Speen smc ican, {DU SOUVENIR LES PRESTIGES par Roger Dufrane L’Université de la Colom- bie Britannique est située sur un pittoresque promon- toire, ot alternent, selon la saison, des relents de péche- ries et de moulins A papier et des senteurs de résine et de rose. Il y a une ving- taine d’années, cette petite ville, alors village, offrait aux visiteurs ses calmes promenades. Quelques édi- fices de pierre, la Faculté des Sciences, la bibliothé- que, €mergeaient parmi les baraquements et les verdu- res. Les avenues ouvraient sur d’agréables perspecti- ves d’arbres, d’eaux et de montagnes. Le mail sous les arbres duquel les étudiants se ras- semblaient 4 la rentrée se parait alors de royales cou- leurs. Les feuilles rousses tombaient en hésitant, s’ac- crochant deci-dela aux che- valets des expositions de . peinture, ou bien s’éparpil- lant sur des tables & tré- teaux .ot0 la mascarade des coureurs’ des bois A bon- nets de fourrure, des cosa- ques 4 bottes rouges, des jolies grecques 4 jupes plis- sées, vous laissait choisir quelque bibelot vendu au pro- fit de la Maison Internatio- nale. J’aimais aussi le mail sous les couleurs de juin. Les étudiants envolés vers les chantiers ou emportés par les trains, tous gagnant leur pécule pour l’hiver, le campus somnolait, vide, vert et rose. Maitres du lieu, les oiseaux enhardis s’y saou- laient de chansons. ~ Les universitaires d’alors suivaient une autre mode que ceux d’aujourd’hui.-Les garcons portaient déja le blouson, mais avec leurs cheveux bien souvent coupés a la brosse. Quant aux fil- les, quoique déjA garcon- niéres, elles ne manquaient pas de coquetterie. Les che- veux courts, la sacoche en bandouliére ou le cartable porté devant soi, on les de- vinait issues pour la plupart de familles aisées, qui les défrayaient de leurs études. A l’instar des garcons, elles possédaient leurs voitures, nombre de celles-ci rempla- cées de nos jours par des vélos. Enfin, il semble que la population estudiantine soit plus pauvre que naguére. Faut-il y voir l’indice d’une prochaine crise économique? Le fait est qu2 les emplois pour les étudiants, en été, se raréfient. Mais ne nous fions pas trop aux apparen- ces. IJ se peut aussi que garcons et filles suivent tout simplement une mode qui s’universalise, 4 en juger par les photos des magazi- nes d’Europe ou d’Améri- que, la mode du débraillé. Piéces aux coudes et aux genoux, blousons noirs, che- velures incultes, tout cela se proméne, guitares ou li- vres sous les bras, sur les deux continents. A 1’Univer- sité, gargons et filles qui s’asseyent avec désinvolture sur les bétons ou les dalles donnent 4 douter de la bonne tenue des futures généra- tions. On en douterait, pour sOr, si on ne surprenai les mé€mes jeunes gens, l’aprés-midi, ensevelis stu- dieusement dans les petit bureaux A cloisons de 1 bibliothéque, of quelques- uns fleurettent sans doute, mais moins nombreux qu des esprits malavisés pour- raient le croire. les soleils d’antan. La pre- miére coupée pour toujours par un pylone-horloge, 1’au- tre retournée par les pel- les excavatrices. Celle-ci nous sera restituée, dit-on, dés que la nouvelle biblio- théque souterraine ouvrira ses locaux. modernes sous un camouflage de gazons et d’arbustes. L’Université a dQ sacri- fier de son charme pour accommoder plus de monde. Toute planification exige un compromis entre l’utile et le beau. D’ailleurs, pourquoi! envisager en noir l’avenir? Ce qui. déplaft maintenant plaira demain. On connaft l’histoire de la Tour Eiffel. L’horloge-pylone qui per- sonnellement m’horripile, je la verrai peut-étre dans mon souvenir. blanche et svelte, égrenant sur la jeunesse qui passe s2s heures trop ra- pides, dans un eau iardin ot on voudrait ne jamais vieillir. : Si UN BRAS DE MER Si un bras de mer nous sépare, Un trés grand bras, je le sais bien, Notre amitié est sans histoire Au bout d’un bras, il y a une main. Point ne chanterai la Bretagne, Craignant de la défigurer. Je suis fille de ses montagnes Et par respect je me tairai. Assez de ces cartes postales De genéts d’or et de ciel pale Nous en sommes bien au-dela. Je chanterai plutdt la chafne Qui nous rattache au Canada. Il y a longtemps que nos ancétres A bord d’un bateau-goéland Le coeur un peu serré peut-étre, Se sont lancés sur 1l’océan. Les arbres bretons ont fait souche - Avant que la mort ne les couche Dans le grand Canada lointain. Leurs noms tonnent dans les montagnes, Mélant Canada et Bretagne Torrents bleutés et vents marins. * Nous fréterons un grand navire * Pour voyager parmi les ans, Avec le meilleur et le pire Nous saurons bien prendre le vent. Tant que le monde sera monde Nos enfants formeront des rondes Et chanteront 4 pleine voix L’histoire d’un amour durable Entre un ajonc et un érable Entre Bretagne et Canada. Jacqueline ROBIN Nous publions ce poéme avec |’aimable autorisation de l’Amicale des Parents d’Emigrés en Amérique du Nord. L’ARCTIQUE Dans le cadre des accords culturels franco-canadiens, les Galeries nationales du Grand Palais présentent ac- tuellement uneexposition consacrée 4 lasculpture chez les Inuit (terme indien qui désigne les esquimaux du Canada). : On compte actuellement 11,000 Inuit qui se répartis- sent sur differents territoi- res de l’Arctique canadien. Ils sont venus sans doute d’Asie et se sont établis au Canada a la fin de la pé- riode glaciére, 4 4 5,000 ans avant notre ére, 4 1’époque néolithique. Leur protohistoire remon- terait 4 la culture Denbigh (du nom du Cap Denbigh, au nord-ouest de 1’Alaska), qui correspond 4 l’an 2000 avant J.C. ! en piemre ek “en 0s, des gouges, des lames de cou- teau, etc. De 2 500 ans a 800 ans avant J.C., la culture du Predorset introduisit un art magico-religieux fondé sur le chamanisme et les rites funéraires. La culture de Dorset s’étend de 800 avant J.C. aux années 1300 de notre ére. Elle est marquée par ' apparition de sculptu- res qui mettent en évidence le prodigieux sens de 1l’ob- servation des Inuit. ’- Vient ensuite la culture de Thulé (de 900 au XIXéme siécle) qui voit se dévelop- per les objets fonctionnels : outils spéciaux pour la chas- se a la baleine, perceuses a arc en Os, ivoire ou bois de caribou, etc. La période de transition qui suivit est marquée par des recherches folkloriques de caractére moins authen- tique. A partir de 1945, les Inuit ont connu une évolution trés .. nette au contact de la civi- lisation contemporaine ; ils comptent de véritables ar- tistes qui ne sont plus ano- nymes. ; Ces sculpteurs ont choisi de transcrire une démarche qui se résume ainsi : aller du réel. A Virrél. Ils ont traduit les étapes de ce che- minement dans de petites formes d’ivoire, d’os, de bois, de pierre, de corne, etc. oe Une téte sculptée par les Inuit LE SOLEIL, 7 AVRIL 1972, XIII