4 Education: «Enjeu National»-Volume I, Semaine du 5 mars 1990 par Reine Degarie e Sénateur Gérald Beau- doin, éminent constitu- tionnaliste, a accepté d’expliquer briévement le contexte relatif a deux événe- ments exercant une influence pri- mordiale sur les systémes éduca- tifs des groupes minoritaires fran- cophones: Vinsertion de Varticle 23 dans la Charte canadienne de 1982 et le jugement attendu de la Cour supréme, sur ce méme article 23 dans le dossier appelé «lV affaire Mahé». Les deux faits marquent une premiére. L’article 23 reconnait pour la premiere fois, a échelle nationale, des droits scolaires spé- cifiques pour les minorités franco- phones. «L’affaire Mahé» incite la Cour supréme @ se prononcer, pour la premiere fois, sur les droits constitutionnels des francophones minoritaires en matiére de gestion scolaire. uwses601d so} uns siueL offerts en francais. UNIVERSITE D’OTTAWA APF: Sénateur Beaudoin, quel- les sont les causes et les raisons de Vinsertion de l’article 23 dans la Charte canadienne des droits et libertés? Sénateur Beaudoin: Voici, l’école confessionnelle avait été protégée dans la constitution de 1867, par l’article 93. Cet article protége les droits des groupes ca- tholiques etdes groupes protestants. Il précise aussi que 1’éducation est de juridiction provinciale. En 1913, les francophones de 1’Ontario se sont attaqués au réglement XVII, dans les écoles. On s’apercoit que cet article 93 ne protége que la reli- gion et non la langue. Quatre ans plus tard, le Conseil privé confirme,dans l’arrét McKell, que l’enseignement religieux était pro- tégé mais pas la langue d’enseigne- ment. Pour remédier a cette lacune, lors de la fameuse conférence sur le rapatriement, de novembre 1981, on a décidé d’enchasser dans la ee Te | Plus de 130 programmes UNIVERSITY OF OTTAWA ADMISSION - LIAISON 550, RUE CUMBERLAND, OTTAWA (ONTARIO) K1N 6N5 (613) 564-3928 Constitution canadienne! article 23 de la Charte, soit le droital’instruc- tion dans la langue de la minorité de langue officielle, donc des franco- phones hors Québec et des anglo- phones au Québec. On a trés bien réussi par le libellé de cet article 23 a protéger la langue d’enseigne- ment. La Cour d’appel de l’Ontario s’est prononcée et la cour supréme doit le faire dans l’affaire Mahé de 1’Alberta. La minorité de langue of- ficielle, c’est a dire les francopho- nes en Ontario, pour bénéficier de laprotection del’ article 23 doivent, dit la Cour d’appel, avoir l’admi- nistration de leurs écoles. Les ga- ranties constitutionnelles doivent, de par leur nature méme, étre inter- prétées généreusement, libérale- ment. La seule facon de conférer une garantie qui soit sérieuse, qui ait des dents, est de reconnaitre aux citoyens canadiens de la minorité de langue officielle, aux niveaux primaire et secondaire, le droit de gérer des écoles de langue fran- caise, des écoles subventionnées a méme les fonds publics, lorsque le nombre le justifie, le droit d’ins- truire leurs enfants dans des établis- sements d’enseignement de la mi- norité linguistique. J’interpréte les mots dela «minorité linguistique» a l’article 23 comme voulant dire: «des établissements d’enseigne- ment contrélés par la minorité lin- guistique». Ceci veut dire que si on aun conseil scolaire homogéne de langue francaise, ce conseil peut régiretcontroler l’enseignementen frangais dans ses établissements. APF: Par l’article 23, a-t-on voulu assurer le respect d’un mini- mum de droits et quelle liberté d’ ap- plication laisse-t-on aux provinces? Sénateur Beaudoin: A la pre- miére partie de votre question la réponse est oui. Par ailleurs, l’arti- cle 23 s’applique dans les dix pro- vinces canadiennes, et, comme le systéme scolaire, aux termes de Varticle 93 de la Constitution, re- léve des‘ provinces, cet article 23 s’applique au niveau provincial dans chacune