cue i'w Association canadienne Chanter, tout comme rire, est le propre de I’étre hu- main. Qui n’a jamais fre- donné des airs avec ou sans paroles? Certes, la chan- son est omniprésente dans nos vies et a l'image des étres vivants qui sont tous uniques; toute chanson possede quelque chose de particulier qui en fait aussi une création unique. La chanson est importante dans la vie des jeunes. Elle exprime des émotions, pose des questions et ra- conte des histoires dans lesquelles ils se retrouvent. La chanson francophone est également un instru- ment de culture car elle transmet des valeurs et des modes de pensée. Liée a l’évolution des sociétés, elle est aussi l’amorce, _sinon le reflet, des mou- vements culturels dans ‘espace francophone tout en étant une clé de la connaissance et de l’appré- ciation des autres cultures. LA CHANSON FRANCOPHONE -D'ICI LES ORIGINES DE LA CHANSON C'est au Moyen Age qu’on retrouve les pre- miéres créations s‘apparentant a la chanson telle que nous la connaissons actuellement. Gens lettrés, généralement seigneurs, poétes et musiciens, trouvéres et troubadours participent grandement au développement de ce type d’expression. Leurs sujets de prédilection sont : l‘amour courtois, les croisades, les légendes, la satire et la devotion. Les ménestrels, quant a eux, colportent ces chants, de cour en chateau, de ville en village, développant un art qui ne tarde pas 4 gagner la ferveur populaire. Transmis de bouche a oreille, transformé plus souvent qu’a son tour, le répertoire parcourt ainsi de grandes étendues a travers le temps et l’espace. BIENVENUE EN NOUVELLE-FRANCE Les premiers colons qui viennent s‘établir en Acadie et sur les seigneuries de la Nouvelle- France au début du XViIlI* siécle apportent avec eux leurs connaissances, leurs métiers, leurs coutumes et le riche bagage des tradi- tions orales provenant des différentes provinces de France. Ces paysans, artisans et ouvriers, Originaires principalement de Normandie, de I’Aunis, du Poitou et de la Saintonge, léguent a leurs descendants un repertoire évalué a 3 000 chansons datant d’aussi-loin que le Moyen Age mais majoritairement créées pendant la Renais- sance et au cours des XVII* et XVIII° siécles. En 1763, le Traité de Paris consacre la cession de la Nouvelle-France a |’Angleterre. Les contacts avec la mére-patrie étant interrom- pus, |’évolution de la chanson se fait, a partir 6 Francop onie d'éducation de langue francaise LA CHANSON D'EXPRESSION FRANCAISE de ce moment, en vase clos. L'influence anglaise — particuliérement irlandaise et écossaise — se fera sentir en ce qui concerne des motifs musicaux, comme dans le cas des reels et des gigues. L’avenement de l‘enregistrement phonographique et de la radio permet au début du XX¢® siécle de renouer les liens avec la création francaise. LA CHANSON EN SIX TEMPS Il en est passé des chansons sous les ponts, depuis l’époque ot I’on rythmait les coups d’aviron au son des chansons, jusqu’a la diffusion de celles-ci dans Internet. Pour mieux s‘y retrouver, voici un survol en six . temps des moments forts de |’évolution de la création chantée, de I‘arrivée des premiers ‘colons a nos jours : 1. La transmission orale 2. La chanson patriotique 3. De la variété a |’actualité 4. Chansonniers ou yé-yé? 5. De l’oasis 70 au désert 80 6. Et maintenant La transmission orale Les premiers colons arrivent en Nouvelle- France avec un répertoire folklorique riche et diversifié qui sera transmis de bouche a oreille.. Art de métamorphose, Ja tradition orale, tout en conservant le théme et la facture poétique des chansons, refaconne celies-ci en les adaptant a la réalité de ce nouveau milieu. Ainsi Sur /a route de Louvier devient Sur la route de Berthier et des expressions