Le Soleil de Colombie, Vendredi 16 Septembre 1977 L’homme le plus fort du monde ___ AUX EDITIONS VICTOR-LEVY BEAULIEU: par Ben WEIDER Chapitre IV -La vie a Lowell Dan restait comme pétrifié. Jusqu’a cé cve Lonis ait fini, le fermier ree quitta plus des yeux, et c’est prés de la grange que le Canadien le retrouva lorsqu'aprés evoir déchargé les briques, il remena. 21 trot cette fois, la charrette JA 04 il Vavait prise. Un tel exploit ne s’accomplit pas tous les jours. Bawdy sortit , machinalement sa grosse montre au boitier de fer: il y avait a peine une heure ef quart que Louis s'était mis A Vouvrage. II avait quatre heures d’avance sur les prévisions les plus optimistes du fermier. Le reste de la eérémonie d’erbauche ne fut plus qu'une formalité. Un simple coup d’oeil au fermier entouré d'une ving- taine de marmots silencieux et admiratifs avait fait eomprendre a Louis qu'il avait gagné la partie. I] ne restait plus qu’a lusine. ls fvrent tous les deux . . enehantés et ne regrettérent ni Tun ni l'autre leur accord. Le fermier aurait voulu que Louis rest at le soir méme. Le jeune Louis de son c6té voulait avertir ses parents et prendre ses bagages. J] fut entendu que Louis commencer: rit le lende- main, Aprés sor ene AVusine, 1 vie de la ferme fut un enchan- ‘tement. Il retrouva des souve- nirs de sa premiére enfance et de sa jeunesse. Souvent le travail était plus rude qu’en ville, mais a d’autres moments il pouvait prendre sontemps Tl était au grand air; il menait une vie saine; il s’entendait-parfaite- ment avec son patron. Ce der- nier s’'apercut trés vite de la trés > grande honnéteté du jeune hom- me et lui fit enti¢rement confian- ce. Louis se rappelait. les ennuis que lui avait valu son got de rontrer sa force 4 l'usine; il se méfia de lvi-méme 4 la ferme. II y fut aidé par le fait qu’en dehors de son patron, des enfants et de rares voisins, le public n’était pas trés abondant. Sa réputation de jeune Hercule fut vite établie dans le hameau; mais sa renom- mée ne devait atteindre un rayon plus grand que aplotancs - mois plus tard. Cette année-la on sit un mois d’aoit pluvievy. Des orages et des pluies torrentielles transfor- mérent les chemins en bour- biers. Un jour qne Louis reve- nait avec Rawdy din pré assez éloigné ot ils étaient allés répa- rer une cléture endommagée, ils apercurent 4 un détour de chemin une voiture embourbée. Un, de levrs voisins avait surchargé son véhicule sans De colére "homme redoubla de violence envers la béte. —N’as-tu pas honte de frapper cette pauvre héte qui n’y est pour rien? intervint Dan. L’autre, fou de rage. fit éclater une bordée d’injures. Bawdy éssaya de raisonner le forcené, et l’entrafna un pen A l’écart.° Pendant ce temps. Louis Cyr commenca par calmer le cheval. La pauvre héte, l’oeil affolé, tremblait viclemment Lorsque animal fut rassuré. Louis s’ap- procha de la charrette: il en fit lentement le tour, puis. sans se . presser, il se glissa sous larrié- re. S’are-bovtant stir ses robus- tes jambes, les mains solidement posées sur ses enisses, Louis commen¢a @ pousser. Jamais encore il n’avait fourni un tel effort. La voiture était’ embour- bée jusqu’avy essienx. La boue faisait ventovse. chain. I] va y avoir le cham- pionnat des hommes forts de l'Etat. Je svis sfir que vous allez le gagner. Louis fit le modeste —Je n’ai que 18 ans dit-il. —Ca ne fait rien, ie connais les concurrents. Vous &tes le plus fort. Je suis sfir que vous allez gagner. — Ft qui va faire le travail? remarqua malicie¢usement, Louis. Il savait que Dan 4tait trés fier de son gercon de ferme et que loin de l’empécher, il le pousserait plutét A prendre part au match, I] ne se trompait pas et bientét Dan joienit sa voix a celle du voisir. — Tu pevy valler Louis. On. s’arrangera bien pour quelques jours, Mortre.lenr ee que l’on sait faire a Lowell = Je dois evssi demander la permissior 8 mes parents, fit remarquer [ovis. — —Je svis sfir quiils te la donneront; je te ménerai moi- méme en ville, répliqua Bawdy. Trés sovvert, le dimanche, -il Une photo retains nous montrant Louis Cyr faisant une démonstration de sa force. Tout d’abord, Louis erut qu'il n’y arriverait pas: Et puis, soudain, la