Pauvre et splendide Mexique . par Roger Dufrane Réveil au milieu de la nuit. Ot suis-je ¢ Il me faut un moment pour rassembler mes idées. Jalapa ! Petite ville de 1’état de Vera-Cruz, accrochée comme une cor- beille de fleurs au penchant d’un volcan. Jalapa ! Lenom sonne A ma mémoire, sec et enlevé comme un coup de castagnette. Sur le talus, vis-a-vis de la maison ot je loge, se dresse un arbre majestueux au vas- te couvert. Je l’ai admiré, calme dans le soir, par maj fenétre ot dansaient les moustiques. Les rumeurs de la ville provinciale se sont ‘tues. Soudain, un chant d’oi- seau, hésitant, effleure le silence. L’oiseau s’enhar- dit, répéte son refrain avec plus d’assurance et ses com- pagnons obscurs l’accompa- gnent. Chacun y va de son petit air, les uns l’agrémen- tant de vocalises, les autres de quelques notes, d’autres encore d’un simple trait mu-. Sical. Le jour se léve. Debout devant la fenétre ouverte, je vois les oiseaux voltiger autour du grand arbre, qui ne me cache plus ses mer- veilles. Il brandit, accro- chés A ses branches, autant de nids qu’un autre porte- rait des fruits ; et tout ce monde chante et tournoie, carrousel mélodieux, A quoi répond, au loin, un carillon matinal. Vers dix heures du matin, me voici montant la cdte qui méne 4 Jalapae Les maisons roses et bleues, coiffées de leurs toitures A larges bords, grimpent parmi les fleurs. Voici le parc muni- cipal, tout égayé d’oiseaux chanteurs et planté d’arbres chaux. Lesphotographes; ambulants sortent de leur! petite valise leur appareil 4 trépied. Les cireurs de bot- tes se penchent sur leurs boftes en échangeant des plaisanteries. Une petite bonne femme, Asa charrette, allume le réchaud od elle frira ses beignets. A la ter- rasse du café 4 arcades ou je déguste une ‘‘cerveza’’, un jeune vendeur de ‘‘pale-; tas’? me tend son panier. de sucreries. : La route de Coatepec s’en- fonce vers l’inconnu comme un tunnel de verdure aux parois en feuilles de bana- niers. Cela me rappelle le décor des films de Tarzan. Je le dis A mon guide. I rit, et me raconte 4 ce sujet une anecdote : 4 Jalapa de- meurait un musicien noir. Entre deux contrats, il se chercha un emploi tempo- raire. Apprenant qu’une so-' ciéte cinématographique en- gageait des figurants pour une version nouvelle de Tar- zan, il se présentaet futem- bauché. L’équipe se rendit en autocar dans la jungle au sud de Vera-Cruz. Vétu d’un Ppagne en peau de léopard, le négre devait jouer au sau- vage. Alors qu’il brandissait un épieu de bambou et gri- mag ait effroyablement, le temps refroidit. ‘‘E1 Norte’’, cette bise glaciale quisurgit intempestivement dans la région, s’abattit sur les épaules de Tarzan et ses comparses, au point que tout le monde, y compris notre figurant, y gagna un rhume tenace et accablant. Ce qui -devint pour six mois la fable du pays. Au retour de Coatepec, nous longeons des plantations de caféiers, d’orangers et de bananiers. Le bruit court qu’ un ancien président posséde par ici d’immenses terres. Le cumul est interdit ; mais on s’arrange, en faisant enregistrer les terres sous le nom de 1l’épouse et des enfants. Quant aux petits producteurs, ils s’unissent en coopératives. Hélas, beaucoup de ‘‘campesinos’’, aux troncs corsetés de naifs et peu instruits, sont exploités par de roués po- liticiens. Sympathiques et courageux sont les paysans mexicains. On m’a conté 4 leur propos histoire que voici, qui éclaire un coin de leur Ame. ‘*Lencho, pauvre paysan, cultivait des haricots et du mais. Cette année-la, les champs fleuris annongaient une bonne récolte. Mais une geléé blanche s’abattit sur les champs et la récolte fut gachée. Lencho, qui savait lire, était pourtant resté candide. Le lendemain de la tragédie, il adressa une car- te postale au créateur : ‘*Dieu, i Pour que ma famille puisse survivre, pour que je puisse racheter des semences, je te prie, envoie-moi cent pe- sos.’?’ Sur quoi Lencho porta son message au bureau de poste. L’employé, Lencho parti, in- trigué par l’adresse, lut le texte devant son chef. Celui- ci, homme de coeur, orga- nisa parmi le personnel une collecte qui rapporta la moi-| tié de la somme requise. On glissa les cinquante pe- sos dans une enveloppe au nom de Lencho. Une semaine] plus tard, Lencho vint cher- cher la réponse. Voyant la somme incompléte, il se fa- cha tout rouge, prit du pa- pier et de l’encre, et écri- vit : “Dieu, Tl manque la moitié de la somme. Envoie-moi la dif- ference ; mais plus par la poste, car tous les emplo- ‘| yés sont des voleurs.’? (A suivre ) Isabelle par Jacques Baillaut Las de se promener tout nus, les lilas se sont com- mandé des habits nouveaux pour la demi-saison. Demoiselle parfumée qui cherche A se marier, celui d’Isabelle, tout prés de sa maison, sera vétu d’un blanc- couleur de neige. Un autre s’accroche péni- blement au mur décrépi d’un bistrot ; il a la trogne rouge et l’on dit qu’il ne met ja- mais d’eau dans son vin, tandis qu’au fond du jar- din de Monsieur le Vicaire se dresse un lilas violet en robe de cardinal, trés digne dans un parterre de monnaie du pape. Sur le seuil de la ruche, | une abeille éblouie par le soleil au sortir de la longue nuit d’hiver, essuie d’une patte légére les facettes de ses yeux. C’est l’estafette, la premiére 4 sortir du lo- gis. La reine, ce matin, lui a dit : ‘‘Je suis lasse de manger du miel de l’anpas- sé, j’ai envie de pollen ; va-t’en donc m’en chercher au jardin et raméne-moi sur l’heure un rapport complet sur 1l’état des chemins et la santé des fleurs. La fourmi n’est pas sor- tie, ni méme le papillon, mais la petite abeille tout 4 l’heure, rentrera alamai- son, les bras chargés de su- cre nouveau volé a4 une jon- quille. ISABELLE peut étre enten- ‘due A 1l’emission ‘‘Du vent dans. les voiles’’ présentée par Serge Arsenault du lun- di au vendredi 4 7 h, sur les Ondes de CBUF-FM,97.7 Vancouver. ‘ISABELLE c’est pour vous. (Tous droits de reproduc- tion et d’adaptation réser- ‘vés). LA GCAISSE ‘ST-SACREMENT Venez emprunter a la Caisse pour consolider vos dettes Devenez memnre — et Guvrez un compte Pour toutes informations -communiquez avec _ LA OAISSE POPULATRE ST-SACREMENT Téléphone 874.9622 700 - 1¢idme avenue ouest POPULAIRE Vancouver 0, 0.8. VIII, LE SOLEIL, 23 AVRIL 1971