2 - Le Soleil de Colombie, vendredi 16 mars 1990 EDITORIAL Le Radiothon de la derniére chance Un mois aprés le lancement de la campagne de financement de la Maison de la Francophonie, ses organisateurs n'ont récolté qu’un maigre 20 000 dollars*. Il ne reste donc que dix-huit jours pour recueillir les 180 000 dollars manquants et en principe nécessaires d'ici le ter avril prochain pour obtenir la deuxiéme tranche de 630000 dollars promise par le Secrétariat d’Etat. Est-ce a dire que les organisateurs ont mal orchestré cette campagne? Est-ce a dire encore que les gens en général sont peu intéressés par la Maison? Ou est-ce tout simplement les deux a la fois? En fait, ces trois questions sont assez représentatives ou symptomatiques dela réalité. Jusqu’a maintenant, en effet, la campagne a été plutét timide. Elle s’est essentiellement déroulée au rythme et ala vitesse de la Société des Postes. C’est tout dire! C’est a croire que 200 000 dollars se trouvent sous le sabot d’un cheval. Logo de la Maison de la Francophonie: la partie claire représente les 180 000 dollars manquants! Ensuite il faut bien reconnaitre qu'il y a toujours eu un décalage entre les intéréts, les intentions, les réves, etc, des leaders de la francophonie et ceux de la majorité des francophones de cette province. Toutes les questions qui occupent et préoccupent les uns indifférent la grande majorité des autres, a l'exception de quelques centaines de personnes qui, pour des raisons diverses, sont directement impliquées dans la francophonie. Cela d’ailleurs ne signifie pas non plus qu’elles soient toutes au fait des enjeux qui sont la raison d’étre d’un organisme comme la Fédération des Franco-Colombiens qui, a grands coups de millions et du haut de sa tour d'ivoire, se bat contre des moulins a vent. ll ne reste plus maintenant qu’a attendre les résultats du grand «sprint» final que sera le Radiothon qui se tiendra le samedi 24 mars prochain sur les ondes de CBUF-FM, de 6h00 a 1630. Ce sera en effet le test «ultime» qui mesurera «définitivement» l’intérét des Francophones pour la Maison de la Francophonie. Si d’aventure ce test s’avérait négatif, il restera quand méme Voption du trés généreux et tres compréhensif Secrétariat d’Etat... Bonne Chance a la Maison de la Francophonie! Patrice Audifax * dont la moitié était déja en caisse lors du lancement de la campagne. -En fait, N’‘attendez pas la derniére minute pour renouveler votre abonnement. Faites-le dés maintenant! LE SOLEIL DE COLOMBIE 980 RUE MAIN VANCOUVER, C.B, V6A 2W3 COURRIER Maman: la Belle Province Papa: le Canada Chére Tantabi, En ces temps difficiles, je voudrais te- parler de mes parents qui me causent beau- coup de souci. Mes parents forment un couple assez exceptionnel puisqu’ils ont 123 ans chacun. Oui! Jedis bien 123 ans chacun! mes parents se connaissent depuis leur nais- sance en 1867. Mon pére est protestant et anglophone, et ma mére catholique et franco- phone, ce qui est tout a fait banal ici. Mais ce qui |’est moins, c’est qu’a 123 ans, il y ait du divorce dans |’air. Ma mére, un peu féministe sur les bords, ne veut plus en faire qu’asa téte. En fait, tout le probleme a surgi lorsque ma mére a voulu que la famille parle aussi francais ala maison. Mon pére s’est d’abord rebellé, outré de voir |’effronte- rie de ma mére qui, désormais, ne s’adressait a lui que dans sa langue maternelle. En quelques sortes, ma perle de mére faisait une gréve perlée. Puis, petit a petit, papa s’y est habitué; méme si, au début, son «machisme» en a pris un sacré coup. Il a d’abord cherché dans ses vieux cahiers poussiéreux les quelques mots de vocabu- laire frangais qu'il avait jadis étudiés al’école secondaire. Au fond de vieux tiroirs gringants, il a retrouvé ces cahiers a demi dévorés par les rats. Prenant a peinele temps de souffler surla poussiére qui les recouvrait, il s'est mis a réviser quelques mots faciles. Et ses efforts font que, maintenant, maman peut lui parler francais. Il répond avec un trés fort accent, mais maman est trés heureuse et apprécie beaucoup son zéle. Pourtant maman apris godt au changement. Elle ne semble plus satisfaite du tout. Non contente de parler francais, elle a décidé de signer un nouveau contrat de mariage dans lequel papa s’engagerait formellement a la respecter dans tous les domaines ; pas seulement dans la langue parlée a la maison, mais dans toutes sortes de choses; par exemple, maman voudrait avoir quelques rela- tions avec d’autres que mon pére. Elle semble aimer les Francophones. J’espére que cela ne te choque pas trop. N’oublie pas qu’en ce bicente- nairedela Révolution, on est en pleine euphorie de liberté et d’égalité (méme si la fraternité laisse un peu a désirer). Et ma mére, qui voit mon pére agir toujours selon ses bons désirs personnels, voudrait bien faire de méme. Alors 1a, tu peux bien te douter que mon pére a du mal al’accepter. Il se montre un peu jaloux. Mais comme ma chére mére garde sa valise toujours préte, Papa a jusqu’a présent tout accepté. Pour ce qui est du nouveau contrat