4 Le Soleil de Colombie vendredi 21 décembre 1979 La nouvelle entente Québec-Canada LE LIVRE BLANC [SUITE] Pour satis- faire la population, les gou- vernements, tant fédéral que provinciaux, doivent s'ingénier 4 contourner sans cesse un probléme constitu- tionnel insoluble; et, faute de toute répartition précise des compétences et des res- sources, ils ne peuvent le faire que dans un climat de concurrence. Selon une étude de I’Ecole nationale d’administration publique, en 1937 déja, les chevauchements de _ pro- grammes touchaient 15 sec- teurs de l'activité gouverne- mentale sur 36; aujourd’hui, ils en touchent 34 sur 36. A titre d’exemple, les petites et moyennes entre- prises du Québec sont enche- vétrées dans 162 program- mes ou formes d'aide, don- nant lieu 4 317 sortes d’inter- ventions, de la part de 79 bureaux ou organismes fédé- raux ou provinciaux. Un record mondial, sans doute, compte tenu de la taille de notre économie! Aujourd’hui, on peut affir- mer que les chevauchements constituent la régle du fédé- ralisme canadien, et qu’ils découlent du régime lui-mé- me. La conjonction de forces politiques et économiques a abouti au déploiement de Pour le poéte, c'est, dans la musique des mots, trans- poser un état d’Ame, une belle image ou de tendres pensées. Enfin, pour le pionnier, c'est ouvrir un chemin, net- toyer un plateau, éclaircir la forét, enfoncer la-charrue dans la terre nouvelle pour tracer le sillon des prochai- nes récoltes; c’est drainer un marais pour faire une prai- rie, c'est dresser vers le ciel le toit d’une maison... Pour moi, chacun de ces gestes était un vrai bon- heur, une pure jouissance: combien de fois me suis-je retourné, a la fin d’une longue journée, pour admi- rer l’ébauche d’un champ neuf dans les taillis rebel- les! Et cet état d’esprit, ce be- soin de créer, de faire du nouveau, je l’ai toujours conservé, méme quand, re- venu en France, j’achetais de vieilles maisons aban- données ou des terres en friche, pour leur redonner nouvelle figure ou les parer de jeunes moissons. Le départ de Jean n’était donc pas envisagé pour une date trés prochaine; il y avait encore 4 faire certains aménagements pour présen- ter la terre 4 l’Inspection du Land’s Office dans les meil-. leures conditions, car nous ne voulions pas désormais courir le risque de nous voir refuser ou retarder la pa- tente. Et certainement cet- te terre, sielle était « can- cellée » efit fait des envieux deux appareils gouverne- mentaux a vocation quasi identique, et par conséquent a un désordre administra- tif généralisé, et surtout a un gaspillage d’argent et d’énergie qu'il est difficile de mesurer exactement. En 1940, la commission Rowell-Sirois avait bien compris la nature du pro- bléme — et le cofit pour les contribuables—des actions souvent contradictoires des deux ordres de gouverne- ment: «Les faits démontrent que, dans une fédération telle que le Dominion du Canada, le gaspillage et les ajustements défectueux sont inévitables jusqu’a un certain point, méme si la coopération et lunité peuvent étre mainte- nues a un trés haut degré entre les divers gouverne- ments. Les administrations doivent donc s’efforcer de confiner le gaspillage a l’iné- vitable.[...] Mais les gaspillages sont d'une nature telle que I’étu- de des services administra- tifs ne peut les révéler, car ces gaspillages sont le résul- tat de procédés peu convena- bles, arriérés et désuets qui ne suivent pas |’évolution des besoins d’un régime éco- nomique dynamique.» (1) [SUITE] et aurait trouvé facilement preneur: en effet, sa proxi- mité, sa situation prés de la Main Road qui s’ouvrait d’Athabasca a Baptiste La- ke, les travaux déja effec- tués, tout cela lui donnait, en cas d’annulation, une valeur certaine aux yeux de colons éventuels chercheurs de la .Terre promise. Ce n’était donc que vers le début de I’été suivant que pourrait se faire sans risque