- a\ A\® Ss Ser Ty "> ea: “Je me suis inscrite au Cegep Bois-de-Boulogne — un an seulement avant mon fils et ma fille — avec l’enthou- siasme d’une adolescente. Je venais d’apprendre que les cours de jour (avec les vrais cégepiens) étaient ouverts aux adultes. C’était ma chance et j’en profitai, sans penser aux obstacles qui pourraient survenir en cours de route.” “La course au dipléme ne m’intéressait pas, poursuit Claire Hamelin-Perreault. Si je suis devenue cégepienne, il y a trois ans, c’était pour mieux comprendre ce monde dont. parlent les jeunes, pour apprendre avec eux les nou- veaux courants de pensée et pour participer, en connais- sance de cause, a |’édifica- tion de la société de de- main.”’ Ce diplome qu'elle ne re- cherchait pas ‘‘a tout prix’, elle vient de l’obtenir. Mais non sans efforts, non sans sa- crifices. “Mon mari n’appuyait pas ma décision. Qu’est-ce que tu as besoin de ca? dqligépétait-il. Et mes trois enfants, sans me décourager, n’étaient guére emballés. “Au Cegep, cependant, mon adaptation fut assez facile. Les etudiants, contrairement a ce que je craignais, m’ac- cepterent d’emblée.” Pour eviter les heurts a la maison, Mme Perreault avait bati son horaire collégial en concordance avec sa vie de famille. ‘‘Je m’organisai pour étre présente a l’heure des repas. Et le soir, je m’abs- tins de taper mes travaux a la machine, au nez de mon mari.” Il s’écoula peu de temps, raconte Mme Perreault, pour que l’attitude de son mari et de ses enfants change. Le foyer d’abord? “Aujourd’hui, je regrette mon attitude, avoue M. Per- reault. Conservateur, j’avais du mal a imaginer ma femme en dehors du foyer. D’ail- leurs, je n’en voyais pas l’u- tilité pour elle. Peu a peu, jai compris qu’elle avait rai- son. Finalement, je me suis apercu que c’était un enri- chissement pour toute la fa- mille.” Comme son pére, Danielle a mis du temps a accepter cette nouvelle vie. “Je crois que c’est la fierté qui a pris le dessus. Autour de moi, les étudiants me parlaient de ma mére avec chaleur. Ils la considéraient comme une femme moderne, intéressée par les mémes problémes qu’eux. “Et puis, je me suis vite rendu compte que sa “‘pre- sence” a la maison était tout aussi réelle. Qu’elle n’avait pas “délaissé’”’ sa fa- mille au profit de ses étu- des.” Yoland, le fils ainé, fut moins réticent face a la déci- sion de sa mere. “Elle a tou- jours été jeune, elle a tou- jours voulu apprendre, com- prendre. Quand elle a parlé de son projet, je n’en ai pas été étonné, c’était une nou- velle expérience. “Au Cegep, les amis disent quelle est “cool”. Que si toutes les meres étaient comme ga, il n’y aurait pas de fossé des générations. “Pour moi, ma mere, c’est la modéle de la femme émancipée. Elle ne réclame rien, elle prend!” Il ajoute: “Les gens ont tort de croire que les adultes sont mal recus dans le mi- lieu étudiant. Quand ils pen- sent comme nous, on les accepte facilement.” Une jeunesse saine Que pense Mme Perreault, des étudiants qu’elle a cé- toyés pendant trois ans au Cegep Bois-de-Boulogne? “La plupart des étudiants que j’ai connus m’ont paru trés sains. Généreux. Sou- cieux de liberté individuelle et collective. En quéte de bonheur, un bonheur terres- tre. “On n’a qu'une vie a vivre, disent-ils souvent, vi- vons-la!”’ “Pourtant, ces mémes jeu- nes ne semblent pas con- scients de la pauvreté qui existe au Québec. Peut-étre est-ce di au fait qu’ils vien- nent de familles a l’aise. La majorité, a mon avis, veut s’intégrer a la société de consommation, une société qui serait plus juste, qui per- mettrait & tous d’étre heu- reux. Mais de quelle facon? Ils ne savent pas bien eux- meme.” ‘Je me suis payé le luxe d’aller au Cegep, dit Mme Claire Hamelin-Perreault. Et j’ai eu la chance d’y aller avec deux de mes enfants, Yoland et Danielle’’. Dieu, drogue et sexe “Les problemes qui angois- sent les parents: drogue, ex- periences sexuelles pré-mari- tales, rejet de la religion, ne préoccupent a peu pres pas les étudiants. “Qui, Ws fument de la “mari” a Voccasion. Rares sont les cégepiens, a.ma con- naissance, qui se presentent aux cours ‘“‘drogués’’. Je crois que les étudiants qui s’adonnent au L.S.D. ou toute autre drogue de ce genre sont en minorite.”’ Friands_ d’experiences sexuelles les adolescents? Ce nest pas ce que pense Mme Perreault, “Ils ne sont au- cunement génés d’aborder ce sujet. Mais ils semblent atta- cher, beaucoup d’importance a l'amour. Plus que les adul- tes, en général. S’ils ménent une vie “‘d’aventures’, c’est avec discrétion, croyez-moi. Bien stir, la sexualité n’a pas pour eux le méme sens que pour leurs parents: faut-il penser qu’ils sont dans ler- reur pour autant?”’ Le probleme religieux, tou- tefois souléverait plus d‘in- quiétude chez les jeunes. ‘On ne va plus a la messe le di- manche (en général), pour- tant on continue de croire en une force divine, on en dis- cute beaucoup et sérieusé ment. En réalité, c’est l’un des problémes primordiaux pour eux.” Demain: le travail Maintenant en possession des outils qui lui permettront de mieux saisir le mondé d’aujourd’hui et les hommes de demain, quels sont les projets de Claire Hamelin- Perreault? “Je ne vois pas lutilite, pour le, moment, de poursui- vre des études universitaires. Je prefére aller sur le mar- ARB ye ar ché du travail. J’aimerais tout particuliérement m’occu- per des personnes agées. Mettre sur pied un service d’assistance par exemple. *“J’envisage aussi la possi- bilité de reprendre mon mé- tier de technicienne médicale ou encore de m‘orienter vers la traduction, ce que j'ai déja fait a temps partiel.”’ “Pour moi, il n’est plus question de demeurer a la maison 24 heures sur 24, je sens la neécessiteé de me méler aux gens, aux plus dé favorisés surtout. ~ Et Mme Perreault d’ajouw ter: “Je crois qu’a cause de mon age, de mon expérience, je suis mieux préparée qué les jeunes pour affronter le monde du travail. Je suis peut-ctre aussi moins scepti- que sur les possibilités de transformer ce monde. “Et ne! serait-ce que pour ces raisons, je dirais a toutes les meres de famille qui le peuvent: inscrivez-vous au Cegep avec vos enfants. Vous avez tout a gagner d'une ex- perience comme celle-la!” L’opinion de la direction ~Au Cegep Bois-de-Boulo- gne, Mme Claire Hamelin- Perreaultest l'une des rares étudiantes a avoir complete ses études collé- giales aux cours du jour, avec les cégepiens, expli- que M. Claude Vezina, co- ordonnateur de l’Education permanente. “La majorité des adultes qui s‘inscrivent chez nous. preferent les cours du soir et par consequent se retrou- vent avec des étudiants, adultes comme eux “L’expérience yécue par cette mere de famille est done exceptionnelle et pour notre part tresinteéres- sante. Elle nous prouve qu'un adulte peut tres bien s’adapter au milieu des ce- vepines. A condition quwil accepte de vivre en accord avec eux.” Au Cegep Bois-de-Boulo- gne, il v a environ.1,700 cé- gepienis. Les adultes in- scrits a l’Education perma- hente — les hommes étant en majorite — sont au nom- bre de 850 a 900. SPHCIAL NOEL auee NOEL: SPECIA ropean. Hews Ie mana de aire 1044, rue Robson Sees LE SOLEIL, 18 JUIN 1971, XI a Bee ricers ae aS a ne re as Bilt iat eiaae 2 2,