oppose a celui de la linearite des processus de communication plus conventionneis, qui vise la diffusion d'informations sur une trajectoire continue et homogene. La notion de reseau impiique une multiplication exponentielle d'informations qui sembie a premiere vue remettre en question celle de la continuity lineaire. Ainsi, la connaissance de I'ceuvre reseau impliquerait un processus, un deroulement, un «evenement flux communicant» (Fred Forest, 1998) generant la fin de la linearite. Presenter ces deux concepts de maniere antinomique a permis de mieux circonscrire les specificites du message en reseau qui permettrait de passer de la « continuity lineaire traditionnelle a la simultaneity des donnees fragmentaires », ecrit Forest2. Mais la linearite se trouve-t-elle reellement evacuee des propositions en reseau? En effet, il est souvent possible pour le spectateur de faire ('experience d'une traversee lineaire de I'objet, car la logique de la succession impiique encore souvent celle de linearite. ^appropriation de I'objet, si interactive ou aleatoire soit-elle, demeure souvent un processus lineaire dans la mesure ou on retrouve une sequentialite de meme qu'un parcours d'un point a I'autre. L'innovation se trouverait alors dans 1'addition de ces reseaux lineaires — I'image de la toile est a ce propos eloquente — plutot que dans leur disparition. II n'est pas simplement question ici de terminologie mais de la conception du temps et de Tespace dans la diffusion des messages. Si le reseau fait eclater certaines limites spatiales, la dimension temporelle s'y trouve au contraire renforcee. Une logique de succession dans le temps persiste fortement, dans la traversee du processus, c'est plutot la predetermination des poles de depart et d'arrivee de meme que leur fixite qui disparaissent. L'art reseau n'exclut done pas tant la ligne que sa portee restrictive. UN N O U V E L ART EPISTOLAIR E Plusieurs ceuvres concues pour le web entretiennent des relations etroites avec le langage verbal, elles exploitent I'idee de correspondance et, en sens, renouvellent le genre epistolaire. Dans certaines productions, les mots determinent meme le territoire, conduisent le spectateur a travers son parcours, comme dans Chagrins (http://www.studioxx.org/mivaem/elene/), d'Elene Tremblay, ou c dernier devra choisir entre differents univers presentes comme scindes, femmes/hommes, differentes visions d'un evenement, apparemment non conciliables, qu'il faudra tout de meme reunir pour reconstruire le propos. Et cette reconciliation, qui se concretise a la fin de la sequence, n'est pensable que si le spectateur traverse les deux parcours. Chronique du premier jour: 40 cm en rase-mottes de Robert Saucier (http://www.er.uqam.ca/nobel/deparp/ souris/r_saucier.html) est un autre exemple, parmi les plus eloquents, de la portee dynamique du langage verbal dans I'oeuvre reseau. Les mots y sont a la fois chronique (histoire factuelle) et matiere (formes visuelles variables). L'utilisation du langage verbal par Saucier est ici tres astucieuse. II exploite a la fois les axes syntagmatique — les mots forment des phrases souvent a forte teneur politique — et paradigmatique — les phrases se superposent les unes aux autres, se revelent a tour de role, sous divers aspects et materialites (immaterialites meme), selon les gestes poses par le spectateur. Fred Forest avait ecrit a propos des nouvelles formes technologiques d'art que leur « nature etant precisement de E S P A C E 5, s P R I N T E M P S / S P R I N G uous, homogeneous path. The notion of a network implies an exponential multiplication of information that seems at first glance to question linear continuity. Knowledge of network art would then imply a process, a development, an "event of communicative flux" (Fred Forest, 1998), leading the end of linearity. Presenting these two concepts antinomically allows one to define the specificity of networked messages, enabling "traditional linear continuity to give way to the simultaneity of fragmentary data," Forest writes2. But is linearity really disposed of in network propositions? The spectator may still experience the object in a linear way, because the logic of a sequence frequently implies linearity. The appropriation of the object, however interactive or random it may be, often remains a linear process in that one finds sequentially and a passage from one point to another. Innovation would then consist in the accumulation of these linear networks, rather than in their disappearance; the image of the web is eloquent in this respect. It is not merely a question here of terminology but of the conception of time and space in the circulation of messages. While the network shatters certain spatial limits, it reinforces the temporal dimension. A sequential logic in time strongly persists throughout the process; it is rather the predetermination of starting and ending points with their fixedness that disappears. Network art does not exclude linearity, but restrictions on its range. ANEW EPISTOLARY ART Several