4 - Le Soleil de Colombie, vendredi 23 février 1990 LES FRANCO-COLOMBIENS ET LE DROIT A L’EDUCATION EN FRANCAIS EN COLOMBIE-BRITANNIQUE Les Franco-Colombiens et la Charte canadienne des droits et libertés: Article 23, un article réparateur Depuis la proclamation de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 et, plus particuliérement de I'Article 23 de cette Charte, les parents de la minorité linguistique officielle du Canada ont gagné le droit de faire instruire leurs enfants dans leur propre langue. Ainsi, les «ayants-droit» sont définis, a |’Article 23, d’aprés les stipulations suivantes: «23 [7] Les citoyens canadiens a] dont lapremiére langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de /a province ou ils résident, b] qui ont regu leur instruction, au niveau primaire en francais ou en anglais au Canada et qui résident dans une province ou la langue dans laquelle ils ont regu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone dela province, ont dans l'un ou I’autre cas, le droit dy faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue...» Les «ayants-droit» sont également définis comme tout citoyen canadien dont un enfant a déja recu son instruction au niveau primaire ou secondaire dans |’une ou |’autre langue dans toute province ou I'une ou |’autre constitue la langue officielle minoritaire. Comme I’affirmait la Cour supréme du Canada en 1984, |’Article 23 est avant tout un article réparateur a |'intention des minorités francophones qui ont subi un tort historique quant a leur culture. L’Article 23 ne vise donc pas uniquement l’6panouissement des minorités linguistiques mais tend aussi, dans le cas des francophones, a leur rendre justice. L’interprétation de |’Article 23 L’Article 23 stipule également que ce droit a |’instruction «s exerce partout dans la province ou le nombre des enfants des citoyens... est suffisant pour justifier a leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de |'instruction dans la langue de la minorité» et encore, «/orsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics». La formulation de |’Article 23 offrait donc une porte de sortie toute trouvée pour tout gouvernement provincial réticent ou indifférent au fait francais sur son territoire: * ee en e En effet, qu’est-ce qu'un nombre suffisant d’enfants lorsque la minorité officielle d’une province‘atteint a peineles 2% dela population totale? ¢ Comment définit-on un «établissement d‘enseignement de la minorité linguistique»? La Cour d’appel de |'Alberta a défini le terme comme pouvant signifier une classe, une école, un batiment séparé, un édifice administratif, ou encore un systeme scolaire local ou provincial. Quant aux Cours de l'Ontario, de la Nouvelle-Ecosse, de la Saskatchewan et de I'Ile-du-Prince-Edouard, elles ont interprété le terme «établissement» comme étant une école distincte de celle instruisant la _ majorité. En d'autres mots, il s'agit de déterminer de quelle fagon I’Article 23 peut étre appliqué. II faut d’ailleurs souligner que les tribuhaux sont unanimes a reconnaitre que le pouvoir discrétionnaire dont peut jouir un conseil scolaire de décider du «nombre suffisant» d'éléves, est inconstitutionnel. De plus, lasuffisance du nombre ne doit pas servir de'prétexte pour refuser le droit l'instruction dans la langue de la minorité. Le droit a l’instruction dans la langue de la minorité se doit d’étre une instruction de qualité égale a celle de la langue de la majorité Le droit al'instruction dans la langue de la minorité implique une instruction de qualité égale a celle de la majorité. Ce n’est cependant pas le cas. Depuis l'implantation officielle, en 1979-80, du Programme Cadre de Frangais (PCDF) en Colombie-Britannique, les parents se sont heurtés 4 de grandes difficultés telles la qualification des enseignants, la qualité et la disponibilité du matériel pédagogique, les ressources humaines spécialisées (orthopédagogues, par exemple), l’agencement d’installations adéquates, le curriculum du programme et le besoin d’activités culturelles supplémentaires. En d'autres mots, les franco-colombiens revendiquent un enseignement de qualité égale a celle de |l’enseignement de la majorité. : Ce qu'il faut retenir ici c’est que la gestion des écoles francophones par une majorité souvent ignorante de la langue et de la culture minoritaire et souvent trop empressée a proposer ou a laisser passer des solutions de pis-aller, est une gestion vouée a l’échec et ce, au détriment des enfants de la minorité linguistique officielle, ainsi privés d’une éducation de qualité. La gestion scolaire francophone par les francophones Ledroit alagestion scolaire est une des questions les plus complexes. Bien que ce droit ne soit pas explicitement prévu dans l’Article 23, les juges hésitent beaucoup a en prescrire les modalités d’application. Le droit de gestion est le plus souvent interprété comme le complément indispensable du droit a |’instruction. La gestion scolaire garantit ala minorité les pouvoirs suivants: - administration des fonds, ae : - lanomination, |’élection et la supervision des personnes responsables des programmes scolaires et des établissements, - le recrutement et le déploiement des enseignants et du personnel de soutien, - les ententes en vue de la prestation de I’instruction et des services auxiliaires. Le pouvoir d’administrer les fonds pour la gestion scolaire est un facteur essentiel puisqu’il est directement relié ala qualité de l’enseignement minoritaire. —