des dix provinces. Si vous faites référence 4 une «norme» canadienne d’une province a 1’au- tre, moi je n’ai pas de mal a vous suivre. La seule réserve que fait l’article 23 porte sur le nombre des enfants. Il faut un nombre suffisant pour justifier la mise en oeuvre de l’article 23. J’en conclus que, peu importe la province, sile nombre de personnes de langue officielle le justifie , la province est obligée de. prendre des mesures appropriées pour mettre en oeuvre la garantie énoncée 4 l’article 23. Méme s’il y a des provinces oi il y a plus de francophones que d’autres, on ne peut pas, dans un domaine oii existe un droit constitutionnel, arriver a des solutions vraiment différentes d’une province al’autre, il faut qu’il y ait une certain «standard». Si le jugement de la cour d’appel de l'Ontario, qui est beaucoup plus généreux que celui de la Cour d’ap- pel de l’Alberta, est confirmé par la Le Sénateur Gérald Beaudoin. Cour supréme du Canada, 4 ce moment-la, le tour est joué, parce que la Cour Supréme aautorité dans tout le Canada. On devra certes faire la part des choses d’une pro- vince al’autre, mais le jugement de la Cour fera autorité. Je suis trés content que l’affaire Mahé ait at- teint la Cour supréme du Canada. J’ai bon espoir que la Cour supréme ira dans le méme sens que la Cour d’appel del’Ontario, plut6t que dans la voie choisie par la Cour d’appel de 1’Alberta. L’article 23 de la Charte est venu apporter un reméde A une sérieuse lacune. C’est un arti- cle remédiateur qui accorde des droits constitutionnels. La Cour ne peut pas ne pas interpréter généreu- sement cette garantie constitution- nelle; je suis optimiste pour ce qui est de l’affaire Mahé. Je pense que ja Cour supréme va reconnaitre le controle ou une forme de contréle des francophones sur leurs écoles francophones; autrement, la garan- tie constitutionnelle ne serait pas tellement solide. APF: Pouvez-vous expliquer d’od vient l’importance de |’affaire Mahé? Est-ce que c’est le contenu ouest-cele contexte du moment qui incite la Cour supréme a se pencher sur cette question 1a? Sénateur Beaudoin: L’affaire Mahé joue un réle trés important 4 cause du point de droit en jeu! Elle asuiviles canaux normaux. Lacause a commencé en Alberta; on en a appelé ala Cour d’appel de!’ Alber- ta. Insatisfaits, les francophones en ont appelé 4 la Cour supréme du Canada. Cette derniére a accepté d’entendre l’appel. Avec raison! C’est un cas trés important! ~ La raison est bien simple! Jus- qu’a maintenant, la Cour supréme n’apas eu lachance de se prononcer encore dans ce domaine-la. Elle a eu la chance de se prononcer dans Vaffaire Forest, dans |’ affaire des droits linguistique du Manitoba, et dans |’affaire Mercure; mais pas sur le point de droit en jeu dans l’affaire Mahé.C’ estnouveau! C’est une question fondamentale. In’y a aucune surprise. APF: Mais encore, en quoi pré- cisémentle jugement prochain dela Cour supréme revétune importance pour toutes les provinces? Sénateur Beaudoin: Parcequ’il s’agit d’interpréter l’application de cet article 23 sur les droits linguis- tiques. La cour supréme s’est déja prononcée sur la Loi 101 au Qué- bec. Elle s’est prononcée sur beau- ‘coup d’autres sujets mais elle n’a jamais eu l’ occasion de se pronon- cer sur le contréle, par la minorité de langue officielle, de ses écoles. Est-ce que l’article 23 donne un droit de contréle 4 la minorité fran- cophone sur ses écoles, oui ou non! Telle est 1a question! Suffit-il quela majorité protége tout simplement les écoles de laminorité? La majo- rité doit certes protéger les droits de la minorité, mais je pense que la Cour va aller plus loin que cela, vu que l’article 23 est remédiateur. Je souhaite qu’elle reconnaisse 4 la minorité francophone un droit de controle, un droit de gérance. C’est mon souhait! Je fais pleine con- fiance 4 la Cour.