SS ——————————— nnn: KF < CARNET d’un PROMENEUR Le 11 Novembre, Jour de l'tArmistice, nous irons voir le défilé des Anciens Combattants. Parmi les groupes de tous Ages, nous distinguerons deux géné- rations, celle de 1940, et cel- le de 1914 dont les rangs se clairsément. Les hommes de 1914 ont pa- taugé dans la boue des tranchées et affronté les premieres furies de la guerre moderne. Pourtant, ils se plaisent & évoquer ces années mortes, car elles ressus- ._citent leur vingt ans. Quand deux vétérans de la Grande Guer- re se rencontrent, leurs yeux brillent et bien souvent ils se lient d'amitié. Cette fraternité d'armes, peu accessible aux jeunes, me fut révélée d'une facgon éclatante lors d'un voyage 4 Québec. J'avais visité la Chapelle du Couvent des Ursulines et le Musée de Cire, et je me re- posais sur un bane de la Grande- Allée. A cOté de moi, un homme grisonnant s'amusait & pousser des cailloux du bout de sa can- ne. Je lui adressai la parole. Me voyant étranger, il me parla de sa ville, de ses fétes, de son Carnaval. Je pris 1'habi- tude de venir le retrouver, et c'est d'aprés ses propos que je rapporte cette histoire... " Gérard Fontenoy habitait Senlis, petite ville au Nord de Peris. Veuf et retraité, il vivait avec sa soeur veuve dans une maison de la Rue des Pigeons Blanes. Les jours de soleil, il retrouvait de vieux compagnons ‘sur les remparts, avec qui il remuait des souvenirs de la Grande Guerre. - Un jour, Fontenoy embrassa sa soeur et serra la main de ses compagons, et il s'embarqua au Havre pour le Canada. Des mouettes tournoyérent au-dessus du navire et des colonnes d'eau battirent ses flancs. Un matin, ‘les passagers apercurent une Ti- we verdoyants, piquée ici et 1a de clochers brillants au milieu des maisons; et bientdt se pro-_ fila le promontoire de Québec. — Une fois débarqué, Fontenoy prit un taxi et se rendit Rue Saint-Gabriel, ot habitait son fils. Patrice enseignait la — littérature francaise 4 1'Uni- versité Laval, et sa femme don- nait des legons de piano & Sil- lery. Fontenoy pére, venux passer un mois prés de ses en- | ey ("1939 19. fants, fit chaque jour sa prome- nade dans Québec. - CUest sur ce bane que je 1'ai rencontré, me dit mon in- terlocuteur Québecois. Il était vétu de noir, portait moustaches grises et cheveux en brosse, et j'ai reconnu en lui un ancien soldat. Apprenant que j'avais servi avec le Corps Expédition- naire Canadien en France, il m'a raconté ses souvenirs de tranchées et nous sommes devenus amis. J'habite chez ma fille et plus d'une fois j'ai ramené Gérard A diner. La veille aprés-midi du dé- part de Fontenoy, Renaud condui- sit son camarade au Cap Diamant. A mi-c6te, ils s'arrétérent. A leurs pieds s'étalait le fleuve, griffé par le sillage du tra- versier. Un calme ensoleillé régnait sur les plaines ot la France a perdu un continent. Le Canadien expliquait au Francais comment les Anglais, débarqués 4 1'Anse-au-Foulon avaient pris les défenseurs 4 revers, quand Fontenoy 1'in- terrompit: - Tout ca, crest bien loin! Vous viendrez me voir en France, n'est-ce-pas? : '- Oui, peut-étre. J'en profiterai pour revoir Mons. J'y ai connu un médecin dont la fille me tri- cotait des mouffles. - J'irai avec vous. IlyaA Mons un Musée militaire, avec des uniformes de l'armée Canadienne et des médailles francaises. Le Llendemain, une pluie fine embrumait 1'Anse-au-Foulon. Pa= trice Fontenoy et sa femme, Renaud etnsa fille escortérent le voya- geur. Renaud serra la main de son ami e - A l'année prochaine! lui cria Fontenoy de la vedette qui l'emportait au paquebot aoe dans la grisaille. _Aprés le départ du Frangais, les neiges habituelles s'abatti- rent sur Québec. Le vieux Renaud, calfeutré dans sa maison & doubles fenétres, préparait son prochain voyage en France. Chaque jour, il dépliait sur la table une carte Michelin que son copain lui avait envoyée, et il y sui- vait du doigt des jalons fameux: Mons, Le Casteau, Vimy! Un matin de décembre, sa fille lui remit ume lettre. Elle annon- gait la mort de son camarade. Il dut s'appuyer & une chaise et s'asseoir. Cette nouvelle le - navrait d'un coup de poignard et tendait un voile devant ses yeux. Durant plusieurs mois, Renaud se comporta comme une épave qui bourlingue. Le printemps revint. Le vieux soldat reprit ses promenades. Peu & peu, le cieh bleu sur le Saint-Laurent, les concerts du dimanche, les enfants qui courent sur les terrasses, lui ont rendu le got de la vie. AJos 194 --- 1918 | - de la maison de son pere. ‘starmant de son fusil bondit au mi- Les Allemands nattaqueront pas. Alors que hous allons celebrer le cinquantiéme anniversaire de l'ar-- mistice de la guerre 1914-1918, peu de personnes savent que les premieres victimes de cette guerre furmt wn- caporal francais et un lieutenant al- lemand, ; Durant 1'été de 1914,la France voulant rassurer l1'Allemagne de ses intentions pacifiques avait retire ses troupes s‘x milles a 1'intérieur de ses frontiéres, Le 2 aout, le caporal Jules Peu- geot commandait un peloton de garde de cinq hommes & la croisée des che- mins de Jancherey. fut était tran— quille,Le caporal et ses hommes, his- toire de passer le temps, blaguait a— vec Adrienne Nicolet,19 ans, au seuil Soudain, elle lanca un cri, Sur la route, se dirigeant vers eux, un cavalier portant casque a pointe, ar- rivait au trot. Le caporal Peugeot lieu de la route passage. A ltapparition soudaine du capo- ral, le cavalier Allemand sortit son revolver et fit feu trois fois, cha- cune des balles atteignit le caporal en pleine poitrine, Mais en tombant, il. appuya sur la gachette de son fu- sil.La balle frappa le cavalier lieu- pour lui barrer le ‘tenant Camille Meyer en plein front. Que faisait le lieutenant Camil- le Meyer a lL'interieur des frontie- res francaises? Ses camarades dirert que, s'il était un excellent tireur, jl était tres mauvais cartographe,et avait di se perdre. ‘4 ne a Pendant une accalmie messe en plein air.” Ici I'autel est un caisson d‘artillerie. TE.