ee Le Soleil de Colombie, vendredi 7 septembre 1984 Spécial visite du Pape LE CHEF DU PLUS PETIT Le Vatican est a la fois une basilique, un haut lieu spiri- tuel, le gouvernement central de l’Eglise, et un véritable état, siége de la diplomatie pontificale. Historiquement, le Vatican est d’abord une basilique élevée sur le tombeau de Saint-Pierre. Victime de la persécution de Néronvers I’an 67, Pierre, chef de la commu- nauté chrétienne, a été ense- veli 4 un endroit voisin du lieu de son martyre, sur la colline du Vatican. La premiére basilique érigée sur la tombe de Pierre, celle de Constantin, a duré prés de douze siécles; celle de la Renaissance, consacrée le 18 novembre 1626, suscite encore aujourd’hui l’étonnement et l'admiration des pélerins et des touristes. C’est en ce temple que le Pape préside la plupart des importantes céré- monies religieuses dont celles de Noél et de Paques, sans oublier les béatifications et canonisations des saints. Dans la méme basilique ont eu lieu les sessions des conciles oecu- méniques Vatican 1 (1870) et Vatican 11 (1962-1965), ce dernier ayant réuni plus de 2200 évéques. Le Vatican est aussi un haut lieu spirituel par le nombre de pélerins de tous les continents qui viennent prier sur la tombe de Pierre, par la présence du Pape, successeur. du Chef des Apétres, par l'ensemble des services desti- nés a faire l’unité des 800 millions de catholiques répan- dus dans le monde et par ses contacts innombrables avec les autres religions, chrétien- nes ou non, ainsi qu’avec les non-croyants. Le Vatican est également le siége du gouvernement de l’Eglise ou le siége de la Curie romaine, bien que certains bureaux occupent a Rome des locaux situés en dehors de la Cité du Vatican. Outre la Secrétairerie d’Etat, la Curie romaine remplit sone réle par neuf congrégations (comparables 4 des minis- téres), trois secrétariats, des commissions, des conseils, des tribunaux et des bureaux. Aprés une premiére réfor- me, celle du Saint-Office, (nouvellement appelé “Con- grégation pour la doctrine de la Foi”) annoncée par Paul VI avant la fin du Concile, le visage traditionnel de la Curie a étéadapté a l’aprés-concile dans un document célébre du méme Pape, la constitution “Regimini Ecclesiae” (le gou- vernement de |’Eglise) du 15 ~aoat 1967. Ainsi, du sang neuf devait étre injecté dans la Curie par |’élargissement des consultations auprés de ses membres les évéques et par le recrutement de fonctionnaires dans le monde entier. Pour une idée plus précise du travail accompli par la Curie, rappelons quelques uns des domaines réservés a la compétence des Congréga- tions. La Congrégation pour la doctrine de la Foi, comme son nom I'indique, est compétente pour toutes les questions qui regardent la foi et la morale et celles connexes 4 la foi. La Congrégation des €évé- ques est chargée de tout ce qui concerne les évéques et les diocéses. Elle décide de la création, de l’aménagement ou de la suppression des diocéses. D’autres congrégations sont chargées de |’évangélisation, de la liturgie et du culte, des sacrements, de l’enseignement catholique, du clergé, des religieux et. des instituts sécu- liers. Un des plus récents organis- mes créés par la Pape Jean-: Paul II est le Conseil pontifi- cal pour la famille, dont un evéque canadien, S. E. Mgr Edouard Gagnon, p.s.s., est le président. Le Vatican est enfin un état souverain. Depuis |’Edit de Milan (313), le pouvoir tem- porel des papes a connu une évolution qui lui a permis en 1859 de s’étendre sur 18000 ‘kilométres carrés environ dans l'Italie centrale, pour étre réduit en 1929 a4 moins de la moitié d’un kilométre carré ETAT DU MONDE. (44 hectares) . Les Accords du Latran, signés le 11 février 1929 estiment “nécessaire de constituer, avec des modalités particuliéres, la Cité du Vatican, reconnaissant au Saint-Siége sur cette méme cité la pleine propriété, la puissance exclusive et absolue et la juridiction souveraine.”