Le Moustique - Dans un bon vin, il est important d’en contrdler la quantité. Amertume et astringence condamnent un vin trop riche en tanin, alors que sa présence en quantité modérée confére a ce nectar un aréme corsé et une charpente. Les ta- nins favorisent également la conservation des vins de gardes. Dans |’eau, tout cela n’a aucune importance. Au mieux, cela donne- rait un gout a cette chose insipide. — Mais ce n’est pas dangereux ? — S’il y en a dans le vin, c’est que cela ne peut pas étre mauvais. Au contraire, cela rend les chairs imputrescibles. On s’en sert pour tanner les peaux et, sans doute, conserver les momies. Je ne crois cepen- dant pas que ces derniéres aient été nécessairement de grands buveurs de vin. — Alors, pourquoi la « riviére charbon » ? — Il y a du charbon par ici. On voit de-ci, de-la, de petits lits et lentilles de charbon intercalés dans les couches de _ grés argileux. Le long de cette céte, on se pro- méne sur des couches géologiques assez réecentes. On est ici dans ce qu’ils appellent le Groupe de Carmanah ; des_ roches sédimentaires @océnes a oligocéene dont lage est compris entre trente-cing et vingt -cing millions d’années. Une broutille ! C’était hier, a peine ; c’était aussi l'@poque des tout premiers grands singes ; homme ne paraitra que beaucoup plus tard. Il y avait sans doute un delta dans cette zone, avec des marécages ou s’accumulait le bois mort d’une importante forét tempérée. — Finalement, !’environnement n’a pas trop changé semble-t-il ? — Pas trop! Il y avait déja des ours, mais ils avaient la taille de renards courtauds et, 7° édition Volume 5 - ISSN 1496-8304 Juillet 2002 plus au sud, régnaient dans les savanes des chameaux aux allures de gazelles. — Hum ! Tout ¢a ne fait pas trop sérieux. Ce que tu me disais tout a ’heure, en ce qui regarde le tanin, est cependant assez curieux. Faudrait-il en conclure que les plantes elles aussi polluent ? — Bien sdr! Tout ce qui vit, pollue. La pollution est irremédiablement attachée a toute activité organique. On ne peut pas éliminer totalement la pollution sans exterminer toute expression vivante. Un porc dans une porcherie, c’est d’un sale ! Mille porcs, c'est immonde. Rappelle-toi les otaries de tout a lheure, c’est leur nombre qui rend leur odeur insupportable. Le gros probleme de la pollution a notre epoque, ce nest pas tant l’activité des humains que le nombre de ces derniers qui pése considérablement sur la planéte. — On ne pourra donc jamais supprimer totalement la pollution ? — «Totalement » appartient au vocabu- laire de l’extreémisme. Pour y parvenir, il faudrait supprimer toute vie. Quel intérét alors a avoir une planéte propre, s'il n’y a plus personne pour en profiter ? Imagine que lon doive couper tous les grands arbres de ce pays pour clarifier les riviéres. La marée basse découvre a cet endroit un grand nombre de structures qui décorent avec fantaisie le paysage. Des grés argileux, couleur otarie, en couches ondoyantes et pente légére, sont des pa- vements qui serpentent dans l’@cume des vagues. Comme un palais romain qui som- brerait lentement dans la mer. Pris entre deux tourmentes, ces monuments de pierre, quand ils ne se noient pas dans les flots, s’effacent sous le sable dont la couleur grége se tache de vert d’algue ou de volées d’oiseaux. 7