; y ba 4 a e % [$3 Le Soleil de Colombie, vendredi 31 aoat 1979 11 Une tigure du passé: Simon Fraser (1776-1862) LES ENFANTS DE SIMON FRASER De tous les enfants de Simon Fraser et de sa fem- née Catherine MacDonell, il y a relativement peu de choses 4 dire, si ce n'est les continuelles demandes de subsides au Gouvernement Canadien, afin de les soula- ger de leurs pénibles condi- tions de vie, aprés le décés de leurs pére et mére, subsides accordés bien longtemps aprés avec une parcimonie révoltante. Toutefois, nous ne devons > pas oublier qu’un_ seul enfant émergea du lot; il s'agit de John-Alexander (1833), la fierté de la famille. Ii recut une bonne instruc- tion. Ingénieur-civil, aprés la mort de son pére, en 1862, alors agé de 29 ans, il décida d’aller chercher fortune en Colombie-Britannique. Nanti de lettres de recommanda- tion, dont celle de Lord Monck, Gouverneur-Général du Canada, du Duc de New- castle, Secrétaire d’Etat aux Colonies, de John Alexan- der, par la suite, n’eurent pas de brillants succés, ce qui occasionna de sérieuses difficultés financiéres aux- quelles il ne put faire face, déprimé par l’abandon de sa bien-aimée, qui affecta son équilibre mental, inquiétant ses amis venus pour le réconforter, ils ne trouve- rent qu’un cadavre littéra- lement baignant dans son sang; ce qui fit dire 4 un pionnier-ami, Harry Jones, a l'instar de Macbeth, assassin du roi Duncan, “Je n’ai jamais su qu'il y avait tant de sang dans un corps hu- main”. John-Alexander s’é- tait coupé la gorge. D’une famille trés catholi- que, on est surpris d’appren- dre que son enterrement s’est déroulé, en grande pompe, suivant le rituel maconnique, le cercueil por- té par ses fréres macons, venus d’ailleurs en grand nombre, tant il bénéficiait d’une grande considération dans la région. Le périodi- que “The Cariboo Sentinel”, dans son éditorial du 6 juin 1865, relate cet enterrement avec force détails accompa- gnés d’éloges. Un fait 4 signaler: Robert Stevenson, un pionnier des Cariboo, devenu voisin de la famille Fraser a Saint An- drews, se piquant d’étre romancier, a laissé des Mé- moires que W.W. Walkem publia dans son ouvrage “Stories of Early British Columbia” Vancouver (1914) [SUITE] 3 al ee OT DA pen . ae oS aggeN ER ae ~ ee Buste de Simon Fraser, oeuvre du sculpteur Louis Hébert. ot on reléve que Simon Fraser hypothéqua sa ferme afin d’avoir des fonds pour que son fils John-Alexander puisse disposer de quelques — moyens pour aller chercher fortune dans la région auri- fére des Cariboo, action mé- ritoire, mais combien impru- dente. Imprudente elle le fut, ne pouvant faire face aux échéances de l’hypothe- que, la forclusion fut décla- rée avec ses suites désas- treuses. Nous ne pouvons pas pas- - [SUITE] En lui, aucune passion, mais une immense sérénité, en harmonie avec la beauté de cette nuit; sur le feu qui tombait, quelques brancha- ges secs ranimaient, par instants, les braises rou- geoyantes. Alors, une lueur montait aux cimes des grands arbres et sur le sol et la vieille cabane dansaient comme des Morts les ombres des vivants. Le vieux Jo se taisait, fixant peut-étre dans le jeu mouvant de la flamme des visions des ans révolus. Et moi qui conservais, malgré la vie: rude des années précédentes, les réves de poéte de la prime jeunesse, jétais ensorcelé par la gran- deur et la magnificence de Vheure: un chat-huant pas- sait sans bruit, comme un gros flocon blanc, et jetait aux hotes de la nuit son appel attristant; parfois, au loin, le profond miaulement d’un grand lynx en chasse faisait frisonner d’impatien- ce les chiens couchés en rond. De la riviére toute proche montait le bruit des eaux rapides déchirées par les roches. C’était bien la toute la symphonie des mille -bruits de la nuit qui bergait tendrement le silence des _ hommes. La lune était déja haute dans le ciel quand nous nous. ST Et dés demain l’aménage- ment du départ allait encore absorber