ae Aprés que les derniéres lueurs rougeatres d'un beau couchant eurent cessé d’illu- miner ce calme horizon éten- du devant elle, Bérengére Ambus* songea qu'il était temps de regagner sa demeu- re, et seule sur la route sinueuse que suit par bout la Jacques-Cartier, elle hata le pas dans la neige molle nou- vellement tombée, tandis qu’une brise chassant de Vouest, lui cinglait le visage, ~ agitant du méme coup les. branches des hauts sapins recouvertes de givre et de frimas. Déja c’était le crépuscule; en décembre, le jour raccour- cit plus tét qu’a l’ordinaire, et bien souvent dans la campa- gne, la pénombre vient sur- prendre le promeneur qui s'attarde. Emmitoufflée Elle marchait toujours, tou- te emmitoufflée dans ses four- rures, lorsque soudain, au détour du chemin deux sil- houettes humaines se _préci- sérent, qu'elle ne se remit pas tout de suite. - Ah ca Bérengére, nous t’y prenons a révasser en pleine solitude! A quoi donc songes- tu si fort pour ne point reconnaitre tes amis? Béren- gére se troubla un tantinet. _ + Machére Odile, c’est pure distraction, et je m’en excuse. En effet je regardais les souches de ces malheureux sapins que l’on a coupés de part et d’autre pour en faire des arbres de No#l, et qui font une trouée le long de la route d’oti s’engouffre le vent. Quel dommagel - Toujours sentimentale et toujours plus belle, murmura Pierre en s'inclinant. La jeune femme renversa sa jolie téte blonde: - Cher ami, vous exagérez comme un poéte... assura-t- elle en riant. vous savez, poursuivit-il enco- re en la menacant du doigt. Mais elle demeura silen- cieuse, et comme il persis- tait a la regarder, elle fit diversion. — - Et toi Odile, que deviens- tu? = - Moi, ma Chere, j'arrive justement de Québec ov j'ai passé une semaine a visiter les étalages des beaux magasins. Mais c’est demain |’anniver- saire de papa, alors je suis revenue au “Bois-dormant”, et j'ai ramené ce grand frére qui a consenti a délaisser les _- Pour retrouver les Fées. . . s'y connatit, — eee ee eee ee eee eee Le Soleil de Colombie, vendredi 17 décembre 1982 — 7 Une nuit de Noél dans les Laurentides Un récit de Guy Nemer acheva Pierre fermant a demi les yeux. Odile fusa de rire. ‘ - Il est galant mon frére, n’est-ce pas Bérengére? - Trés dix-septiéme siécle. Pierre Delorme se récria aussitot: - Comme vous me jugez! Au fait, c'est gentil tout de méme. Il avait dans la voix une nuance dironie, mais ni l’une ni l’autre ne pouvait définir s'il était sérieux ou simple- ment badin. Bérengére sourit, de ce sourire énigmatique qui avait parfois le don de plaire ou dirriter. é Puis elle annonca comme ca, tout d’un trait: - Mes amis, je vous quitte. - Dis donc, aprés la messe de minuit, nous te reverrons au réveillon des Mercure? interrogea Odile indécise. - Probablement. - Avec ton mari? - Sans doute, a moins qu'il décline l’invitation, C’est un sauvage qui se tient a l’écart des mondanités. - Oh ga alors, il faudra venir quand méme, tu sais, fit la jeune fille perplexe. - Ce ne sera pas possible. - Et pourquoi donc? - Parce que je ne puis laisser Emmanuel seul un soir de Noél. - Mais il n’a qu’a t’accom- pagner, n’est-ce pas Pierre, fit-elle en s’adressant a son frére, Ce dernier hocha la téte: - Je serais le premier a sou- haiter leur présence a cette réunion traditionnelle. Bérengére sourit. - Tu vois, alors au-revoir chérie, a ce soir. - Bonjour petite madame, ajouta Pierre en se décou- vrant. e Depuis ce jour étrange La jeune femme agita la main en guise de saluta- tion, et leurs voix joyeusement confondues se perdirent dans le vent. Bérengére Ambrus n’était pas trés heureuse, et les voi- sins du “Bois-dormant” s’en doutaient quelque peu, de- puis le jour étrange, pas trés loin encore ot un léger froid s'était glissé entre les deux villas, sans pour cela les diviser complétement. Depuis deux ans environ, elle était devenue 1’épouse d’Emmanuel Ambrus, peintre paysagiste de grand mérite, qui la redoublait d’age, et dont les gotits comme les idées étaient souvent en opposition avec les siens. Pourtant Em- manuel Ambrus aimait vrai- ment sa jeune femme, mais il ressentait en sa présence un brin de jalousie née d’une impression douloureuse, que la maturité éprouve vis a