Le Soleil de Colombie, vendredi 24 mai 1985 —5. Lettres, arts et spectacles Chantal Morin et la folie Par Francois Bourboulon Trois soirées au Centre cul- turel colombien pour un spec- tacle complet, qui se veut autant visuel que sonore. C’est le défi que s’est lancé Chantal Morin. Trois soirées articulées autour d’un méme théme, d’un méme concept: la folie. Pourquoi la folie? “C’est un aspect que je vois quotidien chez chaque étre humain, explique-t-elle. La folie peut se juxtaposer a chacune de ses actions et mon objectif, a travers ces trois soirées est d’en explorer toutes les facettes et les exprimer par le son et par l'image”. A la base, Chantal Morin voulait offrir un spectacle élaboré et allant plus loin que le simple récital ou elle aurait aligné les chansons. Elle a d’abord tenté de trouver un concept qui, servirait de fil conducteur a l’ensemble. Liidée lui est venue d’une chanson de la_ francaise Valérie Lagrange, La Folie justement. A partir de la elle a recherché d’autres morceaux se rapportant a ce théme et a finalement découvert qu’elle LES MEILLEURS FILMS POUR ADULTES Golden Kitten: Nouveaa programme chaque mardi Granville & Nelson 687-8129 OUVERT CHAQUE JOUR A 10h00 LE DIMANCHE A 13h00 2$ de réduction avec cette annonce n’avait que l’embarras du choix. De Daniel Lavoie a Catherine Lara en passant par Michel Rivard ou des auteurs encore plus familiers (Jean Doré, Gilles Gagnon), elle a pu facilement- monter un répertoire d’une quinzaine de chansons en francais. Vien- dront s’y ajouter cing ou six de ses propres compositions en anglais, le tout formant un ensemble qu'elle veut trés rock et puissant (“Mon objectif, dit-elle, est de faire monter le plafond de la salle de quelques pouces a l'issue des trois soirs”’) . Pour ]’aider dans cette tache, elle aura a ses cétés un groupe. de quatre musiciens profes- sionnels qu’elle a elle-méme choisis consciencieusement et parmi lesquels on retrouve Paul Budge qui faisait partie du spectalce Massage avec elle et Gilles Gagnon. Et en plus de Yorchestre (batterie, basse, guitare, synthétiseur), elle pourra compter sur la pré- sence d’Ellen Kennedy aux Les ripoux sont toujours aussi pourris et continuent a le démontrer au Varsity, 4375 10e ave. ouest, tous les jours a 19h30 et 21h30 avec matinées les samedi et dimanche a 13h45 et 15h40. Michel Rivard, ancien chanteur-guitariste-auteur- compositeur du groupe Beau- dommage, sera bientét a Vancouver. Il s’y présentera dans le cadre de la tournée en solo qu’il accomplit actuelle- ment, Au Vancouver East Cultural Centre, le 8 juin a 20h30. Réservations au 254-9578. L’agenda choeurs. Mais Chantal Morin ne veut pas en rester 14. Tout ce spectacle sera mis en scéne, non seulement au niveau des éclairages mais également au niveau de la chorégraphie. Avec Ellen Kennedy, elle dansera et jouera la comédie. Impossible pourtant d’en sa- voir plus car elle tient 4 garder secret cet aspect. “Il est possible que j’emporte un caractére et que je l’'interpréte sur scéne”, se contente-t-elle de promettre. C'est 4 “une partie de plaisir en folie” que Chantal Morin invite les spectateurs du Centre culturel. Et de conclure: “Je veux que le monde laisse tomber tous ses préjugés et s'abandonne 4 la folie”. Au Centre culturel co- lombien, 795 - 16éme avenue Ouest, Vancouver, les 30 et 31 mat et le ler juin @ 20h30. Billets: 4.00$ membres, 6.00$ non-membres. Information: 874-9105, L’Alliance francaise présente un film documentaire intitulé “Le territoire des autres” et traite des lois, moeurset cotitu- mes du monde animal. Les deux réalisateurs francais, Francois Bel et Michel Fano, essayent dans ce film de sortir des sentiers battus du repor- tage traditionnel. A V’Alliance frangatse, 6161 rue Cambie, les mercredi 29° mat et vendredt 31 mat @. 