Le Moustique ! ... Pacifique Ysaye avait dés les années 1900 des idées bien arrétées sur ce que devrait étre un concours international. Ami d'Anton Rubinstein, il connaissait le concours qui portait son nom, et dont plusieurs amis et partenaires du violoniste, a leur tour, avaient été lauréats : Ferruccio Busoni, Emile Bosquet... Le Concours Rubinstein, quinquennal et destiné aux pianistes et compositeurs, n'avait pas été remplacé aprés la Révolution russe ; quant au concours Chopin de Varsovie, fondé en 1927, on pouvait le considérer comme un modéle de concours de piano, mais essentiellement destiné a mettre en évidence de bons interprétes de Chopin. Ce qu'Ysaye désirait 6tait un concours pour jeunes virtuoses, au programme extrémement large incluant la musique contemporaine, permettant de mettre en évidence la maturité technique et artistique des candidats et de les lancer dans la carriére. Dans cette optique, il a l'idée d'un imposé inédit, a étudier en loge sans l'aide de quiconque, et surtout pas des professeurs : le test ultime. La reine Elisabeth ne pourra porter un tel concours sur les fonds baptismaux du jour au lendemain. Ysaye meurt en 1931, peu aprés la création de la Fondation Musicale Reine Elisabeth. Ensuite, la crise économique, le décés accidentel du roi Albert puis de sa belle-fille la reine Astrid, avaient remisé provisoirement tout projet artistique d'envergure. En 1937, le premier concours Ysaye peut avoir lieu. Un jury international d'un niveau exceptionnel accepte avec empressement l'invitation. Les épreuves comprennent des ceuvres imposées, mais non inédites ; les candidats affluent. Le prestige du nom d'Ysaye joint au prestige de la Cour de Belgique - feu le roi Albert et la reine Elisabeth figurent parmi les héros les plus universellement admirés de la premiére guerre mondiale - rassemble a Bruxelles I'élite du violon. Les résultats de I'épreuve causeront une impression profonde : I'école soviétique, avec une assurance qui frise l'arrogance, remporte toutes les palmes a commencer par la premiére place. Celle- ci échoit sans l'ombre d'une discussion au grand David Oistrakh. Le reste du monde récolte les miettes ; I'é€cole belge du violon, dont on s'enorgueillit encore, échoue et son absence en finale est tres remarquée : Arthur Grumiaux et Carlo Van Neste, jeunes et inexpérimentés, n'ont pu convaincre le jury. Le succés de la premiére édition du concours Ysave déterminera la suite des événements. 20 Volume 6 - 9 Edition ISSN 1704-9970 Septembre 2003 Relayé par la radio, le concours trouve d'emblée son public, et le mélange de sportivité et de qualité artistique de I'événement fidélise immédiatement les amateurs. Dés 1938, une deuxiéme édition a lieu, cette fois destinée au piano. Et les enseignements sont identiques : si Moura Lympany (qu'on appelle encore, alors, Mary Johnstone) se glisse entre Emil Guilels (1er) et Jacob Flier (3e), et si, du reste, l'ensemble du palmarés parait plus équilibré (un Belge, André Dumortier, s'y inscrit d'ailleurs brillamment a la suite d'un tout jeune pianiste italien, Arturo Benedetti-Michelangeli, classé 7e), I'école soviétique sort une nouvelle fois la téte haute et l'ceil quelque peu condescendant. C’en est trop. Avant que la guerre n’éclate, grace a l'aide d'un mécéne éclairé et généreux, le baron Paul de Launoit, la reine Elisabeth inaugure une institution musicale audacieuse, calquée sur le modéle soviétique, et destinée a améliorer sensiblement les conditions de formation des jeunes artistes belges : c'est la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, dont la bonne santé affichée encore au siécle suivant temoigne de la validité. Quant au Concours, les circonstances voudront qu'il ne puisse plus avoir lieu jusqu'a nouvel ordre. La vie culturelle belge, bien qu'intense pendant la seconde guerre mondiale, entre dans une phase évidemment difficile. L'administrateur-directeur de la Fondation Musicale Reine Elisabeth, Charles Houdret, qui donne vie a tous les projets musicaux de la reine, s'embourbe dans des scandales financiers ; la fondation est réduite a néant. La famille royale belge vit des jours pénibles et inattendus dans limmédiat aprés-guerre : deux des enfants de la reine Elisabeth - Léopold lil et Marie-José, éphémeére reine d'ltalie - ne garderont pas leur tr6éne ; quant au troisiéme, Charles, il assure pendant cing ans la régence en Belgique, mais, tout prince artiste qu'il soit, cette période ne pourra qu'étre marquée par la reconstruction du pays, priorité d'entre les priorités. Sur TV5 en ce moment. Suite dans notre prochain numéro.