2. Walle lige Je suis captive d’une présence vide meublée de souvenirs anciens. J’égréne alors un chapelet de moments magiques lorsque la lune était plus blanche, plus étincelante, le ciel plus pur, les nuits moins froides. Oasis ! Je me tais et je bois a ce puits caché de mon ame. Impression d’éternité avec toi, mon déserteur impitoyable... Instant d’ombre et de silence. Subtiles ivresses d’une ermite en Paradis ! Petit souffle de bonheur. Douceurs et torture. Je franchis l’'abime qui nous sépare, j’oublie un peu que tu es parti pour toujours, mon chéri. Tu sais, il est si dur de fouler seule le sable de la terre... Lysette Brochu C’'était bien de Jean D'Ormesson. C'est intéressant de le voir défendre son bonheur. Ce que j'ai aimé le plus au monde, je crois que c’était la vie. La mienne d'abord, bien sar: je n'étais pas un saint. A la différence de I'Ecclésiaste et de tant de poétes et de philosophes positivement consternés d'étre sortis du néant pour étre jetés parmi nous, je me réjouissais d'étre la. «Je m'éveille le matin, écrit Montesquieu, avec une joie secréte, je vois la lumiére avec une espéce de ravissement. Tout le reste du jour, je suis content. » Moi aussi, j'étais content. J'aimais beaucoup les matins, le so- leil, la lumiére qui est si belle. Et les soirs, avec leurs secrets. Et les nuits aussi. Aprés les surprises et I'excitation du jour, je m'enfongais dans l'ab- sence avec une silencieuse allégresse.! J'aimais beaucoup dormir. Et j'aimais me réveiller et aller me promener dans les foréts ou le long de la mer. Ne sachant trop qui remercier de cette succession de bienfaits qui me tombaient dessus comme ¢a, pour rien, a ma surprise, sans la moindre raison, je les accueillais du moins avec bonne volonté et avec une grati- tude qui ne savait trop ou s'employer. Je me trouvais plutét mieux dans ce monde-ci, qui avait des hauts et des bas, que nulle part ou ailleurs. Il y avait dans cette attitude quelque chose d'audacieux : elle n'était pas reépandue chez ceux de mon époque.