de mariage que maman veut obtenir, mon pére était prét a le signer car il aime profondément ma meére. Il a d’abord montré beaucoup de résistance, mais a finalement reconnu que dans le passé il a - a plusieurs reprises - abusé de sagentillesse. Déja au début du siécle, apres 30 ou 35 ans de mariage, il lui avait interdit de parler frangais ala maison. Elle a courbé |’échine et accepté sa domination. Puis, pendant les deux conflits mondiaux, il l’a forcée a envoyer ses enfants se faire tuer a la guerre en Europe, parce qu'un pays étranger menagait d’envahir le pays d'origine de mon pére. Elle lui reproche aussi de |’avoir fait travailler comme une esclave pendant des années en lui donnant juste ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim. Il faut reconnaitre quil l’a vraiment exploitée chaque jour que Dieu a fait. Et quand elle ne © voulait pas suivre sa discipline, il la battait comme platre. J’étais méme présent un jour qu’il] la corrigeait; c’était a St-Charles. Le malheur c’est que mon pére semble souffrir d’amnésie. Il aoublié toutes ces humiliations et lorsque mameére les lui rappelle, il se met dan une rage folle. Donc, chére Tantabi, petit a petit, mon «macho» de pére s'est habitué a respecter maman. Il a commencé a apprendre a parler francais et ‘tout aurait marché comme sur des roulettes si des oncles stupides n’étaient venus jeter la zizanie entre eux. Mon oncle du Manitoba et celui de Terre- Neuve. Le premier, celui du Manitoba a d’ailleurs beaucoup ase reprocher. C’est lui qui, ala fin du siécle dernier, a été le premier a clouer le bec de ma mére qui voulait parler frangais. Quant a l’oncle de Terre- Neuve, ne m’en parle pas. C’est un sacré hypocrite. Figure-toi qu'il est né a l’étranger et qu'il n'est venu au Canada que parce quion lui avait dit que le Bien-étre social est trés généreux dans notre pays. Maman se rend bien compte qu'elle a toujours travaillé fort pour entretenir ce paresseux afin qu'il puisse passer sa vie a aller a la péche en été et a regarder la télévision en hiver. Six mois par an, il se contente de demander de |l’argent a papa. Et c'est pourquoi il s’oppose tant a ce que mon pére et ma mére signent un nouveau contrat de mariage. Je |’ai entendu dire a papa hier soir: «Qui, je sais trés bien que si tu donnes trop de libertés a ta femme, elle ne voudra plus que tu maides financiérement. J’en suis sar. Si tu laches la corde, cst foutu. Moi, je suis plutét pour que tu gardes /e contréle de ses manoeuvres. Elle t’a forcé a parler francais, mainte- nant elle ne veut plus se soumettre a ta volonté. Je tlassure quelle va bientét te tromper avec des Francais, des Belges ou méme avec quelques Sénégalais, simplement parce quiils parlent frangais. Si tu ne tiens plus la corde, elle va s’en servir pour te pendre. Les femmes, c'est comme ca!» Chére Tantabi, tu ne peux pas savoir a quel point ces deux égoistes ont réveill6 comme mauvais sentiments et bas instincts en papa. C’est la béte Sauvage qui commence a s'éveiller en lui. On dirait que ses bonnes inclinations avaient peur de se montrer et de relever la téte. En ce moment, pour occuper leurs longs loisirs, mes deux oncles ont créé_ |’APEC, l’Association Pour |l’Encoura- gement des Crétins. C’est un «groupe de_ soutien». Ils cherchent a regrouper les vieillards qui ont raté leur vie, par exemple ceux qui n'ont pas réussi Amonter trés haut dans la hiérarchie de la _ Fonction Publique fédérale, (ou qui pensent quiils auraient dd monter ptus haut) et qui, pour — sauvegarder leur amour-propre, se cherchent des_ raisons extérieures a leur niveau intellectuel. C’est un bon passe-temps en attendant le repos éternel ; le seul probléme c'est que certaines personnes les croient. Mais je ne sais pourquoi jeteparledecela. Mes pensées s’égarent. J’en reviens au sujet de ma lettre, aider maman et papa. Chére Tantabi, je voudrais sauver ma_ famille. C'est pourquol j’aimerais que tu me donnes quelques conseils. Que faire? Ecris-moi tdt (je veux dire «VITE». Ah! Ces anglicismes!) avant qu’il ne soit trop tard. C. Texas ag S©1{3)2 Le seul journal en francais dé Gofombis de la Colombie-Britannique Président-Directeur: Jacques Baillaut Rédacteur en chef: Patrice Audifax Journaliste responsable.de |’APF: Yves Lusignan Photocomposition: Coordonnateur administratif: Jacques Tang Suzanne Bélanger Publié par le Soleil de Colombie Ltée 980 Main, Vancouver, V6A 2W3 Association de ta APF nf \ Presse francophone at. hors-Québec Feed 683-7092 683-6487 Fax: 683-9686 Abonnement 1 an: Canada, 20$ - Etranger, 25$ Numéro d’enregistrement: 0046 Courrier de 2éme classe Les lettres adressées au Soleil de Colombie par ses lecteurs doivent étre lisiblement signées par leur(s) auteur(s). La rédaction se réserve le droit de Corriger ou de raccourcir le texte s'il est trop long. Les lettres doivent étre accompagnées d'un numéro de téléphone et d'une adresse afin de pouvoir, au besoin, communiquer avec nos correspondants. Toutefois, ala demande, les adresses et numéros de téléphone pourront ne pas 6tre publiés.