2 Le Soleil de Colombie, Vendredi 22 Avril 1977 PUBLIE PAR Téléphone: 879-6924 HEBDOS DU CANADA LE SPELL ve conome LE MINI-QUOTIDIEN DE LANGUE FRANCAISE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE Conseil d’administration A. Piolat J. Baillaut N. Therrien Si a aR a a ROK A aK ak a DIRECTEUR: André Piolat ASS.-DIRECTEUR: Marc Béliveau REDACTEUR: Jean-Claude Arluison MISE EN PAGE: Danielle Leclaire _ LE SOLEIL DE COLOMBIE LTEE, 3213 rue Cambie, Vancouver, C.B., V5Z 2W3 Courrier de deuxiéme classe sous le numéro d’enregistrement 0046 yy, aw! Association de la Presse francophone Hors-Québec Lettre d’une anglophone [Tiré du quotidien “Le Devoir” de Montréal] Je tente de me faire compren- dre dans votre langue, le fran- ¢ais, mais j'ai des problémes. En premier lieu, mon accent différe du votre, je ne parlepas avec la méme intonation. le méme voca- bulaire. Mais je parle. Je fais des erreurs et souvent. je confonds les genres des mots. J’hésite, je ne parle pas couramment, mais je parle. Pourquoi done. les gens sur les rues, dans les magasins exclusi- vement francais refusent-ils de me répondre en francais? Pour-’ quoi faire mine de ne rien comprendre, pourquoi cet air inaccessibie, désintéressé,. quand je vous rencontre chez vous? En principe. ¢a devrait &tre facile d’aller au Québec et de parler francais. Malheuréuse- ment, le mur de silence se léve et bien qu’on entende dire que les Québecois acceptent les bras ouverts n’importe qui et surtout celui quiest prét 4 leur parler - . francais, on trouve un accueil bien différent. Et i] faut choisir. entre le ridicule parce que I’on, parle mal ou le mépris parce que Ton ne parle pas. Je connais la triste histoire du Québec, j’admets que mes ancé- tres, mes parents méme vous ont subjugués, dominés jusqu’au point ot vous étiez obligés de lutter cooontre et de combattre la menace anglaise. Cette nou- velle guerre des pilotes franco- phones exemplifie cette menace. La génération dont mes parents font partie ne Vous connait point. Devant quelque chose d’inconnu et d’étranger, on a peur. On ne comprend ni le langage ni la culture, par conséquent, on re- doute, on repousse et on recule... Le monde tourne lentement, les attitudes changent elles aussi lentement mais du moins elles changent. Mais si faible qu'elle soit, une lueur d’espoir se met a briller dans l’obscurité de l’actualité. Je vous écoute, mes amis vous écoutent. Nous ne sommes pas toujours d’accord avec vous, mais cela ne nous empéche pas de vous admirer. Vous pouvez nous apprendre tant de choses. Nous regardons et critiquons votre culture, i] nous manque une culture. Nous apprécions et examinons votre personnalité unique en Amérique du Nord. Nous voyageons au Québec, nous avons visité vos villes et, peu a peu, nous commengons a faire votre connaissance. Pour respecter quelqu’un. il faut sa- voir un peu de Jui. On n’a pas toujours besoin d’étre du méme avis, il s’agit de donnant don- nant. Jusqu’a ce point. c’est vous qui avez donné et. c’est vous qui avez essuyé un traitement indi- gne de vous. Cependant, avant de nous rejeter tout 4 fait, cédez a cette derniére requéte. Rece- vez ceux d’entre nous qui expri- ment le désir de vous rencon- trer, de vous causer. Soyez sceptiques, on n’exige pas que vous ne posiez pas de questions sur notre sincérité en laquelle il est si difficile de croire depuis longtemps. Jugez-nous, corrigez- ‘nous, renseignez-nous. Ilse peut aue cette lettre vous semble risible ou vous révéle encore une fois Ja stupidité des Anglais. Soit, donc. Si vous publiez cette épitre. ne rectifiez pas mes fautes d’ortographe ni de grammaire. On se rend, bien sir compte que ie ne parle pas du cété de la majorité, mais je parle pour un nombre croissant des individus qui méritent étre entendus méme si on n’accepte pas leur cri en faveur de la solidarité. Deborah COOK Ottawa Mettez du. Soleil ) dans votre vie! Abonnez-vous aujourd’hui méme. EN EP ae EF Eh ape ae Swed kg A BNI Neat CS EL La VP Le Ae fof Editorial Les Héritiers de Lord Durham I.es Francophones Hors Québec, qui sont-ils? Que veulent-ils? Pour résumer une certaine tendance d’opinion: “Qui sont-ils pour vouloir quelque chose?” Un simple rappel de V’histoire nous montre qu’ils ont été, avec les Québecois, l'une des deux nations fondatrices de ce pays qu’on nomme Canada — Iorigine de ce mot étant amérindienne. Actuellement, les Canadiens d’expression frangaise se voient identifier 4 deux alternatives: les uns, ceux qui résident au Québec, voteront sur un référendum leur demandant s’ils sont en faveur d’une souveraineté politique et culturelle pour le Québec; les autres, les francophones vivant hors Quéhec. seront voués a disparaitre en tant