. Les 44 hectares constituent le plus petit état du monde - moins du tiers de la princi- pauté de Monaco - et suffisent comme base territoriale indis- pensable a une souveraineté internationale juridiquement indiscutée. Et, comme le disait Pie XI aux curés de Rome le jour méme de la signature du traité: “Un domaine foncier réduit a des proportions si minimes qu'il puisse et doive lui-méme étre considéré com- me spiritualisé par l’immense, sublime et vraiment divine puissance spirituelle qu'il est destiné 4 soutenir et a servir.” Parmi les signes concrets de la souveraineté du Vatican, il importe de signaler les sui- vants: la monnaie, les postes, les missions diplomatiques, les tribunaux, le drapeau papal aux couleurs jaune et blanc et la radio nationale qui diffuse quotidiennement en .32 lan- gues. Le plus petit état du monde posséde, il va sans dire, la fonction publique la plus petite - 2,000 personnes. Chacun sait que Il’Eglise catholique prit naissance au Canada a la premiére messe célébrée a Gaspé en juillet 1534 - au pied de la croix plantée par Jacques Cartier. Quelques 25 ans plus tard, Mgr Francois de Laval était nommé vicaire apostolique de la Nouvelle-France, et en 1674 était créé, par le Pape Clément X, le diocése de Québec, qui englobait a cette époque presque toute l’Améri- que du Nord. Dés lors naqui- rent paroisses, institutions de charité et de savoir, comme le collége des Jésuites de Québec le couvent des Ursulines, fon- dé par Marie de I’Incarnation en 1639, et ceux de la Congré- gation de Notre-Dame, créée par Sainte -Marguerite Bourgeois en 1653. En 1763, le Traité de Paris céda le Canada a la Couronne britannique et vingt ans plus tard la révolution américaine réduisit le diocése de Québec aux limites du Canada. La Grande-Bretagne, d’abord hostile au catholicisme, accor- da a l’Eglise des garanties en matiére de libertés civiles et religieuses, garanties qui fu- rent confirmées par l’Acte de Québec de 1774, et en 1857, sous le régne de la reine Victoria, par la législation sur la liberté du culte. En 1784, le pére James Louis O’Donel était nommé par le Pape Pie VI préfet apostoli- que a Terre-neuve, en 1817, le pére Edmund Burke deve- nait vicaire apostolique a Halifax, puis en moins d’une génération, neuf nouveaux diocéses, étaient créés. En 1819, Mgr Plessis était nommé archevéque de Québec, et des vicariats apostoliques étaient institués 4 Kingston, Char- lottetown et Saint-Boniface. A l’€poque du premier con- cile provincial de Québec, en 1851, l’Eglise catholique avait des diocéses d’un océan a l'autre. Aujourd’hui les diocé- ses sont au nombre de 36 dans le secteur francophone, et de 34 dans le secteur anglophone sans compter 9 éparchies pour les rites orientaux; 12 234 prétres, 3 887 fréres et 35 737 religieuses oeuvrent dans envi- ron 6 000 paroisses. L’arrivée au 19e siécle de millions de nouveaux immi- grants transforma le Canada.. Dés 1830, ni les catholiques, L’Eglise au Canada ni les francophones n’étaient plus majoritaires en Amérique du Nord britannique. En 1867, au moment de la Confé- dération, sur une population d’environ 3 millions d’habi- tants, on comptait un tiers de catholiques et 30% de francophones. Cette propor- tion fut modifiée par la suite par la présence de nombreux catholiques dans les vagues d'immigrants qui arrivérent au début du siécle et aprés la deuxiéme guerre mondiale. Aujourd’hui, le Canada compte 11 millions de