le retour de Jean. Jusqu’a cette date,.il pouvait conser- ver son poste a l’hétel et se faire de cette fagon son pécule personnel. Ce départ ne devait étre d’ailleurs présenté au « Set- tlements Board », comme celui d’ Armand, que comme un voyage de congé vers le Vieux Pays. _ Ce fut, pour moi, quel- ques jours de désarroi et de graves soucis: je passai trois jours sans remonter 4 Belle- vue, passant mes soirées a Vhdtel avec Jean, afin de mettre de l’ordre dans mes esprits, et d’étudier, sous tous les angles et dans tous ses aspects, le probléme qui m’était désormais posé et qui restait a résoudre. Enfin, mon parti était pris, bien qu’a mon 4ge le retour en France ne me posét aucune préoccupa- tion. Je resterais tout seul a la téte des trois conces- sions, en dédommageant Jean et Armand de la part qui leur revenait dans les investissements effectués en commun sur l'ensemble des “On imagine les conséquen- ces de ces chevauchements: les incohérences et les contradictions, qui sément la confusion parmi la popula- tion; la complexité accrue des transactions du citoyen avec les institutions gouver- nementales; la nécessité, souvent, de doubler les dé- marches,—comme de prépa- rer deux rapports d’impét; une inefficacité administra- tive et politique accrue, éga- lement, des ministéres et organismes gouvernemen- taux; et, enfin, un prix a payer bien supérieur a ce qu'il en cofiterait si un seul gouvernement assurait tous les services. Réunions, comités, rencon- tres, conférences... : Pour essayer de sortir de cet imbroglio administratif, on a eu recours a une inven- tion canadienne par excel- lence, les comités, chargés de faire fonctionner un fédé- ralisme qui, de toute éviden- ce, ne correspond plus aux besoins des citoyens. En 1957, ily avait 64 organis- mes fédéraux-provinciaux; en 1967, on en comptait 119; en 1977, passés a 158, ils se réunirent, au cours de cette seule année, 335 fois. Au Canada, on se réunit de plus en plus souvent et de terres. Cette question fut vite résolue avec Jean; pour lui, les années passées au Canada étaient un hors- d’oeuvre; en France, il allait entrer de plain-pied dans la voie toute préparée par ses parents. J’écrivis done 4 Armand pour lui donner mon accord en l’encourageant dans ses intentions qui, aprés tout, ne faisaient que corriger le coup de téte qui l’avait conduit ici. Sa situation de famille lui posait un probléme plus pressant qu’a nous-mémes, jeunes encore et libres de nos mouvements. En ce qui le concernait, il en était tout ° autrement: nouveaux ma- riés, une femme qui n’avait ! pas été préparée a cette vie | toute différente et dure; lui- méme amoureux du confort; un tout petit enfant qui grandissait loin d’eux, tout - cela formait un faisceau de liens et d’entraves difficiles a dénouer. Pour lui, il valait certai- nement cent fois mieux, re- prenant la page 1a ot il lavait déchirée, se remettre courageusement au travail dans la carriére qu'il n’efit pas di quitter. Mais pour moi, c’était un lourd fardeau que mes épau- les auraient dorénavant a porter toutes seules. Dés les titres de propriété accordés, jaurais 4 donner mes soins a prés de deux cents hecta- res de terres: terres déja défrichées a cultiver, terres vierges a nettoyer, muskegs _ a assécher, clotures a déve- plus en plus nombreux, avec de moins en moins de résul- tats. Voici, par exemple, la participation québécoise a tous ces organismes fédé- raux-provinciaux, d’avril 1978 a mars 1979: 70 ren- contres groupérent 246 fonc- tionnaires, et 46 rencontres au niveau ministériel requi- rent la présence de 334 délé- gués québécois. Une politique économique mal adaptée Pendant qu'on court ainsi, de comités en rencontres, de rencontres en conférences, le gouvernement fédéral poursuit, en toute liberté, la mise en oeuvre de ses pro- pres politiques. En particu- lier, la maitrise des princi- paux leviers économiques lui permet depuis longtemps d’orienter a sa guise la crois- sance économique sur tout le territoire canadien. Les transports Dés ses débuts, le chemin de fer fut un des grands outils qui contribuérent a lexpansion de !’