et le festival Franco-Fun, quelques rencontres sociales organisées par les associations franco- phones, voila bien peu d’ occasions pour garnir les poches d’un artiste. L’attrait de la langue anglaise, 4 cause du marché, est sans équivoque. Joélle Rabu l’a vite compris malgré le succés de Piaf Tonight. Ce spectacle qui recrée le dernier concert de Piaf a New York en 1961 I’a instantanément élevée au rang de chanteuse extraordinaire, un véritable conte de fée pour une serveuse.. Femme de principes, elle se déclare ni francophone, Mika anglophone mais Canadienne. Cela explique en partie pourquoi elle chante dans plusieurs langues. “La mélodie nous dit dans quelle langue onva la chanter? explique la chanteuse d’origine francaise qui a grandi au Canada. Compositrice et interpréte, Chantal Morin w hésite pas a prendre son baluchon et se promener. Elle arrive d’une tournée en Malaisie, s’arréte quelques jours 4 Vancouver, le temps denregistrer . une composition pour une piéce de théatre et elle repart dans les Rocheuses a Jasper pour assurer le divertissement musical dans un bar. La vraie vie d’artiste, mais qui ne peut malheureusement pas chanter uniquement en francais. La principale agente d’ artistes francophones n’a pu étre .Tejointe pour ce reportage. Son numéro de téléphone a été débranché, détail qu’on peut peut- étre traduire par des difficultés de survie. Milieu scolaire La clientéle scolaire est un marché paralléle a celui du grand marché populaire. Les écoles d’immersion et du programme- cadre achétent beaucoup de spectacles francophones. Anglophone qui maitrise bien le Joélle Rabu, l'exception qui confirme la régle. francais, Charlotte Diamond a fait carriére dans ce milieu estudiantin. Elle en vit. de Le Soleil de Colombie maniére- professionnelle, en anglais et en frangais, depuis 1985. “Je donne environ 200 concerts par année, Le festival du Bois, une des rares occasions pour les artistes francophones d'étaler leur talent. de Yellowknife a San Francisco, sans oublier Vest canadien et d’autres Etats américains” précise la Britanno-Colombienne qui a gagné un prix Juno en 1986. Claire Throness a aussi un pied dans le monde scolaire. Son héritage lui permet aussi bien de chanter en frangais qu’en anglais. Son autre pied est dans le monde des adultes, par l’intermédiaire du groupe Réve Acadien. “Ses disques sont un _ bon vendeur” affirme Evelyn Gildenhuys, propriétaire de deux librairies dans la région vancouvéroise. Elle fait remarquer que sa clientéle est surtout composée d’anglophones dont lesenfantssont en immersion. Les francophones représentent une faible partie de son marché autant pour le matériel scolaire que populaire. Les ventes de disques frangais sont peu élevées maisstables. “Jecrois que les francophones se procurent direc- tement les disques au Québec” dit-elle pour expliquer leur peu d’intérét. En raison de la faible demande, le disque francais récent est _ difficile a trouver. - Evelyn Gildenhuys cite en exemple Valbum de Mitsou. Nathalie Fournier, de Victoria, abonde dans le méme sens. “La distribution des disques québécois sur le marché tels Richard Desjardins et Carole Laure est le probléme le : plus important auquel se heurtent les mélomanes.” Les disquaires offrent surtout une sélection qui date un peu. Un peu de lumiére Sans aucun doute, le gala provincial de la chanson incite les auteurs, compositeurs ou interprétes 4 se produire en francais. Le nombrede participants a augmenté sensiblement lors de la seconde éditionde 1992. Dans cette foulée, les organisations francophones font des efforts pour promouvoir les artistes locaux. Le Centre culturel francophone de Vancouver met la touche finale 4 un projet qui srecréera l’ambiance d’une soirée musicale au cabaret. Les artistes francophones seront a |’honneur. La Fédération des francophones de la province vient d’ajouter un volet culturel 4 son mandat. La politique est globale mais on veut aider les artistes francophones quelque soit leur domaine, y compris la chanson. Les Francofolies, événement culturel francophone majeur, a présenté plus de dix spectacles dont un mettant en vedette l’artiste local Claude Champagne. Les artistes francophones de |’extérieur de la Colombie-Britannique n’ont pas " suremplirles salles. Le producteur Régis Painchaud croit donc qu’il faut d’abord créer une base solide avec |’événement. Ensuite on pourra intégrer plus facilement les artistes locaux. L’effort est 1a mais la chanson frangaise a besoin d’un s€érieux coup de main poursurvivre uniquement dans cette voie. La question du marché est primordiale sinon on devient un adepte de la ~_ langue de Shakespeare. Daniel Bélanger Vendredi 8 janvier 1993