de longues heures: recherche des “cayuses” du vieux Jo, en liberté quelque part dans les “sloughs” e amont du cours d’eau, ensui- te choix des chevaux qui devaient nous accompagner; enfin, derniers avis de ce beau vieillard dont la voix, toujours lente et égale, sem- blait porter en elle la sages- se des anciens chefs. Le reste de la nuit s’écoula dans le calme de ce coin de forét, loin de la folle et trépidante civilisation. Aux premiéres lueurs de l’aube, des écureuils effron- tés menaient déja, sur le toit de terre de la cabane et dans les branches des arbres voi- sins, une sarabande effré- née, se poursuivant avec des cris aigus. Dans les marais tout proches que drainait vers la riviére un creek dont la beauté efit inspiré un peintre, les canards sauva- ges et les poules d’eau s’appelaient dans les joncs. Et déja Jo était devant sa porte, semblant prendre possession de la journée naissante. Le breakfast avalé, il fal- lait trouver les chevaux: nous nous attendions a un travail pénible et fatigant, car les pistes se mélant, il we gle de s’y reconnatf- Le leader de la eeee a. wot oe Ba Re bien, au cou, une grosse clochette, comme les clari- nes de nos vaches, dans les alpages de chez nous, mais cependant, nous pensions devoir connaitre une mati- née ardue dans le bois et les broussailles. Mais le vieux coquin de Jo avait une fagon personnelle de retrouver ses chevaux, et sans fatigue: il avait dressé ses chiens et les envoyait de temps en temps a la décou- verte de la bande qu’ils ramenaient au camp pour linspection du maitre. De sorte qu’a peine aprés une demi-heure d’attente, nous entendfmes dans le lointain, étouffés par la mas- se des frondaisons, les sons, | l'un grave, l'autre plus aigu, des deux sonnailles que por- taient le maitre du troupeau et un de ses compagnons. Et, peu de temps apres, la bande débouchait tranquille- ment dans la clairiére et entrait d’elle-méme dans le corral au centre duquel se’ trouvait l’abri servant d’écu- rie d’été. Il y avait 14 une douzaine de bétes, de cette espéce rustique descendant des che- vaux sauvages qui furent les montures des anciennes tri- bus de la Prairie. Le poney de pack (paquetage) n’est pas un gros modéle de cheval; par métissage, il a donné naissance a cette _ an AoeeSY race de chevaux indiens (cayuses), intrépides, faciles a nourrir, ayant par instinct la connaissance des lieux et des dangers de la région; pied sir aussi bien dans le bois, sur les arbres tombés, que dans les roches et les marais. La nourriture, pour eux, consisterait en l’herbe verte, au bord des lacs ou des sloughs que nous rencon- trerions ou quelque bonne place ot les pois sauvages auraient poussé leurs épais- ses ramifications. C’étaient la largement suffisant pour les alimenter de facon saine et confortable; or, en sur- plus, nous avions prévu pour la quinzaine approximative de notre voyage, un appoint en avoine, soit dans les cinquante kilos de grains. Car nous tenions a4 maintenir en parfaite condition ces compagnons de route dont la vigueur et la santé devaient étre, pour nous, gages de tranquillité et de sécurité. Il nous restait donc, aprés avoir choisi, sur les conseeils de Jo, les bétes qui nous escorteraient, 4 rencontrer au mile 176 pouur prendre le matériel que nous avions laissé & notre arri - vée. Nous partimes au début de l’aprés-midi avec les trois chevaux, ce qui devait nous servir de répéti- tion, et PRE: eux. ae ‘galop d’ onsale: ss — “Xo events al bavtisa ithe! & ser sous silence, un geste également méritoire de la part de John-Alexander Fra- ser a l’égard de son pére, peu de temps avant la mort du “vieil homme”. II s’agit d’un mémoire que John-A- lexander adressa au périodi- que le “Hastings Chronicle”, de Belleville, publié le 12 février 1862, dans lequel il met en évidence tous les faits et gestes de l’auteur de ses jours, trop ignorés par le grand public del’ époque -- mémoire qui semble avoir