@ntario et de |’Ouest canadien; il conti- nue, de nos jours, a servir les intéréts de ces régions. Seulement 12% du réseau ferroviaire canadien est en territoire québécois; d’autre lopper suivant les jeunes la- bours, batiments nouveaux a élever, chemins 4 faire ou a entretenir, bois 4 couper et essoucher... Mais aussi, ce serait mon royaume! é (A suivre) part, le Québec n’a que 0.9 mille de voies ferrées par ha- bitant, alors que la moyenne canadienne est de 2.1 milles; et les produits entrant au Québec ou en sortant sont assujettis a des tarifs supé- rieurs d’environ 40% 4a la moyenne canadienne. L’implantation industrielle La sidérurgie canadienne s'installe en bonne partie au sud de l'Ontario et profite de tarifs ferroviaires privilé- giés; il en va de méme pour les industries lourdes et de biens durables, 4 haute tech- nologie et aux emplois bien rémunérés. Au Québec s’installent, en grand nombre, les industries de biens non durables, a basse technologie, exigeant une main-d’oeuvre abondan- te et peu rémunérée. Le pacte de l’automobile, entre le Canada et les Etats- Unis, a permis de concentrer en Ontario prés de 90% de la production des automobiles, avec tous les avantages de la sous-traitance. Ce pacte a eréé en Ontario plus de 210 000 emplois, directs et indirects, au cours des six premiéres années qui suivi- rent sa signature, en 1965; il n’a a peu pres rien accordé au Québec. Tout cela n’a pas empéché Ottawa d’accorder, récemment, une subvention de quarante millions de dol- lars 4 la compagnie Ford, pour qu'elle installe en On- tario une autre trés grosse usine. Depuis les années 1960, Ottawa, comme gouverne- ment participant aux ac- cords commerciaux du GATT, a maintenu une poli- tique systématique d’abais- sement de la protection ac- cordée aux secteurs tradi- tionnels, majoritairement concentrés au Québec, et provoqué la perte de dizaine de milliers d’emplois. La situation devint si gra- ve que, cédant a la pression du gouvernement québécois, appuyé par tous les agents économiques du Québec, Ot- tawa a di, temporairement, faire marche arriére et impo- ser des quotas a l’entrée des produits de la chaussure et du vétement. Par ailleurs, et malgré des avantages évidents pour ces secteurs traditionnels de l'économie du Québec, Ottawa s’est opposé farou- chement 4 la formule québé- coise d’abolition de la taxe de vente. _ En outre, les quelque 400 organismes et sociétés du gouvernement fédéral se re- trouvent presque tous en Ontario. Il n’est pas éton- nant qu’en moyenne, de 1961 a 1977, la part des dépen- ses du gouvernement fédé- ral directement créatrices | d’emplois (salaires, biens et services, subventions et in- vestissements) faites au Québec n’ait été que de 20.6% — contre 40% en Ontario. Dans un autre secteur, qui n’est pas sans rapport avec ce qui nous occupe ici, le gouvernement fédéral a créé plusieurs organismes de re- cherche, et notamment |’im- portant Conseil de la recher- che scientifique, dont la grande majorité se retrou- vent a Ottawa. C’est dans cette ville, du reste, que furent construits presque - tous les laboratoires fédé- raux, qui emploient actuelle- ment plus de 2,000 sava (1) Rapport de la Commis- sion royale des relations entre le Dominion et les pro- vinces, vol.2,0ttawa,1940,pp 180 et suivantes. (A suivre) | A NOS LECTEURS Pour les fétes offrez un cadeau qui rappellera toute votre souvenir l'année durant Oo Ci-joint lasommede $...... pour (_) abonnement | () renouvellement au Soleil de Colombie | | J'inclus la somme de 6.......... pourdon en aide | NOM ADRESSE VILLE CODE POSTAL 1an: Canada $10.00 U.S.A. et autres pays : $13.00 DATE oa od — — -d Bk Shy el % S. 4 . ft e eS