et homme-aux-cheveux-gom- == inés serra immédiatement les mains des deux autres vagabonds. Il parlait allemand et francais et il expli- qua a la dame-de-Montréal que lui et ses compagnons étaient des vagabonds, ou personnes sans domicile fixe et qu’ils vivaient dans les trains et les gares grace au gouvernement suisse qui, dans sa grande mansuétude, four- nissait aux gens de leur acabit des per- mis spéciaux leur permettant de voy- ager sans payer. “Pourquoi voulez-vous vivre seule- ment dans des trains et des gares?” demanda la dame-de-Montréal. “Pourquoi pas?” répondit |’homme- au-vieil-imperméable. “Les wagons sont chauffés et |’6n dort trés bien dans un train. Vous savez, le train berce les voyageurs en répétant différents mots BREECH DRA SKEEOOCO OD RE EEEEOSOD RRA EEES «Ces gravures étaient trés anciennes : elles semblaient avoir été réalisées au dix-neuviéme siécle» SPCR DELO o ERED DELCO HERG DDH SEC OD EE selon les rails sur lesquels il passe. Quelquefois on peut entendre ainsi va la vie...ainsi va la vie, d’autres fois c’est Coire-cloc-Coire ou encore comme maintenant Samedan- Samedan-Samedan. Cela pouvait aussi étre Scuol-cloc-Scuol-cloc...Dans un train il y a des toilettes et des lavabos ou |’on peut se laver, un wagon- restau- rant ot l’on peut manger si l’on a quelques sous et surtout une vue incomparable de paysages différents: ponts, tunnels, foréts, villages, chateaux médiévaux appuyés sur les flancs des montagnes et méme des lacs aotit/septembre 1998 L ‘Habit ne fait pas le moine Nouvelle humoristique de Marie-Elizabeth Taggart dont |’eau argentée refléte les wagons des trains et les pics des montagnes. En somme, c’est une vie douce pour quelqu’un qui n’a plus de valeur ou de role dans la société et qui ne peut compter sur aucun revenu ou douceur familiale.” “Et alors, ajouta |’ homme-aux- cheveux-gominés, “avec le train on peut s’arréter 14 ot l’on veut et se promener dans les villages et la com- pagne avoisinante avant de repartir. Les villages suisses ont des poubelles recelant de nombreux trésors. C’est incroyable combien de choses sont jetées par les Suisses. Voulez-vous voir ce que j’ai trouvé hier dans les poubelles de Coire?” En méme temps, l’homme-aux-cheveux-gominés sortit de son sac une liasse d’eaux-fortes qui montraient des paysages de la Suisse: des montagnes, des foréts, des villages et des chateaux. Ces gravures étaient certainement trés anciennes: elles sem- blaient avoir été réalisées au dix-neu- viéme siécle. La dame les admira et jeta un coup d’ oeil intrigué 4 l’homme- Illustrations par Jean-Paul Vinay 2eMe partie au-vieil-imperméable et a |’homme- corpulent. Ces deux-la, qui discutaient en allemand, montrérent 4 celle-la de maniére éloquente que leurs bouteilles de vin étaient vides. La dame-de- Montréal comprit le message et com- manda 4a un serveur, poussant un petit chariot plein de petits pains, de viandes froides, de sacs de chips et de boissons, trois biéres fraiches qu’elle s’empressa de répartir parmi ses compagnons de voyage. Ces derniers burent goultiment leurs biéres pendant que le train, fuyant le coucher de soleil, se précipitait vers l’Engadine (partie haute des Grisons) sur des roues chantant Samedan- Samedan-Samedan. A Samedan, ils montérent tous dans un petit train qui descendait vers Scuol. Ce train, comme celui qu’ils venaient de quitter, roulait sur des rails beau- coup plus étroits que ceux de Zurich et de Coire. De ce fait, les wagons se bal- ancaient fortement d’un cété 4 |’autre en passant dans de nombreux tunnels accrochés aux flancs des montagnes. Dans les wagons, pour la premiére fois, il y avait des affiches publicitaires écrites en romanche aussi bien qu’en allemand. LU Les dames-aux-lévres-pincées avaient disparu dans une gare et celles qui les avaient remplacées étaient souriantes et calmes. Bientét, il ne resta plus dans le wagon que quelques enfants avec leurs mamans et deux ou trois vieil- lards aux vestons verts foncés et aux chapeaux a plumes. Le train de Scuol se balangait dans la nuit sur ses rails,