8 - Le Souen, venored! 27 mai 1994 ~<a pi S ef Spectacles

Mosaiques en poemes de Colette Buvat

La vie

telle un bouquet de ballons

Un péu comme une autobiographie, le recueil de Colette

Buvat nous entraine dans ses souvenirs, bons ou mauvals, —

et nous montre comment l'auteure pergoit la vie.

De peines en joies, de
larmes en rires, la vie de Colette
Buvat, comme celle de tout
individu, est une suite de
contrastes. «Zout compte, le
négatif comme le positif parce
qu’ils font partie du quotidien de
la vie», explique-t-elle. Dans son
recueil intitulé Mosaique en
poémes, les textes de Colette Buvat
sont regroupés sous quatre grands
thémes mais ils n’ont pas vraiment
d’ordre précis. «J’écris de fagon
trés désordonnée, de dire Colette
Buvat, a mesure que les idées me
viennent. »

Mais Mosatque en poémes
n’est pas qu’un recueil d’idées,
bien au contraire. «Jai écrit par
besoin», explique!’ auteure.
Confinée a un mariage de
convenancé qui la rend
malheureuse, |’ écriture
devient pour elle une forme

de thérapie qui sera
précédée d’une longue

période de réflexion durant
laquelle elle seréfugie dans
la lecture. A cette époque,
elle découvre |’écrivain
francais André Gide, lui- —
méme poéte a ses heures.
Tout comme lui, Colette
Buvat tient un journal
personnel qu’elle publiera
peut-¢tre un jour, sait-on
jamais.

Mais cet auteur-
fétiche 1’a surtout inspirée
au niveau philosophique, -
et cette inspiration, Colette
Buvat la véhicule a travers
ses poémes. «L ‘homme est
une éternelle remise en
question; jour apres jour,
il apprend que rien n'est
acquis», dit-elle. Pourtant,
chaque individu est

constamment animé d’une soif
d’atteindre et de posséder. Mme
Buvat décrit cet aspect dela nature
humaine dans un poéme intitulé
L'Eternel amour:
«Insaisissables... ces ballons et
ces bulles... Insaisissables... mon
amour... je te posséde. »

André Gide disait que ~~

«posséder c’est perdre» et c’est
tout a fait ce que Mme Buvat veut
illustrer par l’image des ballons et
des bulles. D’ ailleurs, elleexplique
toute sa démarche d’écriture dans
lV’introduction du recueil.

Malgré le fait que tous ses
poémes fassent partie d’elle-
méme, l’auteure _ avoue
affectionner tout particuliérement

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Colette Buvat.

les vers intitulés Evocation. Elle y
ressasse une partie de son enfance,
alors qu’elle devenait écoliére. Les
contrastes se suivent pour
reproduire la réalité telle que pergue
par une enfant : l’école austére, la
classe qui sent l’encre et le papier,
puis le sourire doux de
l’institutrice.

Selon Colette Buvat, chaque
aspect de la vie, sombre ou
joyeux, mérite d’étre célébré
par la poésie. Elle en donne

| un exemple frappant dans le
_ dernier poéme du recueil: La

mort apprivoisée.
«Apprivoisée», parce que,
dit-elle, on ne devrait pas
considérer la mort comme
une période sombre.

Si Mme Buvat parle
si librement de son bonheur
et de son malheur, c’est
probablement parce qu’elle
s’est réconciliée avec les
éléments de son passé. Bien
qu’elles aient été
malheureuses, certaines
périodes de sa vie 1|’ont
amenée a se ressourcer dans
la lecture et dans |’écriture.
«Jene prenais pas laplume...
c’estlaplume quime prenait
la main.» Et elle sourit, de
ce sourire qui ne la quitte
jamais...
Genevieve Gouin

L'art de la bande dessinée

La bande dessinée réservée
aux professionnels? On serait porté
a le croire quand on voit s’exécuter

Paul Roux avec autant de dextérité.

Mais son ouvrage de vulgarisation,
un cours sur papier, La BD, l’art
d’en faire, nous assure du contraire.
La bande dessinée devient d’un coup
accessible.

Aprés avoir animé quelques
ateliers au Manitoba et en Ontario,
Paul Roux a décidé de coucher sur
papier ses réflexions et ses petits
trucs. Le résultat: un manuel
captivant qui plait a la fois aux
débutants comme aux avertis.

“A 12-13 ans, quand je
m’amusais a faire de la bande
dessinée, je ne trouvais pas de livre

pour m’améliorer. Les livres sur la
bande dessinée ne donnaient que
des connaissances
encyclopédiques”, explique-t-il. _

Publié par le Centre franco-
ontarien de ressources
pédagogiques, le manuel a fait un
malheur au Salon du livre de
1’ Outaouais, la région ov il vit, et lors
de la Quinzaine de la littérature
canadienne-francaise, qui vient de
se terminer 4 Montréal.

Paul Roux a aussi regu pour
son manuel une distinction de ses
pairs, le Prix spécial du jury lors du
Festival de la bande dessinée
francophone, qui se tient chaque
année & Québec.

Son premier album,

Missionnaire en Nouvelle-France,
une bande dessinée réaliste, regoit
en 1990 leprix Coccinelle a Bruxelles
et le prix de l’Espoir québécois de la
bande dessinée au Festival de la

bande dessinée francophone. Deux ©

ans plus tard, il remporte le prix du
Meilleur album québécois del’ année
avec Jésus,un regard qui fait vivre.

