Le Moustique ! ... Pacifique En 1833, dans une lettre 4 Madame Hanska, Balzac avait dévoilé un projet d'écrire un livre qu'il intitulerait "La bataille". Malgré une visite des lieux, des rencontres avec des témoins, les notes prises, les idées qu'il entend développer, par exemple, "“j'entreprends de vous initier a toutes les horreurs, a toutes les beautés d'un champ de bataille", Balzac n'écrira jamais ce livre. Or, voila que plus de150 ans plus tard, Patrick Rambaud reprend I'entreprise abandonnée par Balzac. La bataille dont il s'agit est celle qui opposa la Grande Armée de Napoléon a celle de l'archiduc Charles de Habsbourg a Essling, prés de Vienne, en mai 1809. L'Histoire ne semble guére étre une science trés objective, puisque Le petit Larousse qualifie cette bataille de "difficile victoire des Frangais sur les Autrichiens", alors que selon Le petit Robert, ce fut "un combat sanglant et indécis", soit plut6t un match nul. Le livre de Rambaud (au nom prédestiné?) est surtout ce qu'avait envisagé de faire Balzac, soit une longue description du combat "comme si vous y étiez". Napoléon n'était empereur que depuis cing ans en 1809 que déja son empire montrait des signes de déclin. Sa flotte avait été détruite a Trafalgar et son armée était fortement malmenée en Espagne. Le grand ennemi était pourtant |'Autriche qui fomentait coalition aprés Coalition contre le tyran corse. Rambaud nous présente Napoléon pris sur le vif, grossier dans son langage, vulgaire dans ses maniéres, autoritaire, colérique, embrassant ou giflant a plaisir, attisant la bisbille entre ses généraux pour mieux les dominer. Les soldats se jettent sur l'ennemi avec fureur; on s'empoigne, Volume6 - 7¢ édition Une critique de Pau Genuigt Le livre que Balzac voulait écrire. ISSN 1704 - 9970 Juillet 2003 elses Es Ee on se sabre mutuellement, on s'embroche, on s'éventre, on s'étripe a longueur de pages comme dans la série des Astérix, on se tire dessus, méme siil faut trois minutes pour recharger les fusils, on esquive les balles en se baissant, on coupe jambes et bras, les canons font sauter les tétes, on nage dans le sang; c'est vraiment comme si vous y étiez. Soldats et officiers pillent, violent, assassinent les civils, clouent a la baionnette les enfants dans leurs berceaux, et acclament leur empereur. La bataille d'Essling dura une trentaine d'heures. Bilan: quarante-trois mille tués (ce qui fait vingt-quatre a la minute), et en plus, pour la seule Grande Armée, onze mille mutilés. L'auteur réussit fort bien a montrer “les horreurs" du champ de bataille. Mais ou sont "les beautés" promises par Balzac? Paul Genuist Paul Genuist, qui a fait carriére a I'Universté de la Saskatchewan, a Saskatoon, a été nommé professeur émérite de cette Université en 1994. Il habite maintenant a Victoria en Colombie-Britannique avec son épouse Monique. Il a publié quelques livres dont Alain-Fournier face a l'angoisse aux Editions des Lettres Modernes, Paris, et Marie-Anna Roy, une voix solitaire aux Editions des Plaines, Saint-Boniface. 3