19h30. Jusqu’au 2 juin, exposition de Nicole Vachon: tissage au Circle Craft Gallery sur I'tle Granville tous les jours de 10h a 18h00. Concours Auréle Seguin 1985 _La Fédération culturelle des Canadiens-frangais, en colla- boration avec le Conseil de la Vie francaise en Amérique, est ravie d’annoncer le lancement du Concours Auréle Séguin 1985. Ce concours vise 4 encoura- ger la création d’oeuvres chez “les auteurs-compositeurs- interprétes et les auteurs- compositeurs non-profession- nel(le)s francophones _hors- Québec. La Fédération invite donc les auteurs-compositeurs-inter- prétes et les auteurs-composi- teurs a présenter leurs oeuvres inédites au Concours Auréle Séguin 1985. Date limite d’ins- cription: 15 aoat 1985. Les lauréats des deux catégo- ries bénéficieront d’un stage de formation 4 Granby (QC) et d’une bourse de 1,000§. Les formulaires d’inscription et les réglements du concours sont disponibles au bureau de la F.C.C.F. ainsi qu’auprés de votre association culturelle provinciale, c’est-a-dire: Conseil culturel _franco- colombien, : Odette Brassard, agent d’édu- cation et développement cul- turel, (604) 669-5248 vendredi. La librairie Le Soleil | 3283, rue Main Vancouver V5V 3M6 Tél. 879-6656 La Librairie Le Soleil a actuellement des romans, des bandes dessinées, des romans policiers etc... 4 vendre a des prix trés bas, aux alentours du dollar. Venez-y faire un tour, nous sommes situés au coin de la 17ame avenue et de Main [autobus 3 et 5], de 9h 4 17h du lundi au _Le profit de la vente des livres de la Librairie est versé 4 la Fondation Le Soleil de Colombie. Cet argent est ensuite distribué 4 des étudiants qui ont excellé en francais. Peinture Les «conspirateurs» Par Alexandre Spagnolo L’Alliance francaise a pro- posé récemment une confé- rence donnée par M. Emile Walter dont le sujet portait sur la “Révolution Impression- niste”. C’était plutét un cours fort bien documenté, accom- pagné du visuel, en l’espéce la projection sur grand écran d’une centaine de diapositives, plongeant l’assistance dans une euphorie de dessins et de couleurs. Tout conférencier doit en principe mettre en condition son auditoire, lui faire connat- tre au préalable les tenants et aboutissants de cet art, son cheminement durant les Ages. Depuis l’€poque des “Super- grands”, de Vinci, Michel- Ange, Botticelli, Titien etc. les peintres étaient assujettis 4 des impératifs autant religieux que paiens avec des dieux, des déesses, des muses et nymphes ou des canons de la beauté antique (d’ailleurs, nous n’avons pas a nous plaindre), et cela continua longtemps, puisque, en France, l’Académie Francaise, chose curieuse, avait la haute main sur le “Salon de la Peinture, imposant de sévéres critéres auxquels tout artiste- peintre devait se conformer pour avoir ses toiles sur les cimaises. Le XIXe siécle, souligna Emile Walter, a eu la Révolu- tion Industrielle. Une révolu- tion fait généralement tache Whuile, l'une d’entre elles fait celle d’un groupe de peintres qui ne pouvait plus supporter ‘le carcan des diktats archai- ques, excluant tant d’éléments de la nature environnante, la lumiére, le plein air, le studio étnt de régle, et voulurent prendre le risque et les consé- quences d’une rupture avec le passé sclérosé: en somme, une guerre entre les Modernes et les Anciens. Le risque était grand, mais le triomphe était au bout. “L’oeil, une main” Les “conspirateurs’’: Auguste Renoir, Edgar Degas, Claude Monet, Alfred Sisley, Edouard Manet, Camille Pissarro, Paul Cezanne etc. Ils voulurent faire autre chose et du mieux, utiliser le jeu de la lumiére, le plein air, la nature vibrante du milieu de 1]’étre humain, les scénes du quoti- dien, peindre, enfin, d'une maniére spontanée, ce que saisit l’oeil. Manet disait sou- vent:, “L’Oeil, ‘une main”. L’appareil photographique venait d’étre inventé par Jacques Daguerre, Nicéphore . Niepce y contribua, il eut un impact sur le nouveau mouve- ment des susnommés peintres. On adopta de nouvelles techniques: au lieu de mé- langer les couleurs sur la palette, ce fut leur utilisation a méme la toile, bref, toute une alchimie élaborée donnant des résultats surprenants pour l’in- tensité et la luminosité dési- rées. Pratiquement toutes les facettes de la vie en France étaient captées sur la toile avec une force extraordinaire et une joie d’expression. E. Walter le releva: mieux que tout écrivain, ils furent les vrais historiens et poétes de ‘cette époque de la vie fran- caise. Des liens étroits unissaient “Ie déjeuner des Bateliers” [1881], d’'Auguste Renoir. La seéne a lieu au restaurant