comme «canot» et «portage», qui n’‘existent pas dans le folklore francais, font leur apparition au gré des adaptations et des nouvelles créations. On retrouve souvent un méme texte sur des mélodies différentes ou la méme mélodie assortie de textes différents. Cela explique la multipli- cité de versions de certaines chansons. A titre d’exemple, plusieurs centaines de versions de A /a claire fontaine et de V’la I’bon vent ont été répertoriées a ce jour. Le répertoire comprend des complaintes, des chansons amoureuses, des chansons de labeur et des chansons de voyageurs. Les voyageurs, qui étaient canotiers, bicherons et coureurs des bois, furent parmi les principaux responsables de l’adaptation et de la propagation de la chanson sur le territoire. Alors lentement se développe une production locale et originale d’auteurs- compositeurs demeurés anonymes, principa- lement inspirés par les événements de la vie quotidienne. La chanson patriotique Sous le régime anglais se développe une chanson a caractére politique qui exprime ‘opposition des Canadiens francais — nommés Canadiens ou canayens — face a l‘attitude du conquérant britannique. Ces chansons sont souvent coiffées de titres non équivoques tels O Canada mon pays mes amours, Beau Canada notre chére patrie, Canada terre d’espérance. Le plus souvent la chanson est interprétée «sur timbre», c’est-a-dire sur l’air d'une chanson connue, comme c'est le cas d'Un ssa it Pe SM RS ee ERNE MO eS TSE ee ROOM TN a RUNES RON RR ONT Canadien errant, écrite en 1842 par Etienne Gérin-Lajoie sur l’air de Si tu te mets anguille. Considérée comme le premier grand succés de la chanson canadienne- francaise, elle fait référence, selon les sources, ou bien a |’exil d’un Patriote a la suite de la Révolte de 1837-1838 matée par les Britanniques ou bien a la rébellion des Métis au Manitoba en 1840. La chanson la plus célébre est sans doute le O Canada dont |l’auteur est le juge Adolphe-Basile Routhier et le compositeur Calixa Lavallée. Ce chant national remplacera A /a claire fontaine que La Société Saint-Jean-Baptiste, en 1878, décréte hymne national des Canadiens francais alors que les anglopho- nes demeurent fidéles au God Save The Queen. Ce n'est qu’en 1967 que le O Canada sera reconnu hymne national et officialisé, en 1980, par le gouvernement canadien. C'est a l’époque de la chanson patriotique qu’on identifie réellement les premiers auteurs-compositeurs canadiens-francais et qu’ainsi la chanson déborde pour la premiére fois du phénoméne de la folklorisation. De la variété a l’actualité Bien que la fin du XIX° siécle voit apparaitre la mise en marché des premiers phonogra- phes, la scene demeurera le support privilé- gié de diffusion de la chanson jusqu’a la fin des années 20, correspondant a la pénétra- tion de la radio dans la majorité des foyers. Sur les ondes, on entend des vedettes frangaises (Tino Rossi), les premiers «crooners» américains (Bing Crosby) et les vedettes locales comme Hector Pellerin, Lucille Dumont, Fernand Perron, Alys Robi, Jean Lalonde et Fernand Robidoux. La plupart reprennent des succés francais ou traduisent des succés américains, tout en interprétant a l'occasion des chansons d’auteurs d'ici. Période d’industrialisation intense, le début du XX° siécle est temoin d‘un exode massif de la population rurale vers la ville. Ce phénomeéne n’est pas étranger au renou- veau de la chanson a caractére folklorique qui idéalise la vie rurale et les valeurs patriotiques et morales qui y sont ratta- chées. C’est dans ce contexte que s‘organi- sent a Montréal des soirées de musique traditionnelle comme Les veillées du bon vieux temps animées par Conrad Gauthier, au cours desquelles se fera connaitre, en 1927, une artiste qui marquera