Lee de créaiin Des Brumes aux sables Suite de la premiére partie parue dans Le Moustique du mois d’avril. J’étais accablé. Péniblement, je quittais mon fauteuil, puis, avec des ges- tes d’automate, je me vétis, chaudement. J’avais besoin d’air et d’espace. Je sortis En cette fin d’aprés-midi les ombres s’allongeaient. Un soleil rouge, volumineux, accélérait sa chute. Dans un mouvement inverse, des lambeaux de nuages migraient vers l’est, poussés par un vent violent. Je pris un sentier étroit, bordé d’arbustes jaunis, qui conduisait droit dans la forét proche. Le vent tourna brusquement au nord ouest d’ow surgissaient d’épais et sombres nuages qui s’amoncelaient en vagues turbulentes. La cime des hautes futaies fouettait le ciel. La nature se faisait complice de mon désarroi. Dans le sous-bois, l’air était humide. Une humidité que je sentais sur ma peau malgré mon duffle-coat. C’était une sensation physi- que de malaise, mais en méme temps j’éprouvais une sorte de jubilation douloureuse, sauvage, a fouler |’épaisse couche de feuilles mortes im- prégnée d’eau. A travers les branches, les derniéres lueurs d’un soleil encore visible sur la ligne d’horizon apportaient une douce clarté. Ses derniers rayons frappaient mon regard, filtrés par le feuillage d’automne. Discrétement, la pénombre gagnait. L’ espace, en se rétrécissant, produi- sait de l’angoisse. Une sourde mutation était a |’ceuvre, subtile, inquié- tante. J’étais isolé, englouti dans cette tourmente qui exprimait ma peine. Mille bras, en suspens, maintenant a peine visibles, prenaient la reléve. Les couleurs s’effagaient peu a peu. Aprés |’exaltation d’une longue mar- che je me sentis soudain seul, désemparé. Je m’appuyais 4 un arbre, les mains en arriére accrochées 4 son écorce rugueuse, crucifié. J’avais perdu toute notion du temps. Mes idées étaient confuses, tant d’émotions et de sensations s’y heurtaient avec violence : Quelles pensées occupaient l’es- prit d’Eric quand il se perdait dans les sables du Sahara. Mort inexplica- ble? J’avais peur de la vérité. Une vérité que, cependant, je soupcgon- nais, et qu’en méme temps je rejetais. A regret je me détachais du tronc. Un vent de plus en plus fort secouait les hautes frondaisons. Des rafales furieuses agitaient les branches dans tous les sens, s’éloignaient, reve- naient ala charge. Mon cerveau percevait ce tumulte, en faisait la ma- tiére de mon chagrin. Des gouttes d’eau qui trouvaient leur chemin a tra- vers le feuillage pleuraient sur mes joues. A ma hauteur, la tempéte était