lourde charge bou- gea. Imperceptihlement. d’abord, puis un peu plus. Fermant les yeux, serrant les mfchoires, Louis poussa plus fort. Avec un claquement sec; les roues monteé- rent. Un ordre href au cheval, une secousse latérale sortant les roues arriére de l’orniére, et-la charrette était de nouveau sur la - terre ferme, préte a reprendre son chemin. Depuis quelques Louis n’enterdait plus le bruit de la dispute. Quand i! se tourna vers les devy hommes i! comprit pourquoi. Den avait un sourire arusé; quart ou fermier, calmé corme par meric. i) regardait bouche bée le jeune homme. L’histoire fit le tour du pays. Malgré ses efforts Uouis Cyr sortait ure fois de plus de lanonymat of pour un certain instants, . ermenait I.ouis en ville et le déposait chez ses prrents en allant au temple. Ce dimanche-la il était impatient de partir. Louis aussi d’aillevrs, mais cela amu- sait le jeune homme de paraitre indifférent. Comme il fellait s’v attendre, l'accord*fut vite donné La seule condition que posa Monsieur Cyr fut d’y aller également. Pierre, le second garcon, qi se passion- nait pour la bore et s'v montrait trés doué, fut aussi autorisé a faire partie dv vovage Il ne s’agisseit pas 4 propre- ment parler, d’un championnat de force, mais plutst d'un concours entre les plus forts fermiers de la région U'occasion en était la grande foire de septembre, cui réunissait de nombreux egriculteurs. Le concours ne comportait qu’une seule éprevve: i] fallait. soulever un lourd cheval. extrémement charedes. L’ani- mal était gris pomme!é. respirait la santé et avait des flanes énormes. Son aspect jetait dans l'admiration les spectateurs et dans la consternation les compé- titeurs. Finalemert, apras. les élimina- toires, trois hommes s’affronte- rent: deux géents, "un I[rlandais au poil brun, et un Ecossais roux, tous devy dans la force de Yage, et notre ami qui n’avait pas encore 18 ens. Uouis frappait toujours par ses jones roses, ses boucles blondes et son air de’: bébé. Son poids toutefois corri- - geait cette impression: il pesait bien 250 livres. On tira av sort l’ordre dans lequel les concurrents allaient affronter I’épreuve. Louis Cyr eut le numéro 2, I'Trlandais le numéro 2 et I’Feossais "honneur de commencer. Ja foule se serrait en cercle autour de la * place. Le silence se fit lorsque I’Ecos- sais enleva son veston. Silence qui se trarsforma‘en murmure adimiratif lorsqu’on vit les man- trés. large d’épaules mais cela provenait simplement, d’un ex- traordinaire développement des muscles du cov, J] s’approcha de la béte sans se presser. se frotta les mains d’vn geste qui trahis- sait la nervosité et se pencha pour se glisser sous le ventre de la béte. Pendant deux on trois minu- tes, qui parurent trés longues a l'assistance, il chercha son équili-_ bre, l’emplacement des pieds et des mains. Ces derniéres s’agrip- paient a des sangles spéciales qui constituaient une sorte d’ap- pareil de sovtien. Quand il fut prét, on vit ses muscles se tendre et i] fournit son effort. Tout d’abord ses épaules s’enfon- cérent dans le ventre de la béte; puis le mouvement. s’arréta: il avait atteint sa limite. On vit-le _visage de "homme devenir écar- late, puis avec un grand soupir, il relacha ses muscles et. sortit de dessous le cheval. 1] n’avait pu le faire bouger. LIrlandais qui venait ensuite n’eut pas plus de chance. Il était plus nerveux et plus vif dans ses mouvements. On crut un mo- ment que les jambes arriére avaient décollé. Ce n’était qu'une illusion, le cheval lui-méme ayant simplement hougé une de "ses pattes. Finalement, ce fut le tour de Louis. Il n’avait pas 4+4 prévu au programme et il avait fallu insister povr le faire inscrire. Son aspect impressionnait beau- coup moins que celui des deux géants, aussi Ja foule, en le _ voyant apparaitre, eut comme un mouvement pour se disper- ser. Mais le jeune Canadien s’avanca avec une telle asssuran- ce que les gens se dirent qu’aprés tovt ils ne risquaient pans longs ce le méme couleur, pantalons collants 1x cuisses, bottes et fovet A 'a main, le présenta sur un ton ironique. — Voulez-vevs enlever votre veste pour étre plus 4 laise et vous faire a¢mirer par ces ladies and