vis de la jeunesse épanouie. Parce qu'il oubliat difficile- ment cet espace d’une généra- tion qu'il y avait entre eux, il ne se rendait point compte qu'une trop sévére existence menée a deux seulement, dans une belle solitude, ne pouvait -suffire éternellement a une jeune personne avide de plai- sir et de distractions. L’Art restait pour lui, l’oc- cupation premiere, il s’y li- vrait sans contrainte, avec toute l'ardeur de son ame d’artiste, cependant qu'elle ne possédait que son bel amour enfoui au fond des “Aubret- tes”. Aussi l’ennui la vint- elle surprendre a son insu. Le poéte romantique Bérengére avait pour amis les Delorme, des gens trés comme il faut, dont le domai- ne touchait le sien. Odile, une ‘charmante jeune fille de son temps, avec laquelle elle s’était liée d’amitié, et Pierre, le poéte romantique qui savait si bien débiter des madrigaux au clair de lune, sous le feuillage des acacias. C'est ainsi qu'un soir d’aodt passé, de la fenétre de son atelier, Emmanuel Ambrus surprit le jeune homme en train de marivauder. avec la blonde Bérengére, que la chose amusait follement. Des reproches s’en suivi- rent puis une sorte de querelle a laquelle succéda bientét un malentendu qui les sépara moralement, laissant au coeur de chacun une profonde amertume. Néanmoins, la vie reprit son cours habituel, mais la monotonie envahit les “Au- brettes”, car Bérengére espaca ses visites chez les Delorme, et fit comprendre a Odile que le grand frére devait renoncer a poursuivre ce petit flirt dégui- ~ sé, cause de ses malheurs. Aujourd’hui, le _ peintre apaisé, regrettait-il ce mouve- ment de colére envers la jeune femme esseulée, ou bien me- surait-il toute l’étendue de la peine que lui causait cet éloi- gnement de l'amour conjugal a son foyer? Il ne le laissa voir, mais a maintes reprises, Bérengére surprit son regard doux posé sur elle, et cette tristesse au coin des lévres qui lui faisait mal, et qu’elle devinait dans son intuition de femme sensi- ble que le chagrin rendait plus compréhensive, et préte a la réconciliation. Les grelots des traineaux La nuit maintenant enve- loppait tout a fait cette déli- cieuse région boisée des Lau- rentides que l'on nomme Val- cartier, et dans le grand silence de la campagne toute blanche, on percevait le son des grelots de quelques trai- neaux dans lesquels les invités des demoiselles Mercure rega- gnaient leurs demeures, aprés la soirée qui venait a peine de se terminer. Le ciel était sombre et beau, parsemé d’étoiles, et des - rayons de lune projetaient en travers du chemin des ombres grandissantes. Dans la carriole qui les ramenait aux ‘“Aubrettes”, Bérengére assise auprés de son mari, méditait doucement. Elle était encore tout imbue de douceur, de chers souvenirs qu'une musique langoureuse venait de réveiller en son coeur ému. Et puis, il y avait aussi Tattitude du peintre qui n’était pas la méme et qui la soir, Emmanuel se révélait plus tendre, plus humain, comme il ne s’était montré depuis longtemps. Elle se rappelait encore qu’a la sortie | du manoir, il l’avait envelop- pée dans sa pelisse 4 cause du grand froid qui se faisait sentir. Bérengére s’était laissée fai- re, sans rien dire, tandis qu'il lui prenait le bras afin de la guider vers la voiture qui les attendait au bas du perron. Un moment, elle fixa 1’Etoi- le du Soir, l'Etoile de Noél qui se détachait des autres constellations, et dans cette ~naiveté charmante qu'elle conservait toujours a certaines heures, elle formula un sou- hait avec l’espoir qu’il se réa- lisera tét ou tard, suivant le dire... d'une vieille légende anglaise, laquelle avait char- mé son adolescence romanes- que, et qu'elle n’avait jamais oubliée. Ils arrivérent a la villa, et comme il mettait pied a terre, Emmanuel dit simplement: Bérengére, hatez-vous d’aller enlever votre manteau, et venez au boudoir ot un bon feu nous attend. Nous cause- rons un tout petit moment. Légére, elle s’enfuit, sur- prise et troublée ensemble. Une pendule tinta et quel- ques secondes _s'écoulé- rent lentement. Puis elle pa- rut a nouveau. Sur le seuil de la piéce intime, Ambrus I’ac- cueillit. . - Allons Bérengére, venez vite, fit-il dans un sourire, la main déja tendue. Ses doigts prisonniers Elle