que collectivité francophone vivant dans un Canada anglophone, si aucun recours radical n’est envisagé. Le 13 Avril dernier, la Fédération des Francophones Hors Québec a déposé un rapport intitulé “les héritiers de Lord Durham”. Ce document, écrit dans un langage sec, sans militantisme abusé. indique clairement a la population canadienne la réalité dans laquelle vivent les populations francophones hors Québec. La F.F.H.Q. a voulu ainsi signaler que leurs communautés francophones arrivent a un point de leur histoire, voire de leur existence. Les tableaux statistiques, les analyses rigoureuses et les inquiétudes contenues dans ce rapport interdisent maintenant a tous les Canadiens d’expression frangaise de s'illusionner inopinément sur un droit 4 Ja survie francophone canadienne que !’on considérait jusqu’ici illimité. Les francophones hors Québec ne sont pas des Québecois qui peuvent encore s’identifier 4 un territoire 4 défendre. Ce qui plus est, les francophones hors Québec reconnaissent qu’avec lurbanisation continue leur communauté se désagrége au profit d’une vie francophone urbaine qui, laissée sans moyens d’épanouissement culturel risque de connaitre une anglicisation accentuée. Avec la publication de ce rapport, les francophones hors Québec ont la possibilité de prendre conscience que méme sans territoire défini, ils existent. La réalité décrite dans ce rapport, pour sombre gu’elle est, donne cependant une vision réaliste de la situation des minorités francophones au Canada. Jamais un pareil document n’avait été publié dans le passé et tout pore a croire que les francophones hors Québec se poseront la question sur les alternatives qui eur restent. : + Quant au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux, soucieux qu’ils sont de préserver l’unité de ce pays, ils ne semblent pas encore avoir compris que les interlocuteurs les plus réalistes des Québecois sont les francophones hors Québec. Il ne faut quand méme pas se faire d'illusions: quand on parle la méme langue, on se comprend mieux, d’autant plus que les Québecois ne sont pas les personnes les. mieux informées qui soient sur le Canada. Cependant, les francophones hors Québec refusent catégoriquement de jouer le réle d’otages qu’on semble leur avoir assigné. Dans cette optique, il faut que le gouvernement fédéral et les autres organismies concernés pergoivent la réalité francophone canadienne, car c’est précisément tout — Yobjet du déhat politique actuel. La séparation du Québec constitue une alternative parmi bien d’autres. Le gouvernement canadien aurait tout intérét 4 donner des responsabilités aux gens qui peuvent les assumer et les francophones hors Québec sont en mesure présentement de jouer un réle trés important dans la politique canadienne actuelle. Les Héritiers de Lord Durham ont acquis cette dignité. Marc BELIVEAU Les mystéres de la politique . De méme que le coeur, la politique a ses raisons que la raison ne connait pas. La semaine _derniére, 4 Winnipeg, M. Claude Morin, ministre des Affaires Intergouvernementales du Québec a déclaré que lui-méme, ainsi que son gouvernement n’accepteraient pas que les minorités francophones hors Québec soient traitées en otages, soient l'objet de menaces et d’un chantage d’anglophones exercé sur le gouvernement fédéral, chantage pouvant se résumer _ ainsi: sile Québec se sépare, les minorités francophones hors Québec vont en subir les conséquences. Cette déclaration est tout a l’honneur de M. Morin et de son gouvernement, mais il s’agit la ~ d'une nouveauté! En effet, et M. Trudeau n’a pas manqué de le souligner dans son discours de lundi, 4 Winnipeg. le gouvernement du Québec avait refusé d’accepter, a la conférence fédérale-provinciale de Victoria, en 1971, une proposition du gouvernement fédéral qui aurait inclus dans la constitution des clauses destinées a protéger les francophones hors Québec. Lors de cette conférence. le gouvernement fédéral espérait obtenir l'accord unanime de toutes les provinces pour une réforme constitutionnelle. Mais la délégation québecoise, conduite par Robert Bourassa avait décidé de ne pas soutenir la dite Charte de Victoria. Or, le conseiller constitutionnel de M. Bourassa, qui lui a conseillé de ne pas accepter la proposition constitutiounelle fédérale 4 Victoria, n’était nul autre que... M. Claude Morin! “Maintenant. six ans aprés, il dit que son gouvernement fera le travail. J’aimerais que vous testiez sa sincérité.” a déclaré M. Trudeau. M. Morin pourrait-il expliquer aux francophones hors Québec les raisons de son revirement d’attitude et de l'intérét que son gouvernement et lui-méme montrent tout-a-coup a légard des minorités francophones? ; - Jean-Claude ARLUISON