catholi- ques sur une population de 25 millions (soit 43%) . De ce nombre, 6 millions sont francophones, les 5 autres millions se répartissant entre divers rites et groupes linguis- tiques. Les A l’ouest de l'Ontario s’étale Vimmensité fertile des Prairies si typique du paysage cana- dien, que se partagent a peu prés également les trois pro- vinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de |’Alberta. La diversité ethnique de |’E- glise s'y révéle dans la variété de ses clochers: fléches gothi- ues chez les catholiques de rite latin, démes en forme de bulbe chez les Ukrainiens uni- ates et orthodoxes, venus au Canada 4 la fin du siécle dernier et au début du 20e siécle. Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls groupes d’Europe de l'Est puisque l’on y trouve de petites communautés iso- lées de langues polonaise, allemande et scandinave. Le ler février 1820, un évéque auxiliaire de Québec, Mgr Joseph Norbert Provencher était nommé a Saint-Boniface, au Manitoba, catholiques de l’OQuest pour l’ensemble de la région. En 1847, Saint-Boniface était érigé en diocése et devenait ainsi la mére de |’Eglise dans l'Ouest canadien. Mais l’hon- neur d’avoir apporté la foi dans ces contrées revient aux trappeurs, qui furent les pre- miers Européens a y pénétrer et qui y firent souche, puisqu’- en €pousant des femmes auto- chotones, ils fondérent un groupe a part: les Métis ou Sangs mélés. Tout naturellement les _ef- forts des missionnaires se por- térent vers ces derniers et vers les Indiens qui parcouraient les prairies en bandes noma- des a la poursuite du bison. La “Robe noire” - c’est ainsi, quiils désignaient le mission- naire - était pour eux un ami désintéressé, qu’ils honoraient de leur confiance et qui souvent tempérait la rudesse des colons dans leur ruée vers l'Ouest. Un obstacle devait pourtant ralentir la marche des explo- rateurs et des missionnaires: la formidable barriére natu- relle des Montagnes Rocheu- ses qui, a partir de ]’Alberta, s'élévent sur 800 kilométres jusqu’au Pacifique. Formant un contraste radical avec les Prairies, elles sont indissocia- bles de la Colombie britanni- avs “et en ont marqué le éveloppement. A cause de leur présence, les premiers missionnaires 4 y apporter la bonne parole ne sont pas venus de l’est, mais du ‘sud. Des Franciscains de Californie accompagnaient les explora- teurs et militaires espagnols qui, en 1789, débarquérent a Friendly Cove, Nootka, sur la céte ouest de I’fle de Vancou- ver et en prirent possession au nom de I’Espagne. Maisils n’y restérent que jusqu’en 1795. L’Espagne abandonna par la suite ses prétentions a l’Angleterre. L’activité missionnaire _re- prit officiellement en 1846 avec la nomination 4 l’ile de Vancouver de Mgr Modeste Demers, qui avait juridiction sur l'ensemble de la Colombie britannique et du Yukon. L’Eglise de l'Ouest est donc relativement jeune, ainsi qu’- en témoignent d’ailleurs les dates de fondation de ses diocéses érigés pour la plupart au cours du 20e siécle: Régina en 1910, Edmonton en 1912, Winnipeg en 1915; et encore lus prés de nous: Gravel- bourg(Sask..) ,en 1933, Nelson C.B., en 1936, Kamloops, C.B. en 1945. En 1967, tous les grands Vicariats du Nord furent élevés au rang de diocése:, LE PATRON DE L ’EGLISE La théologie et le droit canonique investissent le Pape de titres divers: successeur de Pierre, chef de l’Eglise, vicaire du Christ, évéque de Rome, patriarche d’Occident et chef de l’Etat du Vatican. Le mot “pape” nous vient du latin papa, tiré lui-méme du Grec pappas, appellation en- fantine de pére a l’époque classique. Appliqué a l’origine aux évéques en général, il a fini, a partir du Vle siécle, par ne plus désigner, en