gentlemer? ‘ Louis leva le main en “signe de refus. — Je préfére ne pis salir ma chemise propre. monsieur, ré- pondit-il. L’assistaree rit devant la nai- veté du Caradien. Le maftre des e4rémonies était aux arges. Ce eros lour- daud allait, prr sa drdlerie, sauver le spectscle compromis par l’échec ees deux premiers concurrerts. A petits pes, comme par petits bonds, I cvis se #lissa sous la béte. I’assistenee it franche- rent. Il y avait de quoi! On voyait émerger de sous 'énorme ventre du percheron ine grosse téte ronde et joufflie aux yeux bleus, encadrée de belles et longues boveles hlandes ais les rires s’»rr4t4rent net. q q . sae a . as 4. décider des conditions Dan était _ches se retrovsser sur d’énormes A peine sovs Je cheval le gros 3 juste et généreux, Louis coura- — avant-bras velus. u homme ne bébé s’y*erfenea Uui aussi 3 geux et trés désireux de quitter donnait pas l’impression d’étre marqua ur temps 4’arrét, mais qui ne dura pes. Une véritable clareur accveillit. Vexploit. L’é- norme béte gigotait hel et bien, les quatre fers soulevdés du sol! et l'on voyait, maintenant qu'il était redressé, le b4h4 joufflu sourire béatement. ™ ne donnait pas l’impression de forcer du tout. Mievy ereore 1 tout: petit pas, lentement. i! fit le tour corplet, présentant le cheval soulevé avy auatre eoins de l’assistance. I] ne Je Poids au sol qu’ensuite. Puis, din bond lé- -ger, il jaillit de dessous la béte. Untonrerre d’apnlaudisse- ments fit trembler les vitres des tavernes herdent la place. Dan et la famille Cyr ravonnaient d’orgueil. Iovis faisait le modes- te, mais av fond de ‘ni-méme il jubilait. I] s’étit montré'le plus fort; il était emir’ de 14 foule et il avait révssi a herner tout le monde une fois de pls Ses yeux bleus pétillzient de malice. I avait peine @ étonffer son sou- rire. Le retour @ Lowell fut. triom- phal. Madame Ovr laissait écla- ter sa fierté. Quant 4 Louis, il nageait dars le honheur. Le soir mrémre, il Se rendit 1 bal. Il savait qu'il allait @tre 14 vedette et cela flattait se4 18 ans. Les plus belles filles de Vendroit seraient kevreuses de danser avec lui car son histoire avait déja fait le tevr de '4 région. Quand i] apperut dans la salle, une immerse evation laccueillit. Louis salva de.Ja miin Aprés deux ou trois denses ‘ porta son triomphe a son comble en pre- nant un viollor et en exécutant le dernier air # a mode, qu'il venait de remener de Boston. L’enthousiasme se ‘ransforma en délire. = Ce soir-la, Louis Cv fut le roi & tenir compte de I’état duchemin. — terpsil aurait hien vorilu rester. En général, personne n’arri- rien a rester. Rien leur em prit! du bal. * Les roues s’éfaient enlisées et il L’épisode de la charrette dé- -vait a faire réellement. décoller Louis avait mis pour l'occasion “A SUIVRE z aurait fallu décharger d’'urgence serrbourbée cevait avoir rapide- les quatre fers de la béte du sol. ses plus heavy vétements. Ils la charrette pour Ja sortir de ce ment des svites 4 quelque L’année ot Juouis se présenta faisaient un peu étriqués, car ot mauvais pas. Au lien de cela, le temps de 1a, lors qvil finissait pour participer Al’4preuve, la depuis la derniére fois qu’on. fermier, irrité contre luiméme unrepaser compagnie de ses béte choisie était prrticulire- avait relaché les coutures, il beaucoup plvs que.contre l'état patrons, T.ovis “it arriver le . ment impressionnante Tls’agis- avait encore grossi Dans ces. < du chemin, s’ohstinait. Tl hurlait ~ fermier qu'il avait aidé. L’hom- _ sait d’un gros percheron importé vétements collents, i! ne donnait x contre son cheval, le frappait A sre était trés ému ct gesticulait. de France, de ees énormes bétes pas une impression de force. = tour dé-bras. Les petites secous- — Louis, Lovis..cria tilde loin. obtenues aprés de multiples Le maitre des e4rémonies, ee: ses imprimées 4 la charretteme II faut ee. que vous croisements ct epécialement pré- — habillé en pestiflon traditionnel:” ‘| En pevaernerts vivre! veniez 4 Peston, le mois pro parées pour tre Dae des voitures haut de forme gris redingote: a THiss B1 ‘: firent. que l'enfoncer davantage! — eS Pies Th, re . eg =~ ewes vs a sep hBe 2 VPSEH Ameo LSEST OG ITA Oe ¥ i] . Get eha