Fournaise sur l'lle de Chatou. ces révolutionnaires (aban- donnons le mot de conspira- teurs). Ils formaient un grou- pe homogéne, travaillaient et exposaient ensemble, se pas- saient les modéles, le fameux Café Guerbois était leur lieu de prédilection. Tout cela est beau, tout cela est joli, mais quelle fut la réaction du public, dela presse a ce chambardement, a ce mouvement révolutionnaire qu'on désigna avec grands sarcasmes par l’Impression- nisme? Méchante, virulente, malheureuse, mais pas décou- rageante pour les intéressés. Ils avaient la foi. “Le salon des refusés” Le Salon de Peinture de 1863 est considéré comme le début de l’ére impressionniste. Le ~ tout puissant jury rejeta plus de 4 000 toiles ne remplissant pas les normes sévéres requises. Un tollé général s’ensuivit de la part des artistes refusés et de leurs partisans, et la presse prit avec véhémence le parti du jury. A tel point que l’empe- reur Napoléon III, par solici- tude, ordonna la tenue d’une exposition en marge de l’offi- cielle, baptisée “Le Salon des Refusés”, ot pour la premiére fois dans l'histoire, un groupe d’artistes progressistes eut l’oc- casion de protester contre l’art classique officiel. Ce n’est pas tout, Edouard Manet (1832-1883), un des mattres. du naturalisme, école qui s'est proposée de faire limitation exacte de la nature sous tous ses aspects, provoqua un scandale, le public fut profondément choqué, les cri- tiques d'art indignés, lorsqu’il présenta sa toile “Déjeuner sur Vherbe”. Celle-ci représentait une femme nue, assise de profil, a ses cétés deux hom- mes bien vétus, le tout dans un panorama champétre. Plus tard, une autre toile, “Olym- pia”, une femme avec la nudité d’Eve, nonchalamment étendue sur une couche, genre odalisque des sultans turcs. Deux diapositives projetées sur grand écran, détails com- pris... ont di démontrer a lauditoire jusqu’oti Manet a poussé son audace. Pourtant, des siécles durant, le public avait toujours eu plein les yeux de telles nudités femelles et males, sans réac- tion. Oui, mais il s’agissait de corps idéalisés représentant Vénus, Diane, muses, nym- phes, etc. Cela pouvait aller, mais des femmes de Manet, ca non, des péripatéticiennes, oui. Quelle hypocrisie: 1’Em- pereur décréta les tableaux immoraux, pas les auditeurs du conférencier. Malgré la fureur du public, le mépris de la critique, la dérision et le ridicule, l’exposi- tion au “Salon des Refusés” fut significative: une rupture dé- finitive entre l’art consacré et celui des rebelles progressistes. Manet devint le héros et le chef reconnu des artistes d’avant- garde (malade a 49 ans il mourut a 51 ans, et recut la Légion d’Honneur) . De 1874 a 1886, de nom- breuses expositions eurent lieu et les impressionnistes subirent encore des critiques féroces, mais la structure de la société francaise subissait de profonds changements. Une haute aris- tocratie en voie de disparition cédait la place 4 une bour- geoisie en plein essor, qui perdait !l’intérét, au fil des ans, pour les sujets historiques, mythologiques, religieux et accordait sa préférence aux peintures, a l'art ot elle pouvait percevoir un rapport personnel. Dans tous les musées Longtemps ridiculisées, les oeuvres des impressionnistes figurent désormais en bonne place au Louvre, aussi bien que dans les grands musées du monde. L’impressionisme ne fut pas seulement l’apanage des hom- mes. Le conférencier cita deux femmes, Berthe Morissot, ad- miratrice et souvent modéle de son beau-frére Manet, elle méme peintre; l'autre une riche américaine de Philadel- hie, Mary Cassatt venue a Paris. Malgré ses études du style classique, elle refusa le style imposé par l’Académie Francaise et se lanca a corps perdu dans !’impressionnisme, aida financiérement les siens et leur permit d’acquérir des toiles de ce groupe révolution- naire. Résultat: une impor- tante collection d'oeuvres im- pressionnistes 4 Philadelphie (Etats-Unis) . Si des peintres eurent une vie aisée, d'autres comme Claude Monnet, Alfred Sisley ou Auguste Renoir vers la fin de sa vie, en arrivaient au point de payer leurs repas avec leurs toiles. S'ilssavaient ce qu’elles sont payées aujourd’hui... =n a ee Se a ee Oe a