inclina le front, tout en abandonnant ses doigts menus qu'il gardait prisonniers, et ses lévres vermeilles remuérent vaguement. I] sentait son grand émoi, et pour la remet- tre un peu, il lui laissa le temps de se reprendre; il désigna d'un geste ses favori- tes, deux petites chattes au pelage fauve, aux yeux d’éme- raude, aux longues pattes chaussées de blanc, et qui ronronnaient de _ contente- ment au coin du feu. - Sophie et Mariette vous attendent depuis longtemps, et ne veulent pas encore s’aller coucher. - Les chéres mignonnes! prononga-t-elle enfin, tandis qu'il l'entratnait vers la che- minée oi.se dressait son che- valet recouvert d'un voile sombre. - Vous souvient-il encore des jolis contes de fées, dont il ne reste plus que les images? - Je m’en souviens toujours, vous le savez bien. - Dans ce cas, il vous plaira peut-étre de revoir une page de cet Album que je garde parmi mes plus chers souve- nirs d’enfant? - Bien sar, n’en doutez pas, je vous prie. Déja elle s’émouvait. - Soit. Voici ma derniére toile... fit-il en découvrant brusquement le chevalet, tan- dis que ses yeux inquiets ne la perdaient point de vue. D'un geste spontané, elle joignit les mains, et reconnut son propre visage, toute sa personnalité dans cette nym- phe délicieuse vétue de mauve et penchée au bord d'une source, dans la forét enchan- tée. Le tableau était char- mant et poétique. Une seule étoile percait la fine dentelle des arbres, et se reflétait en l’eau transparente. Et la blonde naiade souriait a VTimage du bien-aimé a peine esquissé dans ce miroir limpide. La jeune femme comprit sur le champ I’étrange allé- gorie, et leva sur le peintre un regard de tendresse. - Emmanuel! balbutia-t-el- le avec joie, tout en se pressant contre lui. Il resserra l’étreinte. - Ma petite fille, murmu- ra-t-il doucement, il ne faut pas oublier l’Etoile merveil- leuse éclairant la nuit de Noél. C'est une magicienne. Ainsi qu’a la Nymphe de notre conte d’hier, Elle vous a rendu le vieux coeur qui vous aime toujours. Reste mainte- nant au petit dieu lare, la tache de redonner 4 notre foyer le bonheur et la paix. émue songea a la légende d’antan. Son voeu le plus cher n’était-il pas com- blé, puisqu’en cette heure silencieuse od tout n'est que — mystére, l’‘Amour comme un Oiseau fidéle, revenait aux “Aubrettes” avec le point du jour. Guy Nemer. Tilbe . Insurance Agencies Ltd Joyeux Noél 4 tous “‘Nous pensons 4 vous”’ Toutes les catégories d’assurances, y compris Autoplan 3361, Cambie, Vancouver V5Z 2W6 Téléphone : mUTS ERVICES PROBLEME 3725 12345678 910Nn12. woonrtout WwW — _4— Type représentatif des E.-U. — Riv. de France. —aliéné. 5- Heoels de cinéma. — Dans tirage. — Sorte de bil- 6— Action de rire. — Faire un noeud 4.. 7— Non préparée. — Condiment. 8— Charge d’un Ane. — Ici. — Fort construit sur Pile de Montréal en 1671. 9— Méme, — Partie d’une piéce qu’un acteur doit jouer. — Saint (espagnol). 10— De la gamme. — Couleur de ce qui est pale. — Pron pers. 11— Bord d’une riviére. — R6ti. 12— Cabane des négres en Amérique. — Blesser. $= VERTICALEMENT — Coups de baguettes. de chou-navet. 1— Divin sacrifice. — Foyer de la cheminée. 2— Petit rongeur. — Fils de Vénus. 3— Eminence. — Prévost des marchands de Paris. ~ 4— Partie du veau. — Marquer de la joie. — Plus mal. 5— Grand lac. — Connaissance d’une chose. — Espéce 6— Temps oii les animaux sont en amour. — Maison 8— Air du visage. — Partie dure du corps humain. 9~ Colére. — Enlever la vie. — Peigne du tisserand. Maison de campagne. 10 Solution d’enseignement. . 7— Petit oiseau jaune. — Espace de terre. Me | | page 35 — Elle prend sa source dans la Perche. 10— De la gamme. — Fragiles. — Pron. pers. ’ 11— Espace clos de murs. — : 12— Méle de la chévre. — Petit chat. HORIZONTALEMENT 1— Toque ronde et plate. — Signal fixe. _2— Com. rurale autonome en Russie. — Titre de nobles- se. 3— Inf. — Appareil au moyen duquel on détermine le nombre de vibrations correspondant a chaque son. — Préfixe. Conversation télépho- nique: — Vous avec les compliments de la fir- me Wirtz, Miesbauer, Holan, Gehagen et Cie. monsieur’ — et aussi les miens, bien que je ne sois qu'un petit rouage anonyme dans la machine. 873-6471 ’ Trouvez les 7 erreurs. SOP — 608