Paul Roux a encore les idées
plein la téte et des personnages
fabuleux préts a sortir de ses poches.
“Détréner Astérix et Obélix reste
l’un de mes réves les plus fous!”,
dit-il avec un sourire gamin.

Roux,Paul, LaBD,!’artd’en

faire, Vanier, Centre franco-
ontarien en ressources
pédagogiques, 1994, 80p, 11.955.

La Quinzaine de la littérature canadienne-francaise

Une litterature
en ébullition

Montréal : Aprés une premiére tentative 1’an dernier, les
éditeurs du Canada francais ont renouvelé leur belle initiative de la
Quinzaine de la littérature canadienne-frangaise, qui s’est déroulée
du ler au 15 mai au Québec.

L’événement est en train de gagner ses lettres de noblesse.
D’abord, les éditeurs canadiens de langue frangaise, et surtout les
auteurs, ont eu une meilleure visibilité, dans les médias comme dans
les librairies. Coup de maitre s’il en est un. Des séances de signatures
ont méme eu lieu dans de prestigieuses librairies montréalaises.

«On est passé de 24 a plus de 50 librairies qui participent a la
Quinzaine cette année. Au début, on a di faire face au scepticisme
de certains, mais au fil du temps, ils ont dfi reconnaitre notre
professionnalisme», explique Ginette Péloquin, attachée de presse
du Regroupement des éditeurs canadiens de langue francaise.

Rafraichissante est aussi la diversité qu’offre le contenu de
cette Quinzaine. D’un cété, le roman gai de Paul-Francois Sylvestre
(Le mal aimé éditions du Nordir), cétoie Le glossaire acadien de
Pascal Poirier (éditions d’Acadie-Centre d’études acadiennes) ou
encore l’essai sur la pornographie, Le sexe spectacle, de Richard
Poulin aux éditions du Vermillon et des Vents d’Quest. -

Les jolies jaquettes des livres marquent a leur maniére que la
littérature d’expression frangaise, quis’ écrital’extérieur du Québec,
entre dans une nouvelle ére.

«La modemité est la. La littérature canadienne-frangaise n’a
plus de complexe a avoim, reprend Mme Péloquin.

Si certains auteurs continuent de s’alimenter a partir méme
de leur statut de minoritaire, d’autres, plus nombreux, inscrivent

leurs écrits dans une auéte universelle.
Dans Anglistrose, Roger Levac parle d’un mal qui gangréne

les Franco-Ontariens: 1’assimilation. Tantét avec humour, tantét
avec cynisme et rage, il s’indigne contre ceux qui, engourdis par la
«normalité», transforment leur identité jusqu’a en perdre leur nom.
Un livre intéressant, qui tient ici du journal et du pamphlet beaucoup
plus de l’essai comme il est indiqué sur la page couverture.

Roger Levac frappe dans le tas, faisant fi du discours ambiant
de la francophonie canadienne officielle. De son pére qui respectait
tellement ses «boss» en passant par des connaissances qui baissent
les bras, |’enseignant de Cornwall propose des instantanés, des
portraits de famille qu’on voudrait cacher dans le fond d’une malle
au grenier. Méme si l’auteur voit poindre irrémédiablement la fin du
fait francais en Amérique, il n’a pas voulu faire triompher le
désespoir. Le livre, paru chez Prise de parole, devrait étre obligatoire
dans les cours de frangais, dans les écoles secondaires de Ontario
ou du Manitoba, ne serait-ce que pour faire réagir un tant soit peu
la génération qui s’abreuve a la culture pop américaine.

Un autre livre, paru chez Prise de parole, tisse un lien entre
deux générations, celui de Gabrielle Poulin, Le livre de
déraison.Touchant, poignant, le roman prend la forme d’un journal
intime, d’un héritage que laisse une grand-mére a sa petite-fille de 40
ans. On y découvre une femme qui a envie de vivre, méme enfermée
dans une maison de retraite aseptisée.

La déraison est aussi le fil d’Ariane du roman de Paul-
Francois Sylvestre. Dans Le mal aimé, un homosexuel en quéte
d’amour se met a nu. II raconte ses aventures sans jouer a cache-
cache. Avec des mots crus, l”"homme marginalisé crie sa soif de
tendresse, son droit au bonheur. Le récit est déboussolant mais
tellement juste. On sent l’urgence, la panique, le souffle de celui qui

court, qui s’amourache, qui se donne. Paul-Frangois Sylvestre, |.

directeur de 1a revue franco-ontarienne Liaison, a écrit ce roman en
deux semaines avec beaucoup de générosité.

Autre ton, autre décor avec Le Grand Bal des baleines
(éditions d’ Acadie) de Pol Chantraine, Belge d’ origine mais Madelinot
jusqu’ au bout des mots. C’est ce qu’il nous prouve avec ce recueil
de nouvelles, qui fait l’apologie de 1’océan, de la nature, de la faune

et des gens de la mer. La sensibilité de Pol Chantraine prime avec ses |

mots justes qui sonnent vrais.

En tout, la Quinzaine présentait 19 titres, tout aussi différents |

les uns des autres. Avec son budget de 25,0008, la Quinzaine a cette
année remplit son mandat avec succés. Plusieurs attendent déja la
troisiéme édition. Vivement la littérature du Canada frangais!

(APF) Johanne Lauzon