la chanson populaire, Mary Travers, mieux connue sous le nom de «La Bolduc» (1894-1941). Avec humour, verve et vigueur, utilisant un langage de tous les jours sur des airs d’inspiration folklorique, Madame Bolduc décrit l’actualité (Les cing jumelles, L’ouvrage aux Canadiens) et le quotidien (Les maringouins, Les conducteurs de chars) au grand plaisir d'un trés large public qui s'y retrouve. Uartiste, originaire de Newport, en Gaspésie, adopte et popularise la turlute accentuant ainsi un style éminemment personnel. Boudée par les médias, mépri- sée par les intellectuels, elle connait toutefois un succés retentissant grace a ses enregistrements et a ses tournées au Québec, dans le nord de l'Ontario et en Nouvelle-Angleterre. Semaine nationale de la francophonie Chansonniers ou yé-yé? Au début des années 50, Félix Leclerc triom- phe en France et acquiert une reconnais- sance dont il ne bénéficiait pas dans son propre pays. Figure de proue de la chanson, il sort des sentiers battus, propose une création inédite et ouvre la voie a une nouvelle génération d’auteurs-compositeurs. Au méme moment, la télévision envahit les foyers et offre une vitrine exceptionnelle aux jeunes créateurs. Période de change- ments et de réorganisation sociale impor- tante, la décennie des années 60 voit apparaitre deux mouvements diamétrale- ment opposés, soit celui des chansonniers et celui du yé-yé. Dans le sillon provoqué par l'arrivée des Beatles — véritable révolution culturelle — une floppée de jeunes groupes yé-yés rivalisent d’originalité vestimentaire et adaptent en francais les succés des groupes anglophones de l’époque. Ce sont Les Classels, César et ses Romains, Les Habits jaunes, Les Excentriques, Les Sultans... Dans un tout autre registre, le mouvement des chansonniers s‘inscrit dans le courant de la nouvelle chanson frangaise (Jean Ferrat, Guy Béart, Léo Ferré) qu’on qualifie de chansons a texte. Auteurs-compositeurs- interprétes, les chansonniers abordent de maniére dépouillée des themes humanistes, politiques et sociaux. On assiste a I’émer- gence d’une nouvelle génération d’artistes représentée par les Jean-Pierre Ferland, Clémence Desrochers, Jacques Blanchet, Gilles Vigneault, Claude Gauthier et autres. C'est I’époque glorieuse des boites a chansons. Inspiré par le courant psychédélique, Robert Charlebois réussit a faire le lien entre les deux tendances et propulse la chanson dans une ére nouvelle en abolissant les frontiéres entre les genres. De l’oasis 70 au désert 80 Période marquée par la montée du _natio- nalisme, la contre-culture et les projets collectifs, les années 70 font une place de choix a la chanson qui, porteuse des ambi- tions de la nouvelle génération, connaitra alors un rayonnement époustouflant. Plusieurs groupes verront le jour, dont certains marqueront profondément I‘imagi- naire collectif. C'est le cas d’Offenbach et de son rock solide, d’'Harmonium et du trés surprenant Beau Dommage, nouveau chantre de I’urbanité vécue au quotidien. Au Québec, Paul Piché devient le porte- étendard de Ja chanson socialement enga- gée, tandis que Robert Paquette et le groupe Cano chantent haut et fort l‘identité franco- ontarienne. En Acadie, le groupe 1755, Edith Butler et Calixte Duguay font écho a l'acadianité tandis que le Manitobain Daniel Lavoie entreprend une carriére qui le fera connaitre dans I’ensemble de la francopho- nie internationale. Un vent de morosité culturelle souffle sur la seconde moitié des années 80 emportant avec lui tout un pan de la chanson associée a l'idéologie des années précédentes. Pour la chanson francophone, c'est le début de la traversée d’un désert qui nous améne au début des années 90. Dans un autre registre, la chanson de variétés — Michel