Pt ah —_ 14 — Le Soleil de Colombie, vendredi 18 mars 1983 - Voyages Un promeneur en voyage X- Bruges, Venise du nord Par Roger Dufrane Mercredi 13 Nous prenons le train a la Gare Centrale pour aller visi- ter Bruges, non loin de la céte belge. Le train file a travers le plat pays flamand. Sillonnée de canaux, agré- mentée de demeures patri- ciennes, Bruges, surnommée la Venise du Nord, demeure une ville unique en son genre. Je suis content de pouvoir la visiter en Automne: moins de touristes; partant, moins de voitures, ces voitures clin- quantes qui déparent les villes anciennes et en dispersent le charme. Voir Bruges sous un ciel tourmenté, c’est évoquer Thyl Uylenspieghel, l’espiégle luron des Flandres et son copain Lamme Goezak. Ces joyeux buveurs de cervoise jouaient des tours aux sou- dards espagnols qui occu- paient le pays. Je pense a leurs exploits en longeant les pi- gnons a gradins, rouges ou gris, qui bordent les ruelles aux pavés ronds, oa apparait parfois, dans la niche d'un vieux mur, quelque saint ou sainte de la légende dorée. Cloches et carillons Nous grimpons au haut du Beffroi par un escalier en tire- bouchon et qui suinte d’humi- dité. Tenons nous bien aux rampes et aux cordes. Sur le palier du haut se voient cloches et carillons, ce palier ouvert a tous les vents et d’ou s'apercoit la vieille cité, em- brumée aujourd’hui sous ses qu'est-ce que c'est, sinon le clocher de la religion du com- merce. Aux temps fastueux de Bruges, avant l’ensablement_ des alentours, le Beffroi domi- nait le marché de son quadri- latére flanqué de créneaux et surmonté d’une tour octogo- nale en pierre du Branbant. Dans les locaux du_ bas s’entreposaient les draps et les blés, et les précieuses mar- chandises de la Compagnie des Indes. Jeudi 14 A Paris, ou bien a Bruxel- les, qu'on s’assimile, qu’on aborde amicalement les gens, ils retrouvent le sourire et la gentillesse des périodes de grande prospérité. Certes, les temps sont difficiles: les mau- vaises nouvelles répandues a tous les vents par la télévision et la radio, l'inflation, le ché- mage, rendent morose. Et pourtant!l Canada, pays de prestige Dans I’autobus qui méne au centre de Bruxelles, je m’en- tretiens avec une dame d’une soixantaine d’années, assise en face de moi. Le mot Canada fait briller ses yeux: “J'aurais voulu partir pour le Canada avant la guerre. On est bien la-bas... Au revoir, Monsieur, Appelez Jacques GPO a 0 a a La seule agence de voyage francophone et bonne continuation!” Je le remarque a plusieurs reprises, le Canada, pour les Belges, a lencontre des Etats-Unis, pays de tapageurs, est un pays dont on n’entend pas trop souvent parler, mais qui demeure plein de prestige . On sait le Canada peu peuplé, de res- sources en grande partie inex- ploitées. On n’y concoit pas le chémage. Et pourtant! Je retourne Rue Royale prendre possession de mes nouvelles lunettes. Courtoisie et gentillesse du personnel. L'opticien s'informe sur le Canada, de méme que la caissiére: “Vous avez vu a cété, Monsieur? Il y a une agence touristique canadien- ne... Au revoir, Monsieur, revenez plus tard nous dire bonjour!” Je remonte la Rue Royale, descends sur la ville, en passant devant l'hotel Raenstein, une des rares de- meures patriciennes du quin- ziéme siécle, et emprunte les Galeries Saint-Hubert pour aller déjeuner Rue des Bou- chers. Cuisine a la fois familiale et fine. Dans la Rue des Bou- chers, entre autres chez Léon, on mange toujours bien. C’est la une tradition et un point d@honneur. Mon voisin de table, un Bruxellois barbu d’une trentaine d’années, qui a choisi Mons comme. ville d’adoption, porte la chemise épaisse et a carreaux rouges des bacherons canadiens. Nous entrons en conversation. Il a visité le Québec et poussé jusqu’au Labrador. I] me parle de Mons et du Borinage ou je compte aller bientét. Ila participé au bureau de touris- me de Ia ville de Mons. Il semble féru d'histoire locale: “A Mons, ville plus ancienne que Bruxelles, le chapitre des chanoinesses de Sainte Wau- dru, qui remonte au haut Moyen Age, possédait en Bel- gique et jusqu’aux portes de Bruxelles, d’immenses terres. Cadres nazis Issues de la noblesse, les chanoinesses vivaient en pro- fanes, et recevaient avec joie dans les murs de leurs cou- vents des princes de passage. La _ ré€volution francaise a balayé tout celal Sous la Convention, le “Car d’or” de la ville de Mons servait a charrier les filles de joie!” Mon interlocuteur me parle du déclin des charbonnages et de l’épanouissement des. fan- fares municipales. Outre le tourisme, il s’occupe de la Fédération des Scouts catholi- ques. Il m’apprend qu'il existe divers mouvements scouts: les Wallons, les Flamands, les neutres et des indépendants de formation néo-nazie: “Ce groupement, né en Autriche au lendemain de la mort de Hitler, s'est infiltré en France et en Belgique. Les petits scouts qui s‘ébattent dans les bois ne savent pas ov on les méne. Mais les cadres sont nazis!” oe Hastings Travel Ltd 0 <> () <> () <> ()