été dicté par Simon Fraser, déja agé de 86 ans, mais jouissant encore d’une cer- taine lucidité d’esprit. Le mémoire est long, mais c’est un apport riche pour les historiens. Marjorie Wilkins Camp- bell, dans son ouvrage “The Savage River”, publication MacMillan of Canada, Toron- to, écrit que les expéditions de Simon Fraser requiérent peu d’attention de la part du Gouvernement Canadien, parce qu'il jugeait qu’elles relevaient uniquement d’ac- tions commerciales intéres- sant la fourrure, avec tout ce que cela comporte. M. W. Campbell ajoute que la ruée vers |’or de 1958, attira l’attention du monde entier, et que Simon Fraser, par l’établissement des C’étaient trois belles bétes pas trés grandes, mais trés bien charpentées, deux blan- ches, l'autre pinto (pie): une pour le matériel de campe- ment et de couchage, phar- macie de route et carabines; une autre pour les provi- sions “hommes”, enfin la derniére pour l’avoine et le petit matériel de lavage, cette charge moins lourde et, pour cette raison, devant faire l’objet d’un change- ment de porteur, pour repo- ser les autres. Nous empor- tions aussi, pour chaque poney, une paire d’entraves et une clochette fournies par Jo. Sur le conseil de ce der- nier, le pinto fut placé com- me leader poste qu'il tenait, parait-il, fort bien. C’était un cheval fier, vrai “cayuse” d'Indien, qui savait marcher dans le bois, frayer son chemin et ayant un pas régulier, pas trop dur pour ses suiveurs. Le voyage se fit, aller et retour, rapide- ment et sans histoire, ce qui nous mit en confiance pour notre véritable expédition. Le départ fut fixé au lendemain, aux premiéres heures de l’aube, car. nous étions limités par le temps et nous avions a peu prés dans les quatre-vingts miles a faire pour parvenir au terme -de notre voyage, prés de Yembouchure d’un petit af- | fluent de la riviére qui n’était pas marqué sur les s 55¢artes eenevaee Aga) ein e120. ert jus 3m “trading posts” a jalonné la route pour les futurs pion- niers. Malheureusement pour lui, son fils, non tout un pays reconnaissant, eut a rappeler au Canada, alors naissant, que Simon Fraser, et par lui, il assura a la Couronne britannique, la nouvelle colonie de la Colom- bie Britannique. _ Nous laissons dire a Mar- jorie W. Campbell, que com- me fondateur du plus anci- en et toujours habité de blancs dans la province, c’est le Fort MacLeod, et, comme explorateur du fleuve qui, plus tard, portera son nom, Fraser peut étre considéré comme le grand-pére de la Colombie Britannique et é- galement de la Confédéra- tion du Canada. Marjorie Wilkins Camp- bell va, croyons-nous, trop loin... cette paternité doit retomber sur deux autres explorateurs d’envergure, Sir Alexander MacKenzie et David Thompson. [A SUIVRE] les Indiens ou prospecteurs appelaient “White Rock Ri-: ver” parce qu'il était dominé par une barriére de rochers d'un blanc éclatant. Nous emportions avec nous une carte de relevés d’arpen- teurs que nous avions pu nous procurer 4 Edmonton, au bureau des Terres, et qui donnait une idée approxima- tive du cours de la grande riviére, avec marais et re- liefs. Donc, au petit ma- tin, un de ces magnifiques matins ov le soleil pointant sur l’horizon du levant sem- ble donner un coup de pein- ture fraiche au vert des frondaisons encore humides de la rosée nocturne, nous quittames Jo et son home accueillant et primes la piste qui, descendant vers la ri- viere, allait d’abord, pendant quatre ou cing miles, nous faire remonter son cours jusqu’au passage du premier gué. Cette marche a tra- vers taillis et bois, et pres- que au bord de I’eau, nous semblait une promenade. La piste, bien qu’a peine visible par endroits, était relative- ment facile 4 suivre, peu encombrée de bois tombé, car la proche présence du vieux Jo s’y faisait encore sentir. Les poneys suivaient sans difficulté et le pinto faisait trés bien son métier de leader, sans ie a se ni paresse. eer) Soto.