Occident tout au moins, que l’évéque de Rome. L’appella- tion populaire “Saint Pére” témoigne de ce premier sens ancien de paternité spiritu- elle. Quant a la prétention de lévéque de Rome d’étre le successeur de l’apétre Pierre, elle remonte aussi fort loin dans le temps. Attestée dés le milieu du troisiéme siécle de l’ére chrétienne, elle a regu sa consécration la plus formelle et la plus autorisée au premier Concile du Vatican (1869- 1870) ow furent définies la primauté et l’infaillibilité pa- pales. L’histoire des institutions de la Chrétienté d’Occident té- moigne de l’importance gran- dissante de la place du Pape, encore que la reconnaissance de la primauté du magistére romain n’alla pas sans susciter certaines résistances. On lui opposait volontiers, par exem- ple, le réle des évéques, des conciles oecuméniques ou des églises nationales. C’est aux tensions nées de ces différen- ces d’accent qu’on peut no- tamment attribuer, en partie tout au moins, la séparation des deux églises, celle d’Occident et celle d’Orient, aussi bien que la Réforme protestante. Entre 1850 et 1950 1’Eglise catholique allait se retrouver plus que jamais centrée sur la papauté. Aux structures ec- clésiales s’attachait une inter- prétation de caractére monar- chique. Les normes romaines en matiére de théologie ou de liturgie allaient s'imposer a peu prés universellement. Du fait de son caractére relativement public et de la vitalité dont manifestaient ses délibérations, le Concile allait marquer la redécouverte du réle des évéques dans |’établis- sement d’une politique uni- verselle. Cette Soave opti- que, formulée en termes ex- plicites, allait orienter tous les débats conciliaires sur ce qu'on appelait la “‘collégia- lité”.. Désormais Pévéque ne serait plus considéré simple- ment comme responsable au niveau local, mais comme membre d’un_ collége aux compétences mondiales, par- tageant avec le Pape la res- ponsabilité du gouvernement de toute 1’Eglise. Vatican II ne nia _ pas les prérogatives reconnues au Pape par Vatican I, mais il cherchait plutét a les équili- brer en insistant sur le rdle des évéques et des églises nationa- les. Il en est résulté de nouvelles habitudes dans les usages de la papauté. Depuis le Concile, la vie de l’Eglise a été marquée par la réunion réguliére de synodes ou réu- nions d’évéques représentant toutes les parties du monde. Si les décisions des synodes ne sauraient contraindre le Pape, ceux-ci n’en constituent pas moins un lieu privilégié de débats et de consultations entre les nombreuses églises nationales. De son cété le Vatican y trouve l'occasion de mieux saisir les diverses ques- tions ou préoccupations qui se posent a I’Eglise contempo- raine. Le dialogue oecuménique: s'est trouvé facilité par l’im- portance nouvelle accordée aux églises nationales et au principe conciliaire ou épisco- pal. Or, 4 mesure que l’Eglise romaine retrouvait cette réali- té de son patrimoine, Angli- cans, Luthériens et autres ont accepté d’étudier la possibilité de créer un bureau central de I'Eglise chrétienne réunifiée. Sans doute n’en est-on encore a cet égard qu’au stade des discussions préliminaires, mais d’ores et déja nombreux sont les chrétiens d’obédiences autres que catholique _ro- maine qui voient dans le Pa un porte-parole investi du droit de parler au nom de tous, particuliérement en ma- tiére de paix, de droits de la personne ou d’inégalités éco- nomiques. En dépit de l’importance nouvelle accordée a |’épisco- pat et aux églises locales, le Pape n’en reste pas moins, conformément aux Ecritures et aux décisions jurispruden- tielles du passé, 1l’autorité supréme de l’Eglise catholique romaine. oe PN Bagh \ ae es Se