works conceived for the web bear close relationships with verbal language, exploiting the idea of correspondence and, as such, reviving the epistolary genre. In some works, words even determine the territory, leading the spectator through its trajectory, as in Chagrins (http://www.studioxx.org/mivaem/elene/) by Elene Tremblay. Here the spectator must choose between different worlds — men's and women's —, presented as divided, different and apparently unreconcilable visions of an event, worlds that must be brought together, nevertheless, to reconstruct the subject of the work. The reconciliation that does materialize at the end of the sequence is attainable only if the spectator takes both paths. Chronique du premier jour; 40 cm en rase-mottes, by Robert Saucier (http://www.er.uqam.ca/nobel/deparp/souris/r_saucier.html) is ELENE TREMBLA another example, one of the most eloquent, of verbal language's Extrait du site w( Chagrins. ••'»• • E 3 C E C E 5 a a n s s i f f i i »'•'*••"• ROBERT SAUCIER, 'hronique du iremier jour: 40 cm mrase-mottes, •999.CEuvre interactive sur le veb, faisant partie ie 1'exposition du )epartement d'arts )iastiques de 'UQAM, Des souris Hdesceuvres. lommissaires: \nne Ramsden et Nicole Joticceur. 'hoto: Robert iaucier. I'ordre de I'insaisissable, de I'ephemere, du transitoire, du ponctuel, de I'heterogene, de Pimmateriel... Le statut traditionnel de I'oeuvre d'art se trouve etre remis brutalement en question 3 ». Un objet d'art qui ne serait alors ni fixe, ni tangible, ni palpable. Sans perennite, seule ['experience du parcours demeure, une realite engrammee dans le lien tisse par le spectateur a travers I'objet et dont les images ne peuvent que tres partiellement temoigner. dynamic range in network art. Words here are both information (historical fact) and material (varying visual forms). Saucier's use of language is very astute. He exploits both the syntagmatic elements — words often form phrases having a strong political content — and the paradigmatic framework — sentences are superimposed on each other and revealed alternately as various aspects and materialities (even immaterialities), according to the spectator's actions. Fred Forest had said about new forms of technology in art that P O U R UNE E S T H E T I Q U E DU L I E N their "nature being distinctly elusive, ephemeral, transitory, selecNous en venons finalement a la question du lien, autour de laquelle tive, heterogeneous, immaterial... the traditional status of the artse trouvent reunis les differents textes proposes dans ce numero. L'expres- work is brought suddenly into question." 3 An art object is no longer sion « esthetique du lien » combine deux aspects particulierement impor- fixed, tangible or palpable. Without continuity, only the experitants: Part reseau, nous I'avons vu, vise la traversee d'un processus ence of the trajectory remains, a reality engrammed in the connection de communication et, a travers le contact et {'experience vecue par the spectator weaves through the object and of which images can le spectateur, se tissent des liens qui s'incorporent au propos de I'oeuvre. scarcely testify. II s'agit, en fait, d'une double visee du lien, celle du producteur mais aussi celle du spectateur, qui brise I'isolement dans le dia- FOR AN A E S T H E T I C S OF C O N N E C T I O N logue avec I'objet. Cette notion de dialogue, autour de laquelle se Finally, we come to the matter of linkage, the theme of various texts concentre ou se construit I'objet, implique celle de ('interaction. Si in this issue. The expression "Aesthetics of Connection" combines two cette derniere n'est evidemment pas I'apanage seul de ['art reseau, particularly important aspects: network art, we have seen, applies to nous insistons neanmoins sur la forte portee semantique qu'elle the traversal of a process of communication, and through the speccree ici. C'est dans cette visee que s'inscrit le premier article tator's contact and experience, connections are woven and incorporated into the work. presente. Two intentions are in fact at work in the link, that of the producer En effet, le texte de Ginette Daigneault examine les pratiques artistiques en art reseau a travers deux axes d'interaction: la communion and that of the spectator, who breaks the isolation in a dialogue with et communication. Au sein du modete de la communion, «le desir the object. This notion of dialogue, around which the object is concentrated de creer des objets d'art, ecrit-elle, se transforme en desir de creer or constructed, implies interaction. While the latter is obviously not des liens et de partager une experience esthetique en temps reel ». the sole prerogative of network art, nevertheless, it creates a wide semantic Les echanges ritualises transforment I'attitude face a I'objet. « Les range here. The first article develops its theme in this context. participants, ajoute-t-elle, sont beaucoup plus preoccupes par I'eveGinette Daigneault's text examines the artistic practices in network E5PACE 